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Le Suisse Michel Minnig en première ligne

Michel Minnig en 1996, lors de la prise d'otages à l'ambassade du Japon à Lima. Keystone Archive

Une fois de plus, le CICR a été au cœur de l'événement. En l'occurrence, la tragique prise d'otages qui a pris fin samedi à Moscou.

Et, ces jours passés dans la capitale russe, comme en 1996 à Lima , le délégué Michel Minnig a été en première ligne.

Durant les deux jours et trois nuits qu’aura duré cette prise d’otage, le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) a joué un rôle d’intermédiaire neutre.

Il s’est contenté de prêter assistance aux personnes qui étaient retenues dans le théâtre de Mielnikova. Avec l’accord, bien entendu, des autorités fédérales russes et des preneurs d’otages tchétchènes.

Hors jeu depuis vendredi soir

Concrètement, Michel Minnig et son équipe ont d’abord tenté de répondre aux besoins les plus urgents, aux problèmes médicaux.

La délégation du CICR de Moscou a eu un accès relativement limité au théâtre. Son chef s’est trouvé en présence des preneurs d’otages avec lesquels il s’est entretenu de problèmes humanitaires.

Il leur a même transmis des listes des otages étrangers qui avaient été établies par les ambassades à Moscou. Mais, pour le CICR, rappelait vendredi Michel Minnig à swissinfo, «il n’a pas été question de négociations politiques ou autres».

D’ailleurs, samedi, le CICR s’est refusé à tout commentaire sur l’issue de la prise d’otages. Son porte-parole, Vincent Lusser, s’est contenté de préciser que l’organisation n’était plus impliquée dans le drame depuis vendredi soir. Soit depuis que les autorités russes ont décidé de lancer l’assaut de samedi matin qui a coûté la vie à des dizaines d’otages et de rebelles.

Sous les feux de la rampe

Pour mémoire, les autorités russes et le commando avaient sollicité, dès jeudi matin, l’aide du chef de la délégation du CICR à Moscou.

Depuis, le Valaisan Michel Minnig avait assisté aux négociations. Et il avait supervisé le bon déroulement de certaines décisions. Mais c’est vendredi seulement qu’il était sorti de l’ombre.

Il était apparu sur toutes les chaînes de télévisions russes lorsqu’il avait fait sortir du théâtre de Mielnikova huit enfants libérés par le commando tchétchène qui retenait depuis mercredi soir des centaines de personnes en otages.

Pas le profil d’un va-t-en-guerre

La cinquantaine grisonnante, la silhouette plutôt gracile et l’expression enjouée, Michel Minnig n’a pas, mais alors pas du tout le profil d’un va-t-en-guerre.

Et pourtant, en plus de quinze ans au service du Comité international de la Croix-Rouge (CICR), ce valaisan, politologue et licencié en Hautes études internationales s’est souvent trouvé dans l’œil du cyclone.

La liste de ses affectations suffit à s’en convaincre. Mis à part le Canada et le Kenya, on n’y trouve que des points chauds: l’Irak, le Nicaragua, le Liban, le Rwanda ou la Bosnie.

Un commando à l’ambassade

En août 1996, il est nommé chef de la délégation CICR au Pérou. Le soir du 17 décembre, il figure au nombre des invités d’une grande réception donnée à l’ambassade du Japon à Lima pour l’anniversaire de l’empereur.

Fraîchement débarqué dans la capitale, Steven Anderson, jeune attaché de presse du CICR, se dit alors frappé par l’élégance de son patron. Il ne sait pas encore que Michel Minnig est à quelques heures de tomber le smoking pour se vêtir de l’étoffe des héros.

En pleine réception, l’ambassade est envahie par un commando du Mouvement révolutionnaire Tupac Amaru (MRTA). Une des prises d’otages les plus longues de l’histoire moderne vient de commencer.

Porteurs d’eau et de messages

Aussitôt, Michel Minnig s’annonce aux guérilleros comme travailleur humanitaire. Il obtient la libération sans conditions de près de 300 otages, essentiellement des femmes, des enfants et des personnes âgées.

Le gouvernement péruvien et le MRTA confient alors au CICR le rôle d’intermédiaire neutre dans cette affaire. Michel Minnig et les siens vont jouer les porteurs de messages, de médicaments, d’eau et de nourriture durant les 126 jours du siège de l’ambassade.

Le 22 avril 1997, alors que les hommes du CICR viennent de quitter les lieux, l’armée péruvienne donne l’assaut. Bilan: 17 morts, soit les 14 membres du commando, deux soldats et un otage.

«Ce fut une énorme surprise pour nous. Personnellement, nous étions très concernés par la sécurité des personnes restées à l’intérieur de l’ambassade», déclare alors sobrement Michel Minnig à la chaîne américaine CNN.

Le courage de rester neutre

Telle est la règle du CICR. Un délégué doit toujours rester strictement neutre. Quelques années après l’affaire de Lima, Michel Minnig rédige pour le Revue internationale de la Croix-Rouge un long article sur le sujet.

On y lit notamment que la position des délégués ne doit pas être interprétée comme «un manque de discernement, ou pire encore, comme de la lâcheté».

Pour Michel Minnig, ces actions de bons offices sont simplement «le dernier geste que l’on peut faire à l’égard des victimes».

Un geste qui demande tout de même pas mal de courage physique. «Michel n’en manque pas, constate Giuseppe Renda, qui fut son collègue à Lima et à Bagdad. Mais c’est aussi quelqu’un de très réfléchi, qui ne prend jamais une décision sans penser d’abord à la sécurité des personnes.»

«Minnig for president»

Ultra-médiatisée, la prise d’otages de Lima fait de Michel Minnig un héros malgré lui. «Pour peu que nous portions les insignes du CICR, tout le monde dans la rue nous appelait «Michel», se souvient Giuseppe Renda.

A l’époque, un sondage d’opinion donne même le délégué suisse comme gagnant des élections présidentielles péruviennes, au cas où il aurait l’idée de s’y présenter.

Cette gloire subite est-elle montée à la tête de Michel Minnig? Apparemment pas. Mais son ancien compagnon comprend parfaitement les raisons de cette popularité.

«Michel est quelqu’un d’assez réservé, tranquille et discret, même s’il reste très ferme dans la négociation, explique Giuseppe Renda. Il sait expliquer les choses de façon très simple, avec une voix calme et ce regard bleu, plutôt rassurant. De plus, il passe très bien à la télévision.»

Retour en première ligne

Depuis cet épisode péruvien, Michel Minnig a été en poste au Canada, puis en Irak. A Moscou, il pensait trouver un peu de calme en compagnie de son épouse et de leur petite fille de trois ans.

Mais les événements en ont décidé autrement. Les prises d’otages constituent, avant tout, de grandes violations du droit humanitaire, confiait vendredi soir Michel Minnig à swissinfo. Nous sommes confrontés à ce genre de problème dans le monde entier.

Et d’ajouter: «Dans tous les cas, les choses se ressemblent. On a, toujours, à faire à des tragédies humaines».

swissinfo/Marc-André Miserez

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