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Le Presbytère de Maurice Béjart

Toute la chorégraphie est inspirée des chansons du groupe Queen. (sp) swissinfo.ch

C'est par le déjà connu mais toujours aussi bel hommage au danseur Jorge Donn et au chanteur Freddie Mercury que le Béjart Ballet de Lausanne, le BBL, a entamé sa saison printanière, à l'Espace Odyssée de Malley.

20 heures, vendredi soir. Une explosion de faisceaux lumineux jaillissant du sol inondent la salle de l’Odyssée. Couchés sur la scène, les danseurs du BBL se cachent derrière leur drap blanc.

La voix de Freddie Mercury s’élève, fière, limpide et puissante. Très vite, la guitare rocailleuse et stridente de Brian May lui donne la réplique.

Il faut aimer la musique de Queen, sous peine de ne pouvoir apprécier Le Presbytère. Car toute la chorégraphie est inspirée des chansons du célèbre groupe de rock anglais.

Peu à peu, danseuses et danseurs se dévoilent, moulés dans des costumes blancs sur un fond de scène noir et dépouillé. Au milieu du plateau, une chaise blanche, autour de laquelle, Gil Roman, seul en noir, esquisse quelques pas, puis s’élance et fait danser sa silhouette.

Son double, en blanc, l’enveloppe d’ailes portées à bouts de bras. Un pas de deux s’enchaîne. Puis, en écho, répond un second duo féminin. On est quelque part dans l’au-delà, entre l’enfer et le paradis.

Le Presbytère est un ballet sur les gens qui sont morts jeunes. Trop jeunes? «Je n’en suis pas sûr, explique Maurice Béjart, car les choses sont comme elles doivent être».

Toujours est-il que Jorge Donn et Freddie Mercury sont décédés à 45 ans. «Tous deux manifestaient la même rage de vivre et de se montrer, déclare le Maître. Bien que très différents, ils avaient de fortes correspondances, au sens baudelairien du terme».

Dans ce ballet du Presbytère, qui fait le plus souvent appel au grandiose, les compositions de Mozart tiennent lieu de respiration bienfaitrice entre les chansons de Queen. La présence de sa musique n’est pas innocente. Wolfgang Amadeus disparut lui aussi à 35 ans.

Défilent alors différents tableaux que l’on peut percevoir comme une infirmerie, une baignade sur la plage, un jardin d’enfants, jusqu’à cette salle d’eau de deux mètres sur deux, où pas moins de quinze danseurs évoluent avec grâce.

Dans ce cube ouvert, ils s’étirent, se pendent aux cloisons, se replient sur eux-même et finissent tous couchés les uns sur les autres, pour enfin se redresser, bras tendus, paumes ouvertes vers le ciel.

Maurice Béjart fait la part belle au masculin dans cette chorégraphie. En ce sens, il n’est de plus beau passage que lorsque Gil Roman se met à danser seul sur toute la largeur de la scène. Avec, derrière lui, des radiographies géantes de squelettes humains.

Mais la réplique de Jorge Donn sur grand écran, en fin de spectacle, ne renforce pas le show. Au contraire, serait-on tenter de commenter. Car tout jusque-là parlait du fameux danseur avec une suggestion d’autant plus forte qu’elle était délicate et subtile.

Reste que, plus que jamais, on sent Maurice Béjart s’approcher de l’essentiel: l’amour qui, seul, donne un sens à la vie. D’ailleurs, le soliste Gil Roman s’exclame au milieu du spectacle: «Vous nous avez dit: faites l’amour, pas la guerre! Nous avons fait l’amour. Mais pourquoi l’amour nous fait-il la guerre»?

Emmanuel Manzi

Le Presbytère du BBL jusqu’au 13 mai à l’Odyssée de Lausanne-Malley.

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