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Le sport à la TV, un produit d’appel dans un marché très disputé

Dans le marché très disputé du sport à la TV, groupe de médias et de télécoms multiplient leurs offres, mais la rentabilité n'est pas au rendez-vous. (archives) KEYSTONE/CHRISTIAN MERZ sda-ats

(Keystone-ATS) Les opérateurs privés de télécommunication multiplient les offres pour fidéliser leur clientèle en Suisse, dans un marché hautement compétitif. Les retransmissions sportives constituent un enjeu stratégique, quitte à ce que la rentabilité immédiate en souffre.

L’époque où la SSR SRG Idée Suisse avait la maîtrise totale de la diffusion du football et du hockey sur glace est révolue depuis longtemps. Dernier épisode, les amateurs de sport moyennement avisés – ceux qui n’avaient pas payé auprès d’un opérateur privé – ont eu un choc le mardi 28 août en découvrant qu’ils n’avaient pas accès sur leur chaîne publique au match de barrage retour de Ligue des Champions de football entre Dinamo Zagreb et les Young Boys, gagné par le club bernois.

Dès cette saison, Teleclub, filiale de Swisscom, a en effet acquis les droits de retransmissions de toutes les compétitions européennes – Ligue des Champions (LC) et Europa League (EL)-, la SSR ayant droit encore à un match de LC le mercredi et à une rencontre d’EL le jeudi (avec priorité sur les clubs suisses).

Cette révolution s’ajoute aux précédentes, comme le déboursement de quelque 40 millions de francs par saison par Teleclub pour conserver la haute main sur la diffusion du Championnat de Suisse de football de 2017 à 2021, puis la réplique, dès la saison 2017-18, par le câblo-opérateur UPC qui ravissait à son concurrent les droits pour le Championnat de Suisse de hockey sur glace pour quelque 35 millions de francs par an.

Les observateurs du secteur doutent fort que la diffusion de ces bouquets sports payants puisse être rentable en soi, d’autant qu’elle se double de frais de production importants. Mais l’objectif se situe au-delà: “Il s’agit de nous différencier de la concurrence, dans un marché des télécommunications hautement concurrentiel. Celui-ci devient toujours plus large et plus tendu, donc nous créons de nouveaux espaces” avec le sport à la télévision, explique à AWP le porte-parole d’UPC pour la Suisse romande, Julien Grosclaude.

“Il est illusoire de penser gagner de l’argent en diffusant du sport”, tranche un responsable de la RTS à Genève. “Pour les privés, l’objectif de cette offre sportive est de vendre un maximum de boxes (boîtiers) et d’abonnements combinés, sachant que télévision, téléphonie et internet sont étroitement imbriqués.”

UPC ne dit pas fondamentalement autre chose. A la question de savoir si MySports rapporte de l’argent, M. Grosclaude répond: “Nous ne souhaitons pas en perdre. Le but est de nous démarquer avec des contenus exclusifs. L’équation de la rentabilité est complexe.”

Fragmentation

Pour la SSR et la RTS, perdre les compétitions européennes de football (pour l’essentiel) a été un coup dur, mais le diffuseur public ne pouvait “pas régater” face à la puissance financière des privés. UPC par exemple, propriété du Britannique Liberty Global, a prévu d’investir 300 millions sur cinq ans dans ses chaînes sportives.

Reste à savoir si le public, parfois déboussolé par cette fragmentation de l’offre sportive, est prêt à suivre. MySports Pro (offre payante centrée sur le hockey mais comprenant aussi handball, beachvolley, Formule E, Bundesliga, basketball…) revendique 50’000 abonnés en Suisse, la moitié du total dont jouissait Teleclub lorsque ce dernier a dû céder à UPC les droits pour le hockey. “Après un an, c’est un excellent résultat”, estime M. Grosclaude.

Teleclub ne semble pas malheureux d’avoir dû se rabattre sur le football. Le diffuseur annonce à AWP une audience moyenne sur la saison de plus de 36’000 spectateurs par match de Super League, 43’000 en Ligue des champions et 11’000 en Europa League (évaluations de Nielsen Sport).

Les chaînes publiques restent intouchables en terme d’audience, décisives pour la publicité. Un match de Roger Federer peut attirer plus de 200’000 téléspectateurs sur la RTS. Une rencontre phare de Ligue des champions avec un club suisse, lorsque la SSR en avait encore les droits, pouvait toucher entre 500’000 et 700’000 téléspectateurs sur toute la Suisse, tandis qu’une bonne journée de Championnats d’Europe d’athlétisme à Berlin cet été captait quelque 60’000 personnes sur la RTS.

“Globalement, en moyenne, le football attire cinq fois plus de téléspectateurs que le hockey sur glace”, précise-t-on à la RTS. “Le hockey dispose cependant d’un fort ancrage régional.”

Mais MySports/UPC comme Teleclub/Swisscom se développent bien au-delà de leur coeur d’activité respectif (hockey et le football) pour présenter une offre de sports globale à même de tailler de nouvelles croupières aux chaînes publiques.

La bataille est rude et la SSR doit s’accrocher pour garder la main sur les grands raouts comme les Jeux olympiques ou la Coupe du monde de football. Pour les détenteurs des droits, les ligues et les grandes fédérations ou organisations, il convient de faire une pesée d’intérêts entre vendre au plus offrant et montrer leur spectacle à un maximum de téléspectateurs.

SWI swissinfo.ch - succursale de la Société suisse de radiodiffusion et télévision

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