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Le Tessin refuse d’être le supermarché du cannabis

Perquisition dans une serre de cannabis au Tessin. Keystone

Depuis le lancement de l'opération «Indoor», voici sept mois, les magasins de cannabis n'ont plus pignon sur rue au Tessin.

Le procureur Antonio Perugini s’en prend à un commerce criminogène. Une croisade présentée lors d’un congrès international à Lugano.

Le procureur Antonio Perugini a déclaré la guerre à un commerce qui a fait affluer les acheteurs d’Italie voisine. Et qui est à l’origine d’une recrudescence de la criminalité dans la zone-frontière.

Dans l’annuaire 2003 de la ville de Lugano, on trouve encore, sous «Canapa, prodotti di canapa» («Chanvre et produits dérivés»), la liste des boutiques qui, jusqu’au début de cette année, faisaient des affaires florissantes. Même chose à Chiasso, Bellinzone ou Locarno.

Le téléphone ne sonne plus

Aujourd’hui le téléphone ne sonne plus dans les échoppes aux enseignes fleuries ou exotiques telles que «Green Space», «Green Ray», «Pura vida for flower power» ou encore «Sweet leaf». Comme la plupart des commerces du genre dans le canton, ils ont été contraints à la fermeture.

C’est que la lutte menée par le procureur Perugini et son équipe a été sans merci. Elle a permis, à ce jour, la fermeture de 70 points de vente, la destruction de 52 plantations indoor (couvertes) et de huit en plein air.

Dans la foulée, 129 personnes ont été arrêtées, dont six sont encore sous les verrous, et 260 vendeurs de chanvres ont été inculpés. Les premiers procès viennent de commencer.

En moins de sept mois, la police tessinoise a mis la main sur près de 200’000 plants de cannabis, 4200 kilos de marijuana, dix kilos de haschich et 4 millions de francs en liquides. Un beau butin.

«La valeur totale de nos saisies, qui incluent les champs, les alambics et autres machines agricoles ou véhicules, dépasse 80 millions de francs», estime Antonio Perugini. «Mais le chiffre d’affaires global du business du chanvre est bien plus élevé.»

Un congrès pour faire le point

Pour faire le point sur cette croisade sans précédent, la division Justice du gouvernement tessinois et la Regio Insubrica ont mis sur pied un congrès international vendredi à Lugano.

Organisé dans l’aula magna de l’université de la Suisse italienne, il a accueilli environ 300 participants venus de toute la Suisse, d’Italie et de France.

Une douzaine d’experts internationaux ont évoqué des questions liées à la consommation chez les jeunes, à la prévention et aux aspects pénaux et criminels.

«Ces dernières années, la situation était devenue incontrôlable au Tessin. La consommation de cannabis augmentait de façon alarmante chez les jeunes, jusque dans les salles de classe. Tout cela sous couvert d’un marché de produits alibi tels que bière, essences, tissus, coussins, huiles, cosmétiques ou tisanes», ajoute Antonio Perugini.

Le magistrat en est convaincu: «il s’agissait en fait de masquer le véritable marché de destination, celui des stupéfiants».

En outre, déplore Antonio Perugini, «un réseau de complicités s’est développé rapidement, faisant courir le risque d’une ‘colombisation’ du Tessin».

Taux très élevé de THC

En fait, pendant plusieurs années, les consommateurs italiens ont afflué en masse, de Côme et de Milan notamment, pour faire leurs achats en toute tranquillité dans les «canapai» tessinois.

Selon les dernières indications de la police italienne, la ville de Côme détient le record national de saisies de cannabis. Sous forme de marijuana ou de haschich, la drogue contenait un taux très élevé de THC.

«La criminalité organisée locale a été influencée par ce phénomène», précise Daniela Meliota, substitut du procureur de la République de Côme, en Italie voisine.»

«De 1999 à aujourd’hui, elle a délaissé ses activités traditionnelles telles que la contrebande pour le trafic de stupéfiants et, notamment, de cannabis acheté de l’autre côté de la frontière.»

La magistrate souligne que l’épuration en cours au Tessin a fortement freiné les importations en Suisse.

swissinfo, Gemma d’Urso, Lugano

– Le marché illégal du chanvre a considérablement augmenté la consommation des jeunes, le réseau de distribution et de vente au détail dans des magasins spécialisés, la teneur moyenne de THC contenue dans le cannabis consommé et le tourisme du chanvre transfrontalier.

– Ce marché augmente aussi la criminalité car il emploie des travailleurs au noir, encourage le recyclage d’argent et attire les organisations criminelles locales ou internationales.

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