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Le Poète qui veille sur le biotope de l’Asse

Poète avec Kiss, son corbeau tombé du nid. swissinfo.ch

«Poète», drôle de nom pour un intendant. Mais lorsqu'on rencontre le bonhomme qui bichonne le terrain du Paléo et que l'on visite son incroyable jardin-musée-bric-à-brac, on comprend mieux pourquoi il n'en veut pas d'autre.

Vous êtes un habitué du Paléo ? Alors, vous avez dû passer dix fois à deux pas de son jardin sans le voir. Il est vrai que les environs ne payent pas de mine. Derrière le morne bâtiment des entrepôts du festival et de la maison de production Opus One se cache pourtant un ilot de verdure. Un lieu hors du temps, doucement arrosé par le petit ruisseau de l’Asse.

C’est ici que vit Poète, entre sa roulotte, ses ateliers, ses plantes en pots et son incroyable collection d’objets récupérés dans la décoration des loges d’artistes du festival et des concerts en Suisse romande, dont il s’occupe depuis bientôt vingt ans.

Mais au départ, c’est comme responsable des conduites d’eau que ce natif de la région d’Arbois, dans le Jura français, devenu par les hasards de la vie pêcheur du Lac Léman, a été engagé au Paléo.

Aujourd’hui, il en est l’une des consciences vertes, et ne peut que se réjouir des efforts sincères auxquels ses patrons consentent en matière d’écologie. Par exemple en encourageant leurs employés permanents à résider près du terrain et en leur subventionnant l’abonnement général des chemins de fer.

Ecolo par instinct, Poète est aussi un grand ami des oiseaux. En ce moment, il dorlote Kiss, un bébé corbeau tombé du nid, ainsi nommé parce qu’il l’a découvert dans un carton en rentrant du concert du groupe éponyme, auquel personne d’autre n’avait voulu accompagner le fils de Daniel Rosselat (le patron) et ses potes.

Histoire de famille en quelque sorte. C’est comme ça qu’on fonctionne au Paléo.

swissinfo: Intendant de l’Asse, ça consiste en quoi exactement ?

Poète: Paléo est une grande maison avec un jardin sans mur et des tas de jeunes qui viennent pour faire la fête une semaine en juillet. Mais on a aussi des voisins. Et il faut que tout soit accueillant et se passe bien.

A partir de là, il y a un millier de choses à faire, parce que le terrain, ce n’est pas du matériel, c’est vivant: les arbres, les plantes, tout ce qui est en pot… Et comme on s’en sert, il faut lui donner un certain entretien. C’est un échange.

A la fin du festival, on fait un sérieux nettoyage, on redonne quelque chose à la terre, on la scarifie, on la gratte, on enlève tous les déchets qui ont pu pénétrer en profondeur. Et cela lui permet de mieux respirer. Parce que les arbres et les plantes ont besoin d’air et de lumière. Comme nous.

Cela dit, avant le festival, on pense surtout à avoir un terrain propre et pratique à nettoyer. Comme une sorte de nappe.

swissinfo: Une nappe généralement plus brune que verte, d’où la fameuse poussière que le vent soulève à Paléo. Cette année pourtant, il semble y avoir plus d’herbe que jamais sur l’Asse…

P.: Cette année, c’est exceptionnel, parce qu’on a eu un vrai printemps, avec de l’eau, de l’eau et encore de l’eau. Un peu comme quand Jane Birkin avait amené la gadoue, l’Amazonie nous a amené du vert [puisque le Brésil est cette année l’invité du Village du Monde].

Cela dit, les paysans qui exploitent le terrain le reste de l’année ont compris ce qu’on voulait en faire. Ils y mettent de moins en moins de bêtes, et ne font une seule coupe dans l’année. Petit à petit, l’Asse redevient quasiment sauvage, il y a un biotope qui se développe. Et comme l’herbe repousse à la hauteur de la coupe, on finira par avoir un beau tapis d’orient.

Mais il y a aussi un travail monstrueux que nous devons tous faire, chacun à son niveau. Ne plus aller sur le terrain avec un véhicule, de ne pas faire trois fois l’aller-retour avec deux planches, toutes ces petites choses.

Il y a une vraie volonté chez les responsables des constructions d’économiser le terrain et aussi de faire respecter notre code d’honneur aux commerçants. Ils sont là pour travailler, c’est clair, mais mieux on prendra soin du site, et plus ils travailleront longtemps.

swissinfo: Donc, Paléo écolo, c’est une réalité ?

P.: Vous savez, il n’est pas facile de consommer propre à la base déjà. Pensez simplement aux fournitures que l’on reçoit, il y a du carton et du plastique partout.

Bien sûr, nous le recyclons, et nous demandons au public d’en faire autant. Et ce que je vois, c’est que cela ne semble pas trop les bassiner. Le matin, on a de moins en moins de déchets qui traînent sur le terrain. Mais bon, il ne faut pas se punir non plus, on a le droit de faire la fête. Et avec une fête énorme comme celle-ci, on est encore loin de l’écologie, c’est clair.

Il y a ces milliers de voitures qui s’entassent et laissent tourner leur moteur dans les bouchons. Et on consomme de l’électricité: quand on voit les câbles par terre, on a peur… Mais sans eux, on ne ferait rien…

swissinfo: Et surtout pas de concerts… A propos, vos temps forts de cette édition 2008, ce sera quoi ?

P.: Je ne suis pas trop la rumeur. J’aime les découvertes. Mardi soir par exemple, je suis tombé par hasard sur Redback à la scène du Détour, et je me dis que j’ai bien fait de ne pas aller voit Ben Harper.

Mais il ne faut pas rater bêtement les incontournables. Alors Manu Chao et R.E.M. bien sûr, mais aussi Thomas Dutronc et Mika, que je trouve très festif. Dans ces moments-là, je danse et mes pieds soulèvent de la poussière. Donc pour une fois, tant pis pour les oiseaux !

Interview swissinfo: Marc-André Miserez à Paléo

Comme cela est le cas depuis quelques années, le Paléo Festival (du 22 au 27 juillet) se joue à guichets fermés. Aucun billet n’est vendu sur place, mais les organisateurs en mettent plus de mille par jour en vente le matin même, sur le site du festival (paleo.ch) et dans les points de vente ticketcorner. Ils sont disponibles à partir de neuf heures et… il n’y en a pas pour tout le monde.

Grand Corps Malade, IAM, Massive Attack, Daniel Darc, Thomas Dutronc, Keny Arkana, Missil, le Brésil au Village du Monde et au Détour, Dorian Gray, Toufo et Kassette.

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