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Les actionnaires d’UBS triomphent, juge la presse

Plus de la moitié des actionnaires ont refusé d’absoudre les anciens dirigeants de la banque mercredi. Keystone

Après huit heures de débat, les actionnaires d’UBS ont refusé mercredi la décharge à ses anciens dirigeants pour 2007. Un triomphe pour la démocratie des actionnaires, estime la presse, sceptique toutefois sur l’éventualité que les Ospel et Cie passent en justice.

«Ce n’est tout simplement jamais arrivé dans l’histoire économique récente, applaudit 24 heures. Plus de la moitié des actionnaires ont refusé d’absoudre les anciens dirigeants de la banque.»

Le quotidien lausannois constate «qu’ils ont osé, ils y sont arrivés, les Ethos, les Actares et autres fonds éthiques. (…) Ils ont fédéré tout un peuple de petits porteurs d’employés d’UBS ou de gros investisseurs anglo-saxons autour d’une impitoyable évidence: ceux qui ont agi ainsi [englué la banque dans la crise des subprimes, fauté face au fisc américain] ne peuvent pas s’en sortir comme ça».

Constat similaire du Tages Anzeiger et du Bund. Le refus de la décharge pour l’année 2007, critique pour UBS, «est un triomphe pour la démocratie des actionnaires en Suisse».

Mieux même, la Neue Zürcher Zeitung y voit «un exemple que la démocratie des actionnaires, prétendument mal développée, peut fonctionner dans le cadre juridique existant – et même dans la nuance».

Du fait du caractère symbolique du refus de la décharge, l’actuel conseil d’administration serait bien inspiré d’en tenir compte, estime le journal zurichois. Il devra réexaminer la possibilité d’une plainte civile contre les anciens dirigeants. «Le conseil d’administration, comme employé des actionnaires, a ce devoir.»

Fini l’assemblée alibi

L’assemblée d’actionnaire purement alibi a vécu avec l’«acte symbolique» de mercredi, juge la Berner Zeitung. Et si ses conséquences juridiques devraient rester marginales, ce «non augmente nettement la pression sur les dirigeants actuels de la banque (…). Même si les chances de succès d’une plainte [contre Marcel Ospel et Cie] sont réduites, la banque ne peut qu’y gagner en terme de crédibilité».

A Lausanne, Le Matin ne se fait toutefois aucune illusion. Ce «hoquet d’écœurement» des actionnaires a eu vocation défoulatoire contre «l’arrogance et les déviances des banquiers».

Mais cette «forme de psychothérapie de groupe» risque fort de rester sans suites: «Le procès d’Ospel et Cie n’est pas pour demain et plus sûrement pour jamais. Seule la banque elle-même aurait les moyens de se lancer à l’attaque, et tout indique qu’elle n’a aucune envie de le faire».

La Regione ne dit pas autre chose et constate que «malgré le retour en zone bénéficiaire de la banque – qui avec le temps aidera à calmer la colère des petits actionnaires – (…) reconstruire le capital confiance sera un travail ardu pour l’actuel direction» d’UBS.

Rétablir la confiance

Cette interrogation sur l’avenir est partagée par La Liberté de Fribourg, pour qui le refus de la décharge «n’enlève pas à la présidence actuelle son plus grand souci: l’exode persistant de la clientèle. UBS déclare sortir des chiffres rouges, le progrès est grand. Mais la banque n’a pas encore gagné la bataille de la confiance.»

Cela dit, le refus d’exonérer les anciens responsables permet au moins aux actuels dirigeants d’UBS «de négocier sans trop rougir avec les instances états-uniennes chargées d’appliquer les accords fiscaux».

Oui mais… Car pour Le Temps, le carton rouge de mercredi est aussi un «désaveu cinglant» pour Kaspar Villiger. «Le président de la banque a pour mission de neutraliser les dossiers politiques, comme celui de la décharge ou du vote à venir sur l’accord avec Washington, pendant que le directeur général remet l’établissement sur les rails. L’ex-conseiller fédéral a donc échoué.»

Le quotidien édité à Genève juge du reste que les effets du retour des actionnaires – qui ont aussi refusé la politique actuelle des bonus d’UBS lors d’un vote consultatif – seront politiques aussi.

Outre qu’il «couronne la montée en puissance de la démocratie actionnariale», ce triomphe des actionnaires va renforcer le soutien à l’initiative Minder contre les rémunérations abusives et «pourrait contraindre Hans-Rudolf Merz à préparer une taxe sur les bonus. Ce serait un (…) changement de paradigme.»

Pierre-François Besson, Christian Raaflaub et Daniele Mariani, swissinfo.ch

Qui. En 2007, Marcel Ospel était président du conseil d’administration d’UBS. Et ce, jusqu’au 1er avril 2008. Parmi ses collègues figuraient aussi Ernesto Bertarelli, ex-patron de Serono et boss du Team Alinghi.

Plainte. Le conseil d’administration restent donc susceptibles d’être l’objet d’une plainte civile de la part de la banque, même si l’actuel président du conseil d’administration Kaspar Villiger estime qu’elle ne pourrait intervenir qu’après une possible commission d’enquête parlementaire.

Les directeurs généraux de 2007 étaient Peter Wuffli jusqu’au 6 juillet puis Marcel Rohner.

Rare. Le refus de la décharge est extrêmement rare en Suisse. Elle a touché OC Oerlikon, Forbo, Arbonia-Forster ou la SGS. En 2001, le Gouvernement, avait refusé de donner décharge au conseil d’administration de SAirGroup (Swissair). Celle-ci avait toutefois été accordée par l’assemblée.

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