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Les banquiers suisses menacent l’Union européenne

Georg Krayer (gauche) et Urs Roth (droite) président et directeur de l'ASB. Keystone

L'Association suisse des banquiers (ASB) met en garde l'Union européenne (UE) contre un éventuel recours auprès de l'OCDE, pour tenter d'écorner le secret bancaire.

l’ASBS menace de couler l’accord sur la taxation des intérêts de l’épargne.

Deux semaines après la réunion des ministres des finances de Bruxelles et le compromis obtenu sur la taxation des revenus de l’épargne, l’Association suisse des banquiers (ASB) a mis en garde l’UE lors d’une conférence de presse mercredi à Zurich.

En tant que pays non-membre, la Suisse s’est vue proposer d’accepter le principe de l’échange d’informations à propos des citoyens européens qui pratiquent l’évasion fiscale.

Porter atteinte aux règles de confidentialité

La Suisse a refusé de but en blanc. Arguant que l’échange d’informations pourrait porter atteinte aux règles de confidentialité que les banquiers suisses ont établies à l’égard de leurs clients.

Il y a deux semaines, les ministres des finances de l’UE se sont ralliés à la proposition suisse. Grâce à l’inflexibilité de la Belgique, du Luxembourg et de l’Autriche, les 15 ne sont pas parvenus à en finir avec le secret bancaire.

La mise en garde de l’ASB fait suite à un commentaire de Kaspar Villiger, le ministre suisse des finances. Après l’accord de Bruxelles, ce dernier a souligné la nécessité pour l’Union européenne de reconnaître que la Suisse n’était pas un «paradis fiscal».

Le ministre a ajouté que Berne ne devrait pas subir de pressions émanant de l’Organisation de Coopération et de Développement Economique (OCDE). Cette dernière faut, elle aussi, la chasse aux «paradis fiscaux».

En 1999, l’OCDE a notamment dressé une liste de l’ensemble des paradis fiscaux de la planète, document dans lequel la Suisse n’a pas été épargnée.

Un long chemin à parcourir

«L’Union européenne a finalement retrouvé son sens de la réalité politique en reconnaissant que la coexistence d’un système de retenue à la source et d’un système automatique d’échange d’informations est la seule solution consensuelle à propos de la taxation des intérêts de l’épargne», a expliqué mercredi Urs Roth, directeur exécutif de l’ASB.

Avant la conclusion de l’accord définitif, le patron de l’ASB a rappelé que certaines questions nécessitaient encore une vive attention de la part de l’Association.

«Nous avons peut-être remporté une mini-victoire, mais il reste un long chemin à parcourir», a précisé l’intéressé.

Urs Roth estime plus particulièrement que la Suisse ne peut accepter aucun traitement discriminatoire par rapport aux Etats-membres de l’UE et ce, en dépit de son statut d’Etat tiers.

«S’agissant des taux d’imposition, nous refusons d’offrir à nos clients des conditions moins avantageuses qu’elles le seraient dans un Etat-membre de l’UE». Qualifiant l’offre de retenue à la source helvétique généreuse, Urs Roth ne veut pas que la Suisse fasse de concessions supplémentaires.

Des pressions inacceptables

«Il serait inacceptable que l’Union européenne utilise l’OCDE pour contraindre les banques suisses à renoncer aux règles de confidentialité qu’elles pratiquent à l’égard de leurs clients», déplore encore l’intéressé.

«Si la pression sur le secret bancaire devait venir maintenant de l’OCDE, il ne pourrait pas y avoir d’accord sur la taxation des intérêts de l’épargne», poursuit Urs Roth.

Sans avoir d’information concernant l’implication d’autres pays sur la question, Urs Roth affirme cependant que «les Etats-Unis n’ont pas l’intention d’entamer des négociations avec l’UE sur cette problématique. Ils s’opposent clairement à une retenue à la source comme à l’échange automatique d’informations».

Disputes amères

Les âpres négociations bilatérales et les disputes amères engagées avec l’UE ont fait apparaître que les centres financiers de la planète étaient engagés dans une lutte sans concessions pour obtenir les conditions les plus favorables.

Urs Roth a encore souligné que même si la Suisse et l’UE avaient fait un pas supplémentaire vers la signature d’un accord, la conclusion d’un traité international dépend encore de la résolution satisfaisante des points qui restent en suspens.

Le jugement de l’ASB n’est pas pour autant définitif. «Nous ne ferons pas de déclaration officielle tant que nous n’aurons pas examiné en détail le contenu de tout accord potentiel entre la Suisse et l’UE», conclut Urs Roth.

swissinfo, Robert Brookes
(Traduction: Jean-Didier Revoin)

La Suisse a fait savoir qu’elle était prête à signer avec l’UE un accord sur la taxation des intérêts de l’épargne pour autant que certaines conditions soient remplies.

La première est que l’UE ne passe pas par l’OCDE pour faire pression sur le secret bancaire.

Un accord signifierait que la Suisse applique une retenue à la source sur les revenus de l’épargne des citoyens européens sans procéder à un échange d’informations.

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