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Les animaux pourraient avoir leurs «avocats»

C'est devant les tribunaux que les milieux de protection des animaux veulent renforcer les droits de leurs protégés. Keystone

L’initiative qui veut obliger les cantons suisses à instituer des postes de défenseurs des intérêts juridiques des animaux passe devant le peuple le 7 mars. Rejeté par le gouvernement et la droite, ce texte à l’enjeu émotionnellement chargé est soutenu par la gauche.

C’est sans trop de difficulté que la Protection suisse des animaux (PSA) a réuni les signatures nécessaires à l’aboutissement de son initiative. Entre janvier 2006 et juillet 2007, elle en a même récolté quelque 50’000 de plus que les 100’000 requises.

Intitulé «Contre les mauvais traitements envers les animaux et pour une meilleure protection juridique de ces derniers», le texte de la PSA vise principalement à obliger les cantons à créer des postes d’«avocats» pour les animaux.

Mais, plutôt que d’«avocats», c’est de «procureurs» qu’il faudrait parler puisque les personnes nommées pourront agir sur dénonciation, par exemple des associations de défense des animaux. Elles devraient aussi pouvoir mener des enquêtes et avoir qualité pour déposer des recours devant la justice.

Echec devant le Parlement

Avec cette idée, la PSA veut mener à terme un combat entamé dans les années 2000 pour améliorer la protection des animaux en Suisse. Combat partiellement gagné au Parlement. Ainsi, depuis 2003, le Code civil ne considère plus nos amies les bêtes comme des choses, mais comme des êtres vivants doués de sensibilité.

Sur le plan pénal, les cantons peuvent par ailleurs déjà instituer des postes d’«avocats» pour les animaux ou confier leur défense à un service doté de compétences juridiques spécifiques. Mais pour l’heure, seuls Zurich – où un poste d’avocat pour les animaux existe depuis 1992 -, St-Gall et Berne ont concrétisé cette possibilité, selon des modalités toutefois diverses.

Dans les autres cantons, ce sont souvent les services vétérinaires qui sont chargés de l’application de la loi sur la protection des animaux. En cas de maltraitance, ils peuvent ordonner le retrait, sans toutefois être juridiquement habilités à déposer des recours.

Enfin la nouvelle loi suisse sur la protection des animaux, entrée en vigueur en septembre 2008, contraint les cantons à déposer plainte pénale contre une personne ayant maltraité intentionnellement des animaux. Mais l’idée de les obliger à instituer de véritables postes dévolus à la défense des intérêts juridiques des animaux avait échoué devant le Parlement. D’où l’initiative de la PSA.

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Initiative populaire

Ce contenu a été publié sur L’initiative populaire permet à des citoyens de proposer une modification de la Constitution. Pour être valable, elle doit être signée par 100’000 citoyens dans un délai de 18 mois. Le Parlement peut directement accepter l’initiative. Il peut aussi la refuser ou lui opposer un contre-projet. Dans tous les cas, un vote populaire a lieu. L’adoption…

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Améliorer l’exécution du droit

Globalement, les associations de défense des animaux considèrent en effet que si la législation suisse à ce sujet est assez développée, la volonté de l’appliquer fait trop souvent défaut. Outre les disparités qui existent entre les cantons au niveau de la mise en œuvre, elles dénoncent le fait que les auteurs de mauvais traitements envers les animaux sont trop souvent modérément punis, voire impunis.

Aux yeux de la PSA, l’institution par les cantons d’avocats pour les animaux aurait donc un effet préventif et amènerait une diminution des cas de maltraitance. Administrativement, la création de postes cantonaux permettrait aussi de décharger les services vétérinaires, argumente la PSA, ceci sans générer des coûts exorbitants.

«En plus d’égaliser le niveau de protection dont bénéficient les animaux en Suisse, cette initiative pallierait une lacune puisque les associations de défense des animaux n’ont pas de qualité pour agir juridiquement. Cela nécessiterait tout au plus de créer une vingtaine de postes – les petits cantons pourraient par exemple se regrouper – et permettrait de garantir que les lois que nous avons mises en place sont appliquées», plaide le sénateur écologiste Luc Recordon. Un argumentaire partagé par les socialistes, qui préconisent le oui le 7 mars prochain.

Un texte qui va trop loin

Au Parlement en revanche, les défenseurs des animaux n’ont pas eu gain de cause. N’ayant pas réussi à se mettre d’accord sur un contre-projet à l’initiative de la PSA, les Chambres ont finalement recommandé son rejet à une large majorité en septembre 2009. Elles se sont ainsi alignées sur la position du Conseil fédéral (gouvernement), qui lui aussi prône le non.

Responsable du dossier pour le gouvernement, la ministre de l’Economie Doris Leuthard estime, comme la plupart des partis de droite, que l’initiative va trop loin. Selon elle en effet, il n’est pas nécessaire d’inscrire l’obligation d’instituer des avocats pour les animaux dans la Constitution.

Invoquant la nouvelle mouture de la loi sur la protection des animaux, Doris Leuthard a expliqué que les cas de poursuites contre des personnes ayant maltraité des bêtes de manière intentionnelle ont augmenté depuis que les cantons se sont vus obligés de créer un service spécialisé dans la protection des animaux et de déposer plainte pénale.

«La nouvelle loi sur la protection des animaux et le nouveau code pénal contiennent déjà tout ce qu’il faut. Créer une telle obligation serait contraire au fédéralisme et constituerait une atteinte à l’autonomie des cantons», argumente pour sa part la députée démocrate du centre (UDC / droite conservatrice) Alice Glauser-Zufferey. Agricultrice, elle juge de plus que la publicité faite autour des cas de maltraitance a un effet suffisamment dissuasif.

Sur cette question fortement émotionnelle, les Suisses en jugeront peut-être différemment le 7 mars prochain. C’est en tout cas ce que laissait penser un sondage rendu public fin novembre. Réalisé auprès d’un échantillon de 1000 personnes, il montrait que 70% des sondés étaient favorables à l’institution d’avocats cantonaux pour les animaux.

Carole Wälti, swissinfo.ch

Le but principal de l’initiative est d’obliger les cantons à instituer un «avocat» chargé de défendre les intérêts des animaux lésés dans le cadre de procédure pénales ouvertes pour infraction à la législation sur la protection des animaux (LPA).

Actuellement, les associations de défense des animaux ne sont pas habilitées à agir en tant que partie lorsqu’une infraction a été commise à l’encontre des animaux.

Concrètement, cela signifie qu’elles peuvent dénoncer des cas de maltraitance, mais qu’elles ne peuvent pas consulter un dossier juridique ni déposer de recours.

Seuls trois cantons (Zurich, St-Gall et Berne) ont introduit des normes permettant de suivre les cas de violation de la LPA.

A l’étranger, aucun pays limitrophe n’a institué la fonction de défenseur des animaux dans le cadre de procédures pénales.

En Allemagne ou en Autriche, des préposés à la défense des animaux existent, mais ils ne peuvent pas obtenir le statut de partie dans une procédure pénale.

En Suisse, les infractions à la LPA sont poursuivies d’office par les cantons.

Ces dernières années, la tendance est allée en augmentant (592 procédures pénales ouvertes en 2006; 717 en 2007; 722 en 2008).

La majeure partie de ces cas concerne des animaux de compagnie ou de rente et a abouti à des amendes entre 100 à 500 francs.

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