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Le Tribunal fédéral souhaite un retour au calme

«L'indépendance des juges n'est pas respectée», estime Martin Schubarth. Keystone

L'instance suprême souhaite, elle aussi, un départ dans les plus brefs délais de Martin Schubarth, le juge qui avait craché sur un journaliste.

Mais, contrairement aux commissions fédérales, le Tribunal fédéral (TF) n’entend pas demander sa destitution.

Le 11 février, Martin Schubarth avait craché sur un journaliste dans le hall d’entrée du Tribunal fédéral. Huit jours plus tard, le plénum des juges fédéraux prenait la décision de ne plus lui confier aucune tâche jurisprudentielle et lui demandait de démissionner.

C’est chose faite. Le week-end dernier, le magistrat a annoncé sa démission pour fin juin 2004. Tout en précisant que cela n’avait aucun lien avec l’affaire.

«Je démissionne pour protester, d’une manière générale, en faveur de l’indépendance des juges du Tribunal fédéral, qui n’est pas respectée», a déclaré Martin Schubarth.

Pour le Tribunal fédéral et pour les commissions de gestion des Chambres fédérales qui viennent de publier un rapport, ce délai de neuf mois est trop long.

Délai jugé trop long

Mardi, le président du TF Heinz Aemisegger s’est déclaré profondément déçu que la situation ne se soit pas encore dénouée.

«Depuis huit mois, nous travaillons avec vingt-neuf juges au lieu de trente. Cela ne peut pas continuer comme ça», a déclaré Heinz Aemisegger.

La veille, les commissions de gestion des Chambres fédérales en étaient arrivées à la même conclusion. Dans leur rapport sur l’affaire du «crachat» et autres irrégularités au Tribunal fédéral, elles envisagent de révoquer le juge ou au moins de baisser son salaire.

Violation du devoir de fonction

Au-delà de l’affaire du crachat, le magistrat a ignoré l’avis de l’un de ses collègues, selon le rapport. Sur le formulaire d’accompagnement d’un dossier, il a notamment déclaré qu’un jugement avait été rendu à l’unanimité alors qu’il n’avait été rendu qu’à la majorité.

Bien sûr, un déroulement correct de la procédure n’aurait en l’espèce rien changé au résultat, mais le TF entend éviter qu’une pareille «violation du devoir de fonction ne se reproduise».

Malgré les reproches adressés au magistrat, le président du TF reste hostile à l’idée d’une destitution. Il ne voit pas non plus l’intérêt d’une procédure pénale engagée contre Martin Schubarth pour violation du devoir de fonction.

Le principal souci du TF est désormais que le Parlement nomme le plus rapidement possible un nouveau juge fédéral à même d’exercer des tâches jurisprudentielles.

Pour sa part, le Ministère public de la Confédération estime qu’une prise de position est prématurée. «Nous devons prendre connaissance du rapport avant de nous prononcer sur l’opportunité d’une poursuite pénale», précise sa porte-parole Andrea Sadecky.

Séparation des pouvoirs

Mardi, la presse suisse estime, pour sa part, qu’un juge qui crache n’est pas forcément un mauvais juge. Mieux: les éditorialistes soulignent la compétence et la bonne réputation de Martin Schubarth.

Les médias soulèvent aussi un problème: celui de la séparation des pouvoirs. Ainsi le quotidien alémanique Tages Anzeiger estime qu’«un parlement qui prend l’indépendance de la justice au sérieux n’a pas le droit de destituer un juge fédéral.»

Professeur à l’Institut du Fédéralisme à Fribourg, Julian Hottinger considère, lui, qu’«il n’y a pas d’interférence de la part du Parlement, dans la mesure où il ne peut rien imposer. La seule chose qu’il puisse faire, c’est donner des recommandations.»

swissinfo et les agences

– Martin Schubarth est âgé de 61 ans.

– Il a été nommé juge fédéral en 1982, sur proposition du Parti socialiste suisse (PSS). Parti qu’il a quitté en 2002.

– Professeur de droit, Martin Schubarth est titulaire d’une chaire à l’Université de Bâle.

– Le juge a été vice-président du TF en 1997/1998 et président en 1999/2000.

– De 1999 à 2002, il a aussi occupé le poste de président de la Cour de cassation.

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