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Le nouveau visage du Kosovo

Hashim Thaci, le nouvel homme fort du Kosovo. Keystone

Les indépendantistes ont remporté les législatives au Kosovo. Les ministres des Affaires étrangères de l'UE mettent en garde contre une indépendance précipitée de la province serbe.

Le gouvernement suisse prendra officiellement position après le 10 décembre. Mais mardi, le ministre de la défense Samuel Schmid a déjà annoncé que la mission de la Swisscoy au Kosovo ne sera pas remise en cause.

Huit ans après la guerre au Kosovo, le parti de l’ex-chef de la guérilla séparatiste albanaise, Hashim Thaci, favorable à une indépendance rapide du Kosovo, a remporté les législatives kosovares.

Son Parti démocratique du Kosovo (PDK) a obtenu 34% des voix devant la Ligue démocratique du Kosovo (LDK), du président kosovar Fatmir Sejdiu créditée de 21,8%.

L’Alliance pour le nouveau Kosovo de l’homme d’affaires controversé Behgjet Pacolli, est arrivé en troisième position avec 12,1% de votes. Quant à la minorité serbe, elle a boycotté ces élections.

Avertissement de l’UE

L’indépendantiste Hashim Thaci est donc sur les points d’accéder au poste de Premier ministre. Mais l’Union européenne (UE), met en garde contre toute précipitation.

«Le Kosovo doit avoir son indépendance, mais ce ne doit pas être une déclaration unilatérale, a déclaré à Bruxelles Jim Murphy, ministre britanniques aux Affaires européennes. Cela doit être une décision prise d’entente avec la communauté internationale.»

Le ministre suédois des Affaires étrangères Carl Bildt qu’une déclaration d’indépendance précipitée pourrait conduire à un isolement de la province. Chypre, la Grèce, la Slovaquie et l’Espagne ont également montrés réticents face à une déclaration d’indépendance unilatérale du Kosovo.

Négociations difficiles

Formellement province serbe, le Kosovo est administré par les Nations Unies depuis 1999. Des négociations ont lieu pour déterminer le statut de la province. La majorité albanaise du Kosovo souhaite l’indépendance. Mais la Serbie – soutenue notamment par Moscou – est réticente.

La «troïka» (UE / Russie Etats-Unis) a ouvert mardi à Bruxelles une nouvelle séance de pourparlers entre dirigeants serbes et indépendantistes kosovars. Ces pourparlers devraient constituer l’avant-dernière rencontre avant la fin, le 10 décembre, de cet ultime cycle de négociations entre Serbes et Kosovars.

Il a été entamé en août, après que la Russie eut bloqué au Conseil de sécurité de l’ONU l’adoption d’une résolution qui aurait accordé aux Albanais du Kosovo une indépendance sous surveillance internationale. Les dernières discussions devraient avoir lieu en début de semaine prochaine à Vienne, et pourraient durer plus d’une journée.

Position officielle de la Suisse

Contacté par swissinfo, le ministère suisse des Affaires étrangères (DFAE) indique ne pas vouloir prendre position à l’issue de ces élections. Il ne s’exprimera qu’après le 10 décembre. Pour l’heure, la position officielle de la Suisse est toujours celle exprimée en mai 2005 devant les Nations Unies. Celle-ci tient en trois points.

Premièrement, les désirs légitimes des deux communautés doivent être pris en considération. Les minorités doivent pouvoir vivre en paix et profiter des mêmes opportunités que la communauté albanaise. Quant à la majorité albanaise, elle doit pouvoir exercer son droit à l’autodétermination.

Deuxièmement, la Suisse constate qu’un retour du Kosovo sous souveraineté serbe n’est «ni souhaitable, ni réaliste». Mais l’indépendance doit passer par une étroite surveillance internationale et ne pas être imposée à Belgrade.

Troisièmement, l’intégrité du Kosovo doit être maintenue. Pour la Suisse comme pour la communauté internationale, il est important de maintenir des Etats multiethniques dans cette région.

Indépendance «formelle»

La ministre des Affaires étrangères Micheline Calmy-Rey s’est en tout cas à plusieurs reprises déjà prononcée en faveur d’une indépendance «formelle» du Kosovo. La communauté kosovar de Suisse lui a d’ailleurs récemment témoigné publiquement sa reconnaissance.

Mais, le chef de l’Institut du fédéralisme de l’Université de Fribourg et conseiller juridique du gouvernement serbe, Thomas Fleiner regrette ce soutien. Selon lui, il contredit la Constitution fédérales qui demande à la Suisse de tout faire pour contribuer à «la coexistence pacifique des peuple». Or une solution basée sur un compromis apporterait une paix plus stable qu’une déclaration unilatérale.

Membre du Conseil des étrangers de la ville de Zurich et membre de l’Association albanaise des enseignants et des parents, Nexhat Maloku soutient pour sa part la position de Micheline Calmy-Rey.

«L’engagement de la présidente de la Confédération pour l’indépendance du Kosovo constitue une prise de position importante et encourage certainement la Kosovo a entretenir des liens étroits avec la Suisse à l’avenir», a-t-il déclaré à swissinfo.

La Swisscoy restera

La mission de la Swisscoy au Kosovo ne sera pas remise en cause en cas de proclamation unilatérale d’indépendance de cette région située au sud de la Serbie. Le Département fédéral de la défense (DDPS) de Samuel Schmid a revu sa position à ce sujet.

«Même si le nouveau gouvernement de Hashim Thaci proclame de façon unilatérale son indépendance de la Serbie, la résolution 1224 de l’ONU reste valable», a indiqué mardi le porte-parole du DDPS, Sebastian Hueber. Dans un tel cas de figure, le contingent suisse pourrait alors demeurer au Kosovo dans le cadre du mandat onusien.

Coordination avec Washington et Bruxelles

«Le Kosovo peut à tout moment proclamer son indépendance, mais la question est de savoir si celle-ci sera reconnue», analyse pour sa part l’écrivain et politicien kosovar Fatmir Brajshori, qui vit en Suisse depuis 1994.

«Je pense que le nouveau gouvernement ne va pour le moment rien entreprendre dans le sens de l’indépendance, sans obtenir le signal correspondant, principalement de la part des Etats-Unis, conclut Fatmir Brajshori.

Le principal intéressé semble en tout cas lui donner raison; mardi, Hashim Thaci a en effet affirmé que le Kosovo était «prêt pour l’indépendance, mais qu’il ne ferait rien sans coordination avec Washington et Bruxelles.»

swissinfo et les agences

Le nouvel homme fort du Kosovo, Hashim Thaci, a passé quelque temps en Suisse. En 1992, il a quitté son pays pour venir étudier le droit international et l’histoire des Balkans à l’université de Zurich.

En 1993, il a été l’un des fondateurs de l’UCK, l’armée de libération du Kosovo. Après une formation militaire en Albanie, il est revenu au Kosovo où il s’est fait connaître sous son nom de guerre de «Gjarper» (le serpent).

En 1997, il a été condamné par un tribunal serbe à dix ans de prison pour terrorisme et participation à plusieurs meurtres. L’accusé n’était pas présent à son procès.

Après la guerre, Hashim Thaci a poursuivi une carrière politique au Kosovo.

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