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Les créanciers de Swissair se résignent

Mario Corti, dernier conseiller d’administration de Swissair. Keystone Archive

L'assemblée des créanciers de l'ancienne compagnie s'est déroulée à Winterthour dans une ambiance d'enterrement.

Les 500 personnes présentes ont élu le liquidateur et le comité qui les représentera durant la procédure de liquidation. Reportage.

Les 500 personnes présentes ont élu le liquidateur et le comité qui les représentera durant la procédure de liquidation.

Pour l’occasion, on avait ressorti des bannières aux emblèmes de Swissair: sur la halle de sports Eulach à Winterthour, qui accueillait l’assemblée des créanciers, le logo de l’ancienne compagnie avait pourtant l’air bien vieux.

Oublié, le logo? Sûrement pas pour les 500 personnes venues participer à l’assemblée des créanciers, parmi lesquelles une majorité d’anciens collaborateurs.

Pour cet ancien employé au sol, qui a chômé pendant neuf mois avant de reprendre un travail de conseiller, Swissair a même l’air toujours vivante: fièrement, il tire de son porte-feuille sa carte d’employé, caduque depuis plus d’une année.

Mais ni la bonhomie de ce participant ni la faconde du commissaire au sursis Karl Wüthrich, toujours jovial avec son nœud papillon, n’égaiera cette après-midi pluvieuse.

Une exception

Parmi les personnes présentes, représentant 1800 voix sur un total de 10000 créanciers, la résignation était palpable.

Rencontré avec son avocat avant le début de l’assemblée, cet ancien capitaine thurgovien, licencié du jour au lendemain après 28 ans de service, faisait manifestement figure d’exception.

«Nous ne sommes que partiellement satisfaits du projet de concordat. C’est trop approximatif – on est parfois «à 100 millions près» dans le projet – et Karl Wüthrich fait partie de la même clique que ces managers qui on coulé Swissair et qui couleront Swiss.»

Mario Corti présent

On pouvait s’attendre à quelques prises de parole virulentes. Il n’en fut rien.

L’équipe du commissaire au sursis avait prévu quatre heures de séance: il y en eut à peine deux et demi. Pas une intervention combative, pas une critique à l’encontre du processus de liquidation n’a fusé.

Présent au nom de l’ancienne compagnie dont il est le dernier conseiller d’administration, Mario Corti a encore un peu assombri l’ambiance par un discours de cinq minutes plutôt funèbres.

«Je suis arrivé tard, a-t-il commencé, avant de faire une pause de deux secondes. Peut-être trop tard au SairGroup.»

Liquidateur plébiscité

Tandis que le vote sur le concordat se fera par écrit dans un délai imparti jusqu’à fin mars, l’élection du liquidateur et du comité s’est déroulée très vite. Karl Wüthrich a été élu un peu à la «soviétique» par 1819 voix contre 11 et 14 abstentions.

Il avait également été choisi comme liquidateur pour les créanciers de SAirGroup, SairLines et Flightlease en juin 2002.

17 heures. La séance n’est pas encore terminée mais un flux régulier de participants se dirige vers la sortie.

«Pourquoi voulez-vous que l’on se batte, dit cet ancien employé au sol avant de courir vers sa voiture, il n’y a plus rien à obtenir! On espère juste ne pas être déclassé des créances de premier rang vers des créances de troisième rang. Mais on ira jusqu’au Tribunal fédéral s’il le faut.»

«Il est normal qu’un certain pourcentage des décisions soient contestées et chaque créancier a son mot à dire sur les autres créances, explique Filippo Beck du bureau d’avocats Wenger et Plattner, dont est aussi membre Karl Wüthrich. C’est pour cela que les procédures s’étalent sur de nombreuses années.»

Déjà discuté

Le collègue de Karl Wüthrich est-il surpris que personne ne fasse de remarque? «Pourquoi le feraient-ils? Nous avons aussi proposé un calcul individuel d’indemnités aux 7000 anciens employés.»

«Tout a déjà été réglé lors des assemblées des différentes associations de personnel, poursuit l’intéressé. Karl Wüthrich est allé dans chacune d’entre elles expliquer le projet de concordat et répondre aux questions. Les discussions ont déjà eu lieu.»

Effectivement: cette ancienne hôtesse de l’air est venue «par curiosité». Réengagée chez Swiss qu’elle a quitté de son plein gré en août dernier parce qu’elle ne s’y plaisait pas, elle dit que, «de toute façon, on ne peut rien changer».

Et d’ajouter, «Il n’y a pas d’argent. Autant en avoir un peu maintenant, grâce au concordat, qu’une preuve de dette dans dix ans, si on choisi la voie de la faillite.»

Tourner la page

«Tristesse», «résignation»: ce sont aussi les mots employés par Markus Jöhl, président Aeropers, l’association des anciens pilotes de Swissair par ailleurs nommé au comité des créanciers.

«Il y a une année, oui, les gens avaient envie de se battre. Maintenant, on sait ce qu’il y a à disposition. De plus, beaucoup ont retrouvé du travail et veulent peut-être tourner la page.»

Yves Meyer, un ancien maître de cabine genevois, semble bien avoir tourné la page, mais a fait le déplacement avec son ancien collègue neuchâtelois «pour revoir les copains.»

La bonne humeur du petit groupe à la sortie de la réunion n’empêche pas une petite inquiétude: «Il paraît qu’on nous a dégradés de la première à la troisième catégorie, mais ce n’est pas encore officiel», lâche le Genevois.

«Nous, nous réclamons les 2000 francs mensuels que nous versait Swissair au titre de pont AVS. Il nous manquait deux ans, on a donc perdu à peu près 50 000 francs. Mais bon, on est en bonne santé…» Et de conclure: «Quand même, faut que justice se fasse.»

swissinfo, Ariane Gigon Bormann, Winterthour

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