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Le rideau se lève sur une partie de la collection Gurlitt à Berne

Accrochage du portrait de Maschka Mueller, oeuvre du peintre allemand Otto Mueller, au Musée des Beaux-Arts de Berne. L'exposition se tient du 2 novembre au 4 mars 2018. Keystone/PETER KLAUNZER sda-ats

(Keystone-ATS) Le rideau se lève sur une partie de la fameuse collection Gurlitt à Berne. Le Musée des Beaux-Arts, conjointement avec la Bundeskunsthalle de Bonn (Allemagne), présente dès jeudi une sélection de quelque 400 oeuvres. Une toile de Cézanne est attendue.

Intitulée “L’art ‘dégénéré’ – confisqué et vendu”, l’exposition bernoise s’intéresse à l’art moderne banni par le régime national-socialiste allemand. Elle aborde notamment les processus politiques qui, dans les années 1930 et 1940, ont mené à la destruction ou à la vente de ces oeuvres qualifiées de “dégénérées”.

Dans le cadre d’un atelier, les visiteurs peuvent aussi découvrir le travail de recherche de provenance, “un domaine d’étude que le trésor Gurlitt a placé sous le feu des projecteurs”, écrit le musée dans un communiqué.

A Bonn, le deuxième volet de l’exposition se penche sur les spoliations nazies et leurs conséquences. Les deux présentations seront interverties au printemps 2018.

Négociant d’art pour les nazis

Les pièces présentées proviennent de la succession de Hildebrand Gurlitt (1895-1956), un marchand d’art qui s’est particulièrement intéressé à l’art moderne. D’abord menacé par les nazis, il est ensuite devenu un négociant privilégié du régime, dont il a permis de remplir les caisses en vendant à l’étranger ces oeuvres de “l’art dégénéré”.

Les autorités allemandes ont découvert plus de 1500 oeuvres de grands peintres – comme Monet, Cézanne ou Renoir – et des sculptures dans l’appartement d’un retraité, à Munich en 2012, puis dans une maison à Salzbourg (Autriche) en 2014. Le nom du vieil homme, Cornelius Gurlitt, a mis la puce à l’oreille des enquêteurs. Ils ont immédiatement soupçonné que les pièces en question pouvaient avoir été volées.

Dans les cercles artistiques, il était connu que Cornelius Gurlitt (1932-2014), en tant que collectionneur privé, possédait des oeuvres héritées de son père, qu’il vendait à l’occasion pour financer son train de vie modeste.

Héritage surprise

C’est le 7 mai 2014, au lendemain du décès de Cornelius Gurlitt, que l’affaire secoue la Suisse: le Musée des Beaux-Arts de Berne est désigné comme légataire universel dans le testament. “Il n’existe pas de réponse claire à la question de savoir pourquoi le Kunstmuseum fut le destinataire de ces oeuvres”, écrit l’institution. “Cependant, les Gurlitt étaient liés à Berne par les relations commerciales qu’ils y avaient entretenues avec des galeries et des maisons de vente”.

Surpris, le musée se demande s’il peut accepter un tel cadeau. Après six mois de réflexion, il se décide positivement. Mais, une cousine de Cornelius Gurlitt contestant la validité du testament, une bataille avec les héritiers a lieu devant la justice munichoise, qui se solde en décembre 2016 en faveur du musée.

Toutefois, selon un accord conclu avec l’Allemagne, seules les oeuvres irréprochables doivent revenir à l’institution bernoise. Leur provenance a ainsi été étudiée, et certaines ont été restituées à leurs ayant droit. Des procédures sont cependant toujours en cours, dont l’une porte sur “La Montagne Sainte-Victoire”.

Discussion avec la famille Cézanne

Cette huile de Paul Cézanne (1839-1906), l’une des pièces maîtresses de la collection Gurlitt, devrait être présentée dans le cadre de l’exposition. C’est ce qu’ont fait savoir les organisateurs mercredi en conférence de presse.

La peinture n’est pas encore parvenue au musée, mais elle doit arriver, a assuré Marcel Brülhart, vice-président de la fondation faîtière Kunstmuseum Bern/Zentrum Paul Klee. Cette toile n’a pas été classée comme de l’art spolié, mais sa provenance n’est pas clairement établie.

La famille Cézanne a fait part de ses prétentions sur cette oeuvre. Pour l’instant, c’est une copie qui est présentée au public. A noter que la montagne Sainte-Victoire, qui s’élève près d’Aix-en-Provence, est le sujet de dizaines d’oeuvres peintes par Paul Cézanne.

Les peintures à l’huile ne représentent qu’une petite partie de la collection Gurlitt. Celle-ci se compose avant tout de travaux sur papier – gouaches, aquarelles et dessins notamment – de l’expressionnisme, du constructivisme et du vérisme. Y sont notamment représentés des artistes comme Ernst Ludwig Kirchner, Edvard Munch et Otto Dix.

SWI swissinfo.ch - succursale de la Société suisse de radiodiffusion et télévision

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