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Le spectre de la guerre a plané sur Davos

Fin des rencontres à Davos. Chacun reprend le chemin de la maison avant de revenir en 2004. Keystone

Le 33e Forum économique mondial qui s'est achevé à Davos a été marqué par les craintes d'une guerre en Irak et ses conséquences économiques.

Des mesures de sécurité exceptionnelles ont entouré ce rendez-vous annuel.

Beaucoup des quelque 2000 décideurs qui ont participé au Forum n’ont pas caché leur profonde inquiétude à propos de la récession mondiale et de l’impact d’une guerre en Irak.

On considérait que cette 33e édition serait l’occasion de tourner la page sur les récents désastres financiers du genre Enron et Swissair.

C’est ce qui a poussé le fondateur du Forum, Klaus Schwab, à placer les débats sous le thème de la confiance. Histoire de trouver le traitement choc pour surmonter la morosité qui grippe l’économie mondiale.

Une météo pessimiste

Mark Pieth, professeur de droit pénal à l’Université de Bâle, relève que les questions de blanchiment d’argent, de respect des règles comptables, de corruption et de fraude ont été au centre des débats.

«Ces thèmes sont d’actualité… et, ici, il m’a semblé que certains souhaitaient s’engager plus avant qu’auparavant», a notamment déclaré M. Pieth à swissinfo.

«Ceci, c’est la bonne nouvelle, mais il y a aussi la mauvaise.»

Dans le passé, Davos a servi de faire-valoir aux gagnants de l’économie. C’était le temps où les dirigeants d’Enron ou de WorldCom occupaient le devant de la scène.

Cette année, les grandes stars étaient des personnages comme Peter Brabeck, le patron de Nestlé, qui, année après année, a contribué à accroître les profits inégalés du numéro un mondial de l’alimentation.

L’heure de la revanche

Fort de son statut de «success story», M. Brabeck a profité de l’occasion pour critiquer la mentalité à court terme qui a dominé et causé la perte de nombreuses sociétés pendant les années 90.

«Il faut des années et des années pour créer la confiance … et ces efforts peuvent être anéantis en une seconde», a notamment déclaré le patron de Nestlé.

Il a particulièrement dénoncé l’obsession très américaine de la publication des résultats financiers tous les trimestres. Avec, pour conséquence, la recherche de bénéfices immédiats au détriment d’une croissance durable.

«Dans les années 90, lorsque nous refusions de communiquer nos résultats financiers, on nous tapait sur les doigts», dit encore Peter Brabeck.

«On nous accusait d’être la société la plus ennuyeuse et la plus démodée au monde.»

A Davos, de nombreux débats ont vu des participants remettre en question le postulat que le cours de l’action est la mesure de la valeur réelle d’une société.

Peter Brabeck a plaidé, entre autres, pour la prise en compte d’autres critères, comme les avantages qu’une entreprise peut offrir à ses clients, à ses employés ou toute autre partie concernée par son fonctionnement.

Il a mis en garde contre la domination des analystes financiers «qui vont jusqu’à prétendre dicter aux entreprises quels devraient être leurs bénéfices».

Des belles paroles mais peu d’actes

Mais, malgré toutes ces discussions, certains ont quitté Davos en se demandant si l’économie cherchait véritablement à mettre en pratique ces belles paroles.

Selon Mark Pieth, de nombreux chefs d’entreprises se sont montrés plus disposés qu’auparavant à débattre d’une meilleure gouvernance.

Mais, selon lui, nombre de grandes questions, comme la chasse à la corruption, n’ont pas été abordés. «Nous devrions les pousser plus sur ce sujet de la responsabilité des entreprises et de l’Etat.»

Irak, Irak, Irak

Cette année bien sûr, le forum a été dominé par la menace de guerre en Irak et l’impact du terrorisme sur l’économie mondiale.

Le président de la Confédération, Pascal Couchepin, a ouvert les débats avec un avertissement sec aux Etats-Unis: la Suisse ne soutiendra pas une action militaire unilatérale contre l’Irak.

Ses propos ont été suivis par une attaque en règle de Mahathir ben Mohamad, Premier ministre de Malaisie, qui a fait la leçon aux Américains, estimant que «terroriser les terroristes» ne ferait qu’attiser le terrorisme.

Colin Powell, secrétaire d’Etat américain, a également fait le voyage de Davos, ainsi que le nouveau président brésilien, Lula da Silva.

Les arguments de Colin Powell en faveur d’une action contre l’Irak n’ont pas convaincu tout le monde, et encore moins Pascal Couchepin.

Sécurité massive

Le 33e Forum de Davos a également été le théâtre de la plus vaste opération sécuritaire de l’après-guerre en Suisse.

Des milliers de soldats et de policiers armés jusqu’aux dents ont assuré la bonne tenue de la rencontre.

Mais leur présence se faisait aussi l’écho des incertitudes qui pèsent sur un monde sur le point d’entrer dans une nouvelle guerre.

swissinfo, Jacob Greber, envoyé spécial à Davos
(traduction: Isabelle Eichenberger)

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