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Le Vatican renoue le dialogue avec Ecône

Une cérémonie d'ordination à Ecône. Keystone

Bernard Fellay, supérieur général de la Fraternité Sacerdotale Saint Pie X, a été reçu lundi en audience par le pape Benoît XVI.

Selon les termes mêmes du Vatican, la rencontre a été marquée par «le désir d’arriver à la pleine communion» entre le Saint Siège et les intégristes, excommuniés en son temps par Jean-Paul II.

Le pape Benoît XVI a repris lundi le dialogue avec les catholiques intégristes d’Ecône. Il a reçu le supérieur de la Fraternité Saint-Pie X, Mgr Bernard Fellay à Castelgandolfo, sa résidence d’été.

Un communiqué du porte-parole du Vatican Joaquin Navarro-Valls précise que le souverain pontife a reçu lundi matin Mgr Fellay «qui en avait fait la demande».

Cette rencontre, à laquelle participait également le cardinal Dario Castrillon Hoyos, membre de la Curie, s’est déroulée «dans un climat d’amour pour l’Eglise et de désir d’arriver à la pleine communion».

Le communiqué ajoute que le pape Benoît XVI et le chef de file des catholiques intégristes sont «conscients des difficultés»

Et de souligner qu’ils ont manifesté «leur volonté de procéder par étapes et dans des délais raisonnables» pour parvenir à la réintégration dans l’Eglise des fidèles de la Fraternité, excommuniés par Jean Paul II en 1988.

Depuis, chaque tentative de renouer le dialogue avait été vouée à l’échec. La rencontre de lundi, estime donc l’évêché de Sion, est un signe d’espoir.

De l’acceptation au conflit ouvert

La ‘Fraternité Sacerdotale Saint Pie X’ a été lancée à Fribourg, puis installée à Ecône, en Valais, au tout début des années 70, par Marcel Lefebvre.

Le contexte général de la création de ce mouvement, «c’était celui des turbulences de l’après-Concile Vatican II», explique Jean-François Mayer, chercheur et chargé de cours en science comparée des religions à la Faculté des lettres de l’Université de Fribourg, par ailleurs rédacteur responsable de plusieurs sites web, dont ‘Religioscope’.

Les fidèles d’Ecône refusent les évolutions liturgiques décidées à cette occasion, et insistent notamment pour célébrer la messe en latin. Par ailleurs, ils s’opposent catégoriquement à l’oecuménisme et au dialogue interreligieux.

Pourquoi Fribourg et le Valais? «Mgr Lefebvre lance son projet à Fribourg, parce qu’il y a là une faculté de théologie qui a une certaine réputation. Mais aussi parce qu’à Fribourg, puis en Valais, il trouve un milieu qui ne lui est pas défavorable. Il faut rappeler que la Fraternité Saint Pie X est érigée avec l’accord de Mgr Charrière, qui est alors l’évêque du diocèse. A cette époque, on n’est pas encore dans la dynamique du conflit ouvert avec Rome», explique Jean-François Mayer.

Entre Rome et Ecône, le ton se durcira déjà au cours des années 70, quand l’archevêque intégriste décide d’ordonner des prêtres formés entièrement à Ecône et sans l’approbation des autorités diocésaine. Et la rupture sera totale en 1988: Jean-Paul II excommunie Marcel Lefebvre après que celui-ci eut sacré quatre évêques. Le schisme est consommé.

Ces ordinations provoquent donc la rupture radicale avec Rome, mais également l’apparition d’un groupe de gens qui refusent de suivre Mgr Lefebvre jusque là, et qui vont trouver des voies d’accord avec Rome. C’est alors notamment la naissance d’un groupe appelé la Fraternité Saint-Pierre, constituée de transfuges d’Ecône qui acceptent l’autorité romaine.

Beau temps pour une rencontre

Pour Jean-François Mayer, il y a depuis les années 80, à Rome, le développement d’une réflexion critique sur les conséquences des réformes liturgiques. Selon lui, «certains personnages au Vatican considèrent d’un œil sympathique, non pas le schisme avec Mgr Lefebvre, mais des approches traditionalistes qu’ils ne jugent pas illégitimes».

Cela justement «dans les milieux qui se trouvent être celui de l’ex-cardinal Ratzinger ou de ses proches», explique le professeur. «Les conditions d’un rapprochement sont donc sans doute plus favorables que jamais, parce que l’image de marque de l’ex-Cardinal Ratzinger est positive dans les courants traditionalistes».

«Il est par exemple intéressant de voir qu’il y a eu une présence active de ces milieux – soumis au pape, mais utilisant des rites traditionnels – lors des Journées Mondiales de la Jeunesse. Avec des évêques qui sont venus célébrer des offices dans le rite traditionnel», ajoute Jean-François Mayer.

Y aurait-il donc une oreille plus réceptive à l’intégrisme chez Benoît XVI que chez Jean-Paul II? «Il faut attendre pour voir. Mais surtout, il ne faut pas tout concentrer sur la personne de Benoît XVI. Il faut aussi voir les efforts qui sont fournis par un certain nombre de prélats autour de lui.»

Quoi qu’il en soit, la dispute ne sera pas aisée à résoudre. «Le problème, c’est que la critique de la Fraternité Saint Pie X ne porte pas seulement sur le rite. Si c’était le cas, si elle ne touchait qu’à la liturgie, la question serait relativement facile à résoudre. Au-delà de la question rituelle, il y a la question de l’œcuménisme. Or Benoît XVI a affirmé dans ses premières déclarations qu’il entendait poursuivre une politique d’oecuménisme et de dialogue interreligieux» rappelle Jean-François Mayer.

Et de conclure: «La question est de savoir jusqu’où chacun est prêt à aller en termes de concessions. Surtout que les deux camps ne sont pas monolithiques. Il est notoire que dans la fraternité Saint Pie X, les positions des évêques ne sont pas toutes sur la même ligne par rapport à des possibilités de réunion avec le Vatican».

swissinfo, Bernard Léchot

Bernard Fellay, supérieur général de la Fraternité Sacerdotale Saint Pie X, a été reçu lundi en audience par le pape Benoît XVI.
Au terme de la rencontre, les deux parties ont indiqué leur volonté d’arriver «par étapes et dans des délais raisonnables» à la réintégrations des intégristes dans l’Eglise.
La Fraternité de Saint Pie X a été lancée à Fribourg, puis installée à Ecône, en Valais, au tout début des années 70, par l’archevêque français Marcel Lefebvre.
La rupture entre Ecône et le Vatican est totale depuis 1988, lorsque Jean-Paul II a excommunié Marcel Lefebvre après que celui-ci eut sacré quatre évêques.

– Selon les chiffres obtenus par Jean-François Mayer, la Fraternité Sacerdotale Saint Pie X compterait actuellement un peu plus de 400 prêtres et revendique 160’000 fidèles dans le monde (d’après les données officielles du mouvement).

– Le chercheur constate par ailleurs que le mouvement s’étend à des pays où il n’était pas présent autrefois. Ainsi dans différents pays d’Afrique, d’Asie, d’Europe de l’Est. Des centres souvent modestement fréquentés, mais qui témoignent d’un phénomène d’extension territoriale.

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