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Le troublant succès d’un émetteur anti-jeune

Un système pour le moins controversé.

Pour faire face aux incivilités, la mairie de Genève a testé un dispositif d'ultrasons faisant fuir les jeunes, avant de le retirer suite à l'indignation suscitée.

Distribué en Suisse depuis deux mois, l’émetteur rencontre déjà un grand succès en Suisse alémanique, selon son fabricant britannique. Reste que ce dispositif pose de sérieux problèmes sanitaires et éthiques.

Une nouvelle polémique a agité Genève ces derniers jours. En cause, un appareil à ultrasons installé en phase de test à la mairie de Genève et prestement enlevé suite aux révélations du quotidien ’20 minutes’.

Vendredi, les autorités genevoises allaient plus loin en interdisant avec effet immédiat «la pose d’appareils ‘Mosquitos’ et de tous types d’appareils à ondes répulsives à l’égard des êtres humains» et en exigeant l’enlèvement de ceux qui seraient présents sur le territoire cantonal.

‘Mosquito’, c’est le nom d’un dispositif sécuritaire qui émet des ultrasons de près de 20’000 hertz, seulement audibles par des personnes âgées de moins de 25 ans environ.

100 demandes sérieuses

Perdant en partie leur capacité auditive, les adultes, eux, ne perçoivent plus ce sifflement suraigu. L’appareil permet donc de cibler et de faire fuir une classe d’âge dans son ensemble, sans distinguer les vandales – cible officielle de l’engin – des autres.

«Cela fait deux mois que nous vendons notre appareil en Suisse. Et nous y rencontrons un intérêt immense, déclare Simon Morris, porte-parole de Compound Security Systems, le fabriquant britannique de l’émetteur d’ultrasons. Nous avons reçu près de 100 demandes sérieuses de compagnies suisses, dont de très grandes.»

Avis de droit

L’appareil à ultrasons a provoqué une première polémique, il y a deux mois à Coire (Grisons). Un hôtel a mis en place deux Mosquitos, enclenchés avant tout le week-end et la nuit. Suite à une plainte d’un groupe de jeunes, le législatif de la ville a décidé d’interpeller la municipalité.

Dans sa réponse, l’exécutif de la capitale grisonne a estimé que la présence de ces appareils était problématique. Confronté à un flou juridique, il a renoncé à exiger leur démontage et demandé un avis de droit.

A la suite de quoi, l’entreprise fribourgeoise Arcawa a décidé de se lancer dans la distribution de l’appareil en Suisse. «Un nombre important d’entreprises en Suisse alémanique est intéressé par ce dispositif, assure Marcus Achermann, responsable des ventes du Mosquito chez Arcawa. Une quinzaine l’a déjà acheté.»

«Nous avons également reçu beaucoup de demande de particuliers. Mais le prix – 1500 à 2000 francs – les a jusqu’ici dissuadés», poursuit-il.

Depuis sa création il y a une année, le dispositif s’est vendu à 3000 exemplaires au Royaume-Uni et à 1000 exemplaires dans le reste du monde. Un signe supplémentaire que l’industrie de la sécurité est un marché en pleine expansion.

En test à la SUVA

Le dispositif Mosquito soulève pourtant une série de questions loin d’être résolues. Compound Security Systems assure que son appareil est conforme à la législation européenne en matière de santé et de sécurité.

Interrogé par la ‘Tribune de Genève’, le médecin-chef du service ORL des hôpitaux de Genève est pourtant d’un tout autre avis. «Cette méthode est plus que discutable. Mettre une intensité telle qu’elle ferait mal ne signifie rien d’autre qu’occasionner un dommage physique», déclare au quotidien genevois Jean-Philippe Guyot.

De son coté, Markus Achermann précise qu’il a confié l’appareil à la SUVA, la Caisse nationale suisse d’assurance accidents, pour s’assurer que le dispositif ne présente aucun risque pour la santé. Les résultats sont attendus à la fin de cette semaine.

Comme des cafards

Mais il y a plus grave. En ciblant une classe d’âge indépendamment de son comportement, le dispositif Mosquito traite ces personnes comme des nuisibles à l’égal des cafards – contre lesquels existe justement un dispositif similaire.

Le président des Verts genevois n’hésite d’ailleurs pas à parler d’une atteinte à la dignité humaine. «On traite les ados comme des chiens, déclare à la ‘Tribune de Genève’ Antonio Hodgers. Je ne nie pas qu’il y ait parfois quelques problèmes. Mais la solution réside dans le dialogue, pas dans ce genre de dispositif.»

swissinfo, Frédéric Burnand à Genève

Découvert en 1883 par le physiologiste anglais Francis Galton, l’ultrason désigne un son dont la fréquence est trop élevée pour être audible par l’être humain.

Au sens stricte du terme, l’ultrason a une fréquence supérieure à 20’000 Hz.

De nombreux animaux peuvent entendre les ultrasons. Certains en émettent, comme les chauves-souris ou les cétacés, pour se mouvoir dans leur environnement.

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