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Le pape met fin au schisme avec les intégristes

Les séminaristes d'Ecône en procession dans le vignoble valaisan pour se rendre à une cérémonie d'ordination. Keystone

Le Vatican a annulé l'excommunication des évêques intégristes de la Fraternité Saint Pie X ordonnés en 1988 par Mgr Marcel Lefebvre. Benoît XVI n'a pas tenu compte des déclarations négationnistes de l'un d'entre eux, qui avaient suscité un tollé dans la communauté juive.

La décision du pape Benoît XVI figure dans un décret daté du 21 janvier et rendu public samedi. Elle lève les excommunications qui frappaient les évêques de la fraternité sacerdotale Saint Pie X, dont le siège est en Suisse. Bernard Fellay, Bernard Tissier de Mallerais, Richard Williamson et Alfonso de Galaretta sont les quatre évêques concernés.

Le porte-parole du Vatican Federico Lombardi a salué comme «une bonne nouvelle» la levée de l’excommunication, «un pas très important vers la reconstitution de la pleine communion de l’Eglise».

Mgr Williamson, l’un des évêques de la fraternité, a nié récemment à la télévision suédoise l’existence des chambres à gaz. Selon le père Lombardi, les déclarations de Mgr Williamson n’ont «aucun rapport» avec la mesure prise par le Vatican. Il a assuré que la fraternité a «pris ses distances» avec elles.

Vive émotion

«Je crois qu’il n’y a pas eu de chambres à gaz (…) Je pense que 200’000 à 300’000 Juifs ont péri dans les camps de concentration, mais pas un seul dans les chambres à gaz», a déclaré Mgr Williamson dans un entretien diffusé jeudi soir par la chaîne publique SVT, mais datant de novembre. Le parquet de Ratisbonne, en Allemagne, a annoncé l’ouverture d’une enquête.

Ces propos ont soulevé une vive émotion. En France, la Licra (ligue contre le racisme et l’antisémitisme) a estimé que la réhabilitation de cet évêque serait «un recul inquiétant dans la politique menée par l’Eglise contre l’antisémitisme depuis le concile Vatican II».

Le grand rabbin de Rome, Riccardo Di Segni, s’était dit «choqué» par les propos de Mgr Williamson et avait estimé que la levée de son excommunication serait «une blessure profonde» pour le dialogue entre l’Eglise catholique et les Juifs.

Gestes de Benoît XVI

Le décret indique que les quatre évêques intégristes ont eux-mêmes demandé la levée de leur excommunication par une lettre en date du 15 décembre. Dans cette lettre, ils ont assuré leur «détermination à rester au sein de l’Eglise catholique romaine», à accepter ses enseignements «avec un esprit filial» et à respecter le «primat» du pape.

L’annulation de l’excommunication des quatre évêques est l’aboutissement de vingt ans d’efforts, souvent unilatéraux, du Vatican pour mettre fin au schisme initié par Mgr Marcel Lefebvre en 1970. Dès le début de son pontificat, en 2005, Benoît XVI a multiplié les gestes de bonne volonté envers la fraternité.

Durant l’été 2005, il avait reçu le chef de la Fraternité Saint-Pie X, Mgr Bernard Fellay, un évêque tradionaliste valaisan. Il a aussi libéralisé la messe en latin, un préalable posé par les intégristes, et satisfait leur attachement à la tradition en mettant l’accent sur les éléments de «continuité» du concile Vatican II au détriment de ses aspects novateurs.

Gratitude exprimée

La fraternité sacerdotale Saint Pie X, basée à Menzingen, dans le canton de Zoug, a exprimé sa gratitude au Pape Benoît XVI. «Nous exprimons notre gratitude filiale au Saint Père pour cet acte qui, au delà de la Fraternité Sacerdotale Saint Pie X, sera un bienfait pour toute l’Eglise», indique samedi le supérieur de la Fraternité, Mgr Bernard Fellay, dans un communiqué, qui qualifie cet acte de «courageux».

«Nous sommes heureux que le décret du 21 janvier envisage comme nécessaire des ‘entretiens’ avec le Saint-Siège», poursuit le texte de la Fraternité, qui dirige un séminaire à Ecône, en Valais.

Ces entretiens «permettront à la Fraternité sacerdotale Saint Pie X d’exposer les raisons doctrinales de fond qu’elle estime être à l’origine des difficultés actuelles de l’Eglise», explique encore Mgr Fellay.

swissinfo et les agences

Vatican II. La Fraternité Saint Pie X, communauté intégriste fondée en 1970 par Mgr Marcel Lefebvre, aujourd’hui décédé, a refusé les principales décisions du concile Vatican II (1962-65), comme le dialogue inter-religieux, la liberté religieuse et la messe en langue courante.

Excommunication. La communauté est en marge du Vatican depuis que Mgr Lefebvre a ordonné quatre évêques en 1988, ce qui leur a valu l’excommunication, une mesure que le pape Benoît XVI a annulée par un décret daté du 21 janvier 2009.

Ecône. La Fraternité, dont le siège est à Menzingen, dans le canton de Zoug, compte 6 séminaires, dont celui d’Ecône en Valais. Ce dernier assure la formation de 62 futurs prêtres, de dix nationalités différentes,

Dans le monde. La Fraternité est implantée dans une trentaine de pays et déclare réunir 150’000 fidèles (sur un milliard de catholiques), particulièrement en France et au Brésil. Elle revendique près de 1000 maisons dans le monde (séminaires, instituts universitaires, écoles, maisons de retraite). Elle compte 471 prêtres et 182 séminaristes.

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