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Les armes de service tuent 300 fois par an

L'arme d'ordonnance est souvent incriminée dans les suicides. Keystone

Près de 300 personnes meurent chaque année en Suisse sous le feu d'une arme militaire, selon une étude dirigée par le criminologue Martin Killias.

Leur rôle est central dans les drames familiaux et les suicides, constate cette recherche rendue publique juste avant le débat à la Chambre du peuple.

«Ces chiffres dépassent largement mes prévisions», indique Martin Killias dans un entretien publié samedi dans la «Berner Zeitung»…

Selon cette étude, encore partielle, deux tiers (68%) des suicides par balle sont exécutés avec des armes d’ordonnance, détenue à domicile en Suisse.

Ce type d’armes n’interviennent que pour un tiers (36%) dans les drames familiaux. Là, les armes privées sont davantage utilisées (près d’une fois sur deux).

Les armes illégales sont aussi prises en compte par l’étude. Les chercheurs démontrent qu’elles sont plus souvent (60% des cas) employées dans les tueries se déroulant dans des espaces publics, explique Martin Killias.

Port à domicile injustifié

Le plus inquiétant, aux yeux de Martin Killias, est que le drame familial est un événement fréquent en Suisse. Un homicide sur deux a, en effet, lieu au sein du cercle familial.

Les armes détenues à domicile posent indiscutablement de sérieux problèmes, en déduit le criminologue. D’autant qu’outre le rôle qu’elles jouent dans les homicides, les armes d’ordonnance sont souvent utilisées pour menacer autrui.

Une pesée des intérêts doit par conséquent être faite entre le nombre de victimes et le respect d’une tradition. Le criminologue estime pour sa part que la détention d’armes et de munitions à domicile ne se justifie plus.

Les munitions en caserne

Comme première mesure de lutte, le criminologue propose que l’armée cesse de distribuer des munitions de poche aux militaires. «Ne plus demander aux soldats d’emporter leurs munitions à domicile permettrait de réduire les abus commis ainsi que les drames familiaux».

Le criminologue considère qu’il est également nécessaire de limiter massivement la vente de munitions et de n’autoriser celle-ci que sous certaines conditions.

De telles requêtes ont la vie dure au Parlement en raison du poids du lobby des armes. Elles jouissent par contre du soutien de la majorité du peuple, selon le professeur.

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Echec aux durcissements

Cette étude lausannoise est rendue publique alors que le Conseil national (chambre du peuple) se penche la semaine prochaine sur la révision de la loi sur les armes.

Le conseil devra décider si les soldats doivent continuer à emporter leur arme de service à domicile. Durant la session d’automne, il avait déjà empoigné le dossier et refusé le durcissement demandé par la gauche.

Le gouvernement pour sa part s’est prononcé en septembre dernier en faveur du maintien de munitions à domicile pour les militaires actifs. En novembre, il a par contre rendu plus sévère les exigences permettant aux anciens soldats de conserver leur arme.

swissinfo et les agences

En Suisse, chaque citoyen-soldat conserve à la maison son fusil ou son pistolet d’ordonnance, ainsi qu’une boîte de cartouches scellée.

L’armée suisse compte 220’000 militaires (actifs et réservistes). Au terme de leur service, trois soldats sur dix conservent leur fusil d’assaut chez eux (2005). Ceux équipés d’un pistolet le gardent quasiment tous.

En septembre dernier, la revue féminine alémanique «Annabelle» a remis aux Chambres fédérales une pétition munie de 17’400 signatures demandant d’interdire les armes militaires à la maison.

La loi sur les armes est actuellement sur les bancs du Parlement. La semaine qui vient, la Chambre basse doit décider si les soldats peuvent continuer à emporter leur arme de service à domicile.

Les résultats de l’étude lausannoise sont encore partiels. Jusqu’ici, onze cantons et 60% de la population suisse ont été passés au crible. Ses résultats définitifs sont attendus pour l’été 2007.

L’étude est dirigée par l’éminent criminologue Martin Killias. Chercheur et enseignant à Zurich et Lausanne, il fonctionne souvent comme expert pour la Confédération et le Conseil de l’Europe.

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