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Les émotions incroyables du «rectangle vert»

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Ancien attaquant et entraîneur de haut niveau, le Tessinois Roberto Morinini vit l'Euro 2008 dans la peau de consultant pour le compte de la télévision suisse italienne. Amoureux du foot? Oui et... non. Interview.

Ancien attaquant du FC Bellinzone, le club de son cœur qui est revenu cette année au sein de l’élite du football suisse, Roberto Morinini a décidé à l’âge de 22 ans de ‘plaquer le foot’ pour des études en sciences économiques et sociales à l’Université de Genève.

Après l’obtention de sa licence, il travaille avec des enfants autistes dans son canton et s’engage politiquement au sein du Parti socialiste autonome. A 32 ans, sa passion du foot le rattrape et il accepte d’entraîner le club de … Bellinzone.

swissinfo: Comment vivez-vous cet Eurofoot qui vient de débuter?

Roberto Morinini: Je suis gâté, car je vis cet Euro de l’intérieur sans presque aucune responsabilité ou aucun soucis. C’est idéal. Et je trouve que la ferveur populaire tant attendue est au rendez-vous, dans les stades comme dans les zones extérieures réservées au public.

Cet événement doit donner de la Suisse une image positive et gommer un peu ce cliché qui veut que les Suisses sont froids et n’osent rien entreprendre. Je sais que les Suisses savent s’amuser et se montrer dignes d’un événement de cette importance.

De manière générale, le sport, la musique ou l’art sont très importants pour la société et les jeunes en particulier. Ces domaines représentent la créativité et l’ouverture d’esprit. Il faut avoir de la curiosité dans la vie et si le football peut amener à cela, c’est un premier match de gagné. Après, si l’équipe nationale brille sur le terrain… c’est encore mieux.

swissinfo: Justement, les Suisses ont perdu le match d’ouverture de l’Euro. Votre avis d’expert?

Roberto Morinini: Il faut reconnaître que la Suisse a été particulièrement malchanceuse samedi et qu’un match nul aurait été équitable. Reste que, même si la Suisse a fait d’énorme progrès ces dernières années, il existe encore une différence de niveau avec les meilleures équipes européennes.

Ces dernières possèdent toujours dans leurs rangs des joueurs capables – tels Zidane ou Del Piero par exemple – de changer le ‘très bien’ en ‘extraordinaire’. En ce sens, je regrette infiniment que des joueurs comme Petric ou Rakitic aient choisi de jouer pour la Croatie plutôt que sous les couleurs de la Suisse car, avec Alexander Frei, ils auraient constitué un trio formidable.

swissinfo: Le capitaine Alexander Frei s’est blessé et ne jouera plus durant cet Euro. La Suisse peut-elle s’en remettre avant le match capital contre la Turquie?

R.M.: Les Suisses ont déjà répondu à cette question lors de la seconde mi-temps du match face à la Tchéquie en jouant avec hargne et courage. Les joueurs suisses y croient fermement et je suis assez sûr qu’ils vont gagner contre la Turquie mercredi.

swissinfo: Vous entretenez un rapport ‘amour/haine’ avec le football que vous avez quitté durant dix ans avant d’y revenir?

R.M.: Pour comprendre les éléments, il faut toujours les situer dans l’histoire. Je suis de la volée de 68 et à ce moment-là, on voyait le football comme un élément que le capitalisme avait mis en place pour éloigner les vrais problèmes de la société. C’est pour cela que j’ai quitté le football et que je me suis impliqué politiquement et professionnellement.

Mais, avec le football, j’ai connu des gens extraordinaires comme Lucio Bizzini, Daniel Jeandupeux, Claude Ryf ou Marc Duvillard et leur amour pour le football m’a donné envie de revenir dans ce milieu. De plus, le ‘rectangle vert’ donne des émotions incroyables et je suis très heureux de ce choix.

swissinfo: Reste que le football d’aujourd’hui exclut de plus en plus les supporters et fait la part belle aux sponsors et à tous ceux qui font du foot un business?

R.M.: C’est juste! Il faudrait que les joueurs et les entraîneurs fassent preuve d’un peu plus de courage pour défendre les valeurs du sport face au business. Le prix des billets a augmenté et il est presque impossible d’en obtenir un pour assister à l’Euro.

Actuellement, les grands perdants du football sont les supporters et il faut faire attention à ne pas casser le beau ‘jouet’ football… ou du moins pas trop. La lutte contre le dopage ou la violence est positive à mes yeux. Mais si le super-capitalisme réussit à prendre le dessus sur le sport, il va le faire au détriment de la démocratie.

swissinfo, Mathias Froidevaux à Feusisberg

Agé de 57 ans, Roberto Morinini occupe durant l’Euro une place de consultant pour le compte de la Télévision suisse italienne.

Ancien joueur de l’élite suisse (Bellinzone), il a entraîné plusieurs clubs de première division helvétique (Sion, Lugano, Servette et Yverdon) ainsi qu’en Série B italienne (Catagne, Avellino et Andria).

Son plus belle exploit à la tête d’une équipe reste sa victoire avec Lugano contre le grand Inter de Milan en 1995 en Coupe de l’UEFA.

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