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Les connexions du cerveau révélées en 3D

La technique mise au point à Lausanne permet d’obtenir des images de synthèse de ce type. FNS

Développé entre l’Ecole polytechnique et l’Hôpital universitaire de Lausanne, un nouveau logiciel permet de cartographier les connexions nerveuses du cerveau.

Cette technique, dite de «dissection virtuelle in vivo» a l’avantage d’être applicable sur des patients bien vivants, sans intrusion chirurgicale.

Le cerveau humain est composé de quelque 100 milliards de neurones et de 10 à 50 fois plus de cellules gliales. La fonction des secondes n’étant «que» de protéger et de nourrir les premières, c’est tout naturellement que la science s’intéresse d’abord aux neurones, les cellules qui nous rendent si malins.

Chacune d’entre elles est prolongée d’un filament nommé axone (ou fibre nerveuse), qui sert à communiquer des informations aux neurones suivants.

Au vu de leur nombre, on imagine aisément la complexité du réseau que les axones tissent entre elles. Sans parler de leur taille. Ainsi, le point qui termine cette phrase pourrait contenir à lui seul une cinquantaine de neurones.

Jusqu’il y a peu, le seul moyen de démêler cet écheveau était de disséquer le cerveau des personnes décédées. Cette méthode a permis les premières avancées dans la compréhension du fonctionnement cérébral.

Des molécules qui vibrent



Depuis les années 80 toutefois, on dispose d’un outil nettement plus pratique, capable de fournir des images que n’autorisent ni la radiologie classique ni le scanner.

Nommée Imagerie par résonance magnétique nucléaire (IRM), cette technique consiste à faire passer le patient (vivant) à travers un aimant géant en forme de tunnel et à récolter l’image des molécules de son corps ainsi excitées par le champ magnétique.

Dans le cas du cerveau, on s’intéresse aux molécules d’eau, composante principale des neurones comme de toutes les cellules de notre organisme.

On sait que ces molécules ont la capacité de vibrer parallèlement aux axones. Leur orientation définit donc point par point le trajet des fibres nerveuses. En décodant ces informations, on parvient à dresser la carte en 3D du réseau des connexions entre les neurones.

Précision sans précédent



Ainsi exposé grossièrement, le procédé n’a rien de révolutionnaire. Une bonne demi-douzaine d’équipes dans le monde travaillent d’ailleurs sur des méthodes similaires à celle développée par Patric Hagman, jeune médecin du CHUV et Jean-Philippe Thiran, professeur à l’EPFL, avec le soutien du Fonds national de la recherche scientifique (FNS).

Toutefois, le logiciel de traitement des signaux produit à Lausanne permettrait, aux dires de ses concepteurs, d’atteindre une précision d’images sans précédent. Et ceci grâce à une méthode d’élimination des «bruits» qui brouillent l’interprétation des résultats.

«Sachant que les molécules d’eau vibrent bien parallèlement aux fibres nerveuses, mais assez mal perpendiculairement, imaginez ce qui se passe au croisement de deux fibres», explique Jean-Philippe Thiran.

«La machine va nous donner des résultats en apparence absurdes. Nous avons donc introduit un correctif, qui analyse et détermine le trajet statistiquement le plus probable», poursuit le professeur.

Pour les chirurgiens et les chercheurs

Le logiciel lausannois est mis gratuitement à disposition des chercheurs qui en font la demande. L’Ecole de médecine de Harvard à Boston et l’Institut national des neurosciences de Singapour l’ont déjà adopté.

Dans un second temps, Jean-Philippe Thiran envisagerait une exploitation commerciale, par exemple avec une entreprise de technologie médicale comme le géant américain Medtronic, installé depuis 1996 sur les rives du Léman.

«Cette technique aura des applications en neurochirurgie, prédit le professeur de l’EPFL. Imaginez une opération d’une tumeur au cerveau. On pourra savoir à l’avance si le fait de l’enlever risque de couper des fibres neuveuses».

Dans le domaine de la recherche également, le logiciel lausannois ouvre d’intéressantes perspectives. Il devrait permettre de comprendre comment et pourquoi les victimes d’accident cérébraux retrouvent certaines de leurs fonction endommagées et pas d’autres.

Une première étape

Toutefois, si cette technique permet de dresser la «carte» des liaisons à l’intérieur du cerveau, elle ne dit rien des informations qui circulent sur ces «routes»… ou qui n’y circulent pas.

Pour en savoir plus, il faudra coupler l’analyse des données produites par l’IRM avec un électroencéphalogramme classique, qui mesure l’activité électrique du cerveau.

«C’est un objectif auquel nous espérons consacrer de futurs travaux», promet Jean-Philippe Thiran.

swissinfo, Marc-André Miserez

– La méthode de «dissection virtuelle in vivo» des fibres nerveuses du cerveau est le produit d’une collaboration interdisciplinaire.

– Le logiciel a été développé entre le Département de radiologie du Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV) et l’Institut de traitement des signaux de l’Ecole polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL).

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