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Le vaccin anti-nicotine en phase de test

Avec le vaccin, fumer ne devrait plus être un plaisir. swissinfo.ch

A Lausanne et à St-Gall, 300 volontaires vont recevoir régulièrement, pendant une année et par injection, un nouveau vaccin contre la nicotine.

Synonyme d’espoir pour les gros fumeurs et les médecins, ce vaccin vise à supprimer le plaisir procuré par la cigarette.

Comme dans tous les tests de ce genre, une partie des patients (un tiers en l’occurrence) recevront un simple placebo, alors que les autres auront droit au vrai vaccin.

Tous par contre devront se soumettre à des entretiens réguliers afin d’évaluer leur état de santé et leur motivation à se débarrasser de la dépendance à la nicotine.

L’idée d’un vaccin contre la cigarette n’est pas nouvelle, mais c’est en Suisse qu’elle a réellement pris son essor, sous l’impulsion de deux médecins genevois, les frères Thomas et Erich Cerny.

Aujourd’hui, des vaccins anti-nicotine sont également en phase de développement ou de test aux Etats-Unis, en Grande Bretagne, en Belgique, en Suède et en Espagne.

En Suisse, le vaccin est développé par Cytos Biotechnolgy, une start-up issue de l’Ecole polytechnique fédérale de Zurich.

La nicotine ne tue pas, elle rend accro



Au Centre hospitalier universitaires vaudois (CHUV) de Lausanne, c’est l’unité de tabacologie qui mène les tests, entamés depuis deux semaines. Invité sur les ondes de la Radio Suisse Romande, son patron Jacques Cornuz, explique le principe du vaccin.

«La nicotine en soi n’est pas néfaste pour le corps, rappelle le docteur. Ce n’est pas elle qui provoque le cancer, ni les maladies cardio-vasculaires. Par contre, elle cause la dépendance».

«On a clairement identifié dans notre cerveau des capteurs nicotiniques», rappelle Jacques Cornuz. Lorsqu’ils sont activés, ils stimulent la production de dopamine, qui est une substance euphorisante et relaxante».

Il s’agit donc d’empêcher la substance active de «l’herbe à Nicot» de monter à la tête du fumeur.

Un plaisir à supprimer

En privant les capteurs cérébraux de nicotine, on supprime donc le plaisir que le fumeur éprouve à tirer sur sa cigarette. «Cela ne devrait pas lui faire plus d’effet que de fumer de la paille», prédit le docteur lausannois.

Sans nicotine, le plaisir que procure la fumée va donc disparaître. «Mais les autres sensations de plaisir ne seront pas touchés», assure Jacques Cornuz à swissinfo. Ainsi, le sportif qui fait son jogging continuera à profiter au terme de l’effort des effets relaxants des endomorphines secrétées par son organisme.

«Et il ne faut pas oublier tous les plaisirs dont on se prive en fumant, comme le goût, l’odorat, la sensation de bien-être que procure une bonne respiration», ajoute le docteur.

Fumer est d’ailleurs un plaisir dont 65 à 70% des Suisses se passent très bien.

Un nouvel anticorps

Pour parvenir à ce résultat, il faut amener l’organisme à fabriquer des anticorps contre la nicotine. Comme tous les vaccins, celui-ci sera donc constitué de petites doses de la substance contre laquelle on veut lutter.

Comme la molécule de nicotine est trop petite pour être identifiée par le système immunitaire, on a eu l’idée de l’associer à une grosse protéine virale, non-active.

Ainsi, après vaccination, toute dose de nicotine inhalée par le patient devrait se voir bloquée, puis éliminée par les anticorps.

«On ne sait pas encore exactement combien de temps il faudra à l’organisme pour fabriquer ces anticorps, ni en quelle quantité il va les produire», admet Jacques Cornuz. Et c’est précisément à ces questions que les tests doivent répondre.

La volonté avant tout

Ce qui est sûr, en revanche, c’est qu’une seule vaccination ne suffira pas à protéger un fumeur à vie de toute tentation. Des rappels périodiques seront nécessaires.

Et comme toutes les méthodes anti-tabac, celle-ci ne sera qu’un soutien à la volonté de ceux qui ont vraiment décidé d’arrêter. «Il ne servira à rien de l’essayer comme ça, juste pour voir», avertit Jacques Cornuz.

Jusqu’ici, les méthodes de soutien à la volonté d’arrêter de fumer, comme les chewing-gums et autres patches à la nicotine ont des taux de réussite qui varient entre 15 et 20%.

Le vaccin sera-t-il plus efficace? Philippe Müller, directeur de la recherche clinique chez Cytos, en est persuadé. L’année dernière, il disait à la presse alémanique son espoir de voir le nombre de non-fumeurs augmenter de 30% grâce à son vaccin.

Réponse dans quelques années, lorsque celui-ci sera sur le marché.

swissinfo

– Tous les médecins le confirmeront: personne ne réussit à se libérer du tabagisme sans une bonne dose de volonté. L’arsenal pharmaceutique actuellement à disposition ne sert que de soutien à cette volonté. Sans être exhaustif, on peut citer:

– Les chewing-gums et les patches à la nicotine. A mâcher ou à coller directement sur la peau. Il servent à compenser le manque induit par l’arrêt brutal de la cigarette. Dans les deux cas, le but et de diminuer progressivement les doses jusqu’à sevrage complet.

– Les sprays à la nicotine. Ils fonctionnent sur le même principe, mais leur effet est plus rapide. En s’injectant sa dose directement dans le nez, celle-ci monte plus vite au cerveau.

– Les boucles d’oreille. C’est une des méthodes issues de l’acupuncture. En stimulant certains points, elles sont censées aider les énergies à mieux circuler dans le corps pour atténuer les effets du manque.

– La lecture, les consultations thérapeutiques et les séances de groupe. Destinées, là encore, à soutenir la volonté, et qui viennent en complément aux autres «béquilles» pharmaceutiques.

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