Des perspectives suisses en 10 langues

Les contrats d’intégration portent leurs premiers fruits

La langue, un élément clé du processus d'intégration Keystone

Objectifs partiellement atteints pour les contrats d’intégration mis en place il y a deux ans dans plusieurs cantons alémaniques. Mais une étude montre qu’on peut encore les améliorer

Les contrats d’intégration sont une réalité dans les cantons de Bâle-Ville, Bâle-Campagne, Soleure, Zurich et Argovie. Le projet-pilote avait été lancé en 2008.

Après un premier bilan – positif – tiré en juin 2009, les cantons ont à nouveau soumis leurs pratiques à l’analyse scientifique d’experts extérieurs. C’est la Haute école pour le travail social de la HES du Nord-Ouest qui s’en est chargé. Les résultats viennent d’être présentés à Zurich.

Ces contrats, rendus possibles par la nouvelle Loi sur les étrangers entrée en vigueur au début de 2008, visent principalement à fixer des objectifs d’apprentissage d’une langue nationale suisse.

Si les objectifs ne sont pas atteints, des sanctions sont possibles. Mais il ne s’agit pas d’expulser des migrants parce qu’ils n’auraient pas suivi un cours de langue, avaient précisé les responsables cantonaux lors du lancement du projet.

Jusqu’ici, des personnes de 45 pays ont signé ce type de contrat, indique Eva Tov, de la HES. Les cinq cantons n’appliquent toutefois pas tous les mêmes modalités.

Prévenir et réparer

«Bâle-Ville met l’accent sur la population étrangère vivant déjà en Suisse et connaissant des problèmes d’intégration», explique la chercheuse. Zurich de son côté propose les conventions à certains migrants dès leur arrivée.

«On pourrait dire, en bref, que Zurich axe sur la prévention et Bâle sur la réparation», précise Eva Tov. Tous les cantons n’ont pas non plus procédé de la même manière en ce qui concerne la traduction des entretiens.

Certains ont proposé les services de traducteurs, d’autres ont laissé ce soin aux familles et aux amis des personnes. Du coup, «certains migrants n’ont pas compris de quoi il s’agissait…», explique Eva Tov. Les experts recommandent le recours à des traducteurs professionnels dotés d’une expérience dans le domaine inter-culturel.

Entretien obligatoire ?

Si les chercheurs pensent qu’une uniformisation de ces contrats est nécessaire entre les cantons, afin d’en augmenter la transparence, ils déconseillent en revanche de les généraliser. Ce que les cantons n’ont jamais voulu faire, comme ils l’avaient indiqué dès la mise en place du projet-pilote.

Les contrats doivent donc continuer à s’adresser à des personnes présentant un «déficit d’intégration» ou aux nouveaux venus qui auraient des difficultés d’adaptation.

En lieu et place d’un contrat d’intégration obligatoire, les experts préconisent un premier entretien d’information généralisé, organisé par les autorités cantonales. Même les arrivants de pays de l’Union européenne et des pays de l’AELE (Association européenne de libre-échange) seraient accueillis ainsi.

Mais quand même pas Joe !

Guy Morin, président du gouvernement de Bâle-Ville, à l’origine des contrats d’intégration, est d’avis que ces entretiens devraient rester facultatifs. «On ne peut pas vraiment demander à Joe Jimenez, nouveau CEO de Novartis, de participer à un tel entretien…»

«Nous avons aujourd’hui tout un pan de l’immigration qui est composée de personnes hautement qualifiées venant pour notre industrie des sciences du vivant, nos hôpitaux ou nos universités et ils sont absolument bienvenus !», poursuit Guy Morin. Selon lui, un entretien obligatoire pourrait avoir un effet un peu repoussant…

Selon l’étude de la HES, 76% des personnes ayant signé un contrat sont des femmes, dont certaines vivent de façon très isolée. Le canton de Soleure a ainsi mis en évidence le cas des mariages d’hommes suisses avec des femmes d’Amérique latine et d’Asie du sud-est.

Ces unions peuvent provoquer un nombre «incroyablement élevé» de problèmes, indique Albert Weibel, du canton de Soleure. Car «certains hommes ne veulent tout simplement pas que leur épouse s’intègre.»

Critiques et réserves

Dès leur lancement en 2008, les contrats d’intégration ont été critiqués, notamment en Suisse romande. Aujourd’hui, les organisations non gouvernementales restent mitigées.

«Il est positif de formuler des recommandations nationales dans le domaine de l’intégration, estime Adrian Hauser, porte-parole de l’Organisation suisse d’aide aux réfugiés (OSAR). Mais il ne faut pas que ces recommandations servent à faire pression sur les migrants. De nombreuses personnes ont déjà des problèmes, un divorce par exemple, et cela pourrait ne faire que péjorer leur situation».

De plus, ajoute Adrian Hauser, les recommandations des experts ne sont pas nouvelles. L’OSAR arrivait aux mêmes conclusions dans un rapport de 2007, qui insistait également sur l’importance d’un entretien d’accueil et de bienvenue.

Autre danger: Il ne faudrait pas que, par exemple, seuls les Africains soient soumis à des contrats d’intégration, ce qui les stigmatiserait encore davantage. «Au lieu d’une approche générale, nous souhaitons une approche individuelle des cas, adaptée à la situation personnelle des personnes concernées», conclut le porte-parole de l’OSAR.

Isobel Leybold-Johnson, swissinfo.ch
(Traduction et adaptation de l’anglais: Ariane Gigon)

Après plusieurs tours de vis dans le droit d’asile et la loi sur les étrangers ces dernières années, l’obligation d’apprendre la langue locale est aussi devenue un thème de discussion. Elle n’est pas formellement inscrite dans la loi, mais est devenue un critère important dans l’octroi de permis de séjour.

Les contrats d’intégration sont mentionnées comme possibilité dans la nouvelle ordonnance fédérale sur l’intégration des étrangers.

En 2008, Les cantons de Bâle-Campagne, Bâle-Ville, Soleure, Argovie et Zurich ont introduit la possibilité de faire signer des contrats d’intégration à certains migrants. Dans ces textes, les migrants s’engagent, par exemple, à apprendre la langue et les us et coutumes de leur pays d’accueil.

Le non-respect du contrat peut avoir des incidences négatives sur le permis de séjour, mais, en général, il faut pour cela que d’autres problèmes soient aussi survenus.

Les groupes-cible recommandés par l’Office fédéral des migrations (ODM) sont les personnes exerçant des professions de soins ou d’enseignement, les personnes des pays non européens qui viennent pour retrouver des membres de leur famille, et les personnes déjà présentes en Suisse mais qui ne s’intégrent pas.

Entre avril 2009 et mars 2010, quelque 240 contrats ont été signés dans les cinq cantons concernés.

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