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Les gares, miroirs de la violence urbaine

Deux policiers patrouillent en gare de Berne. SBB

L' homicide récemment perpétré à Fribourg relance la question de l'insécurité dans les gares.

Les CFF multiplient les méthodes de surveillances. La police, elle, affirme qu’il n’y a pas lieu de s’alarmer et mise sur la prévention.

Les Chemins de fer fédéraux (CFF) tirent la sonnette d’alarme. Les gares seraient en train de devenir un haut lieu de la délinquance. S’y déroulent régulièrement des actes de vandalisme ou d’incivilité mais également des agressions verbales ou physiques.

Concrètement, les actes de vandalisme laissent des traces. Et une ardoise relativement salée. «Les coûts s’élèvent à environ15 millions de francs par année. Cela dit, ces frais sont restés stables ces dernières années», souligne Jacques Zulauff, porte-parole des CFF.

Mais au-delà des chiffres, peut-on conclure objectivement à l’existence d’une montée tangible de la violence dans ces grands carrefours de la circulation urbaine?

Pour nombre d’observateurs, le climat d’insécurité que l’on associe volontiers aux gares n’est que le fruit d’un sentiment subjectif, voire le résultat d’une idée reçue.

Pas d’augmentation significative

De fait, les statistiques ne démontrent pas clairement une réelle augmentation de la violence dans les gares. Notamment celles de la police.

«En 2001, nous avons enregistré 14 cas de voies de faits ou d’agressions dans le périmètre de la gare de Lausanne. Une année plus tard, nous n’en comptabilisons que quatre de plus. Ce qui ne représente pas une augmentation significative», explique Guy-Charles Monney, porte-parole de la police lausannoise.

Même son de cloche à Zurich. Les forces de l’ordre affirment ne plus connaître de problèmes particuliers depuis le démantèlement de la scène ouverte de la drogue du Platzspitz.

De son côté, Berne souligne que l’espace de la gare n’est pas plus sensible que le reste du centre-ville. «A l’instar de l’ensemble des rues marchandes, la gare est un lieu très fréquenté qui attire périodiquement les pickpockets ou les dealers», souligne Franz Märki, porte-parole de la police bernoise.

Des actions de prévention sont donc menées régulièrement. «Pour éviter que cette petite délinquance ne s’installe, nous sommes parfois amenés à intensifier notre présence dans les bâtiments des CFF. Mais nous agissons de manière identique dans les rues marchandes.»

A l’image des centres-villes

En clair, les gares ne reflètent que la réalité d’une société où la concentration humaine amène parfois à des dérapages. La violence y est en quelque sorte proportionnelle à la densité de la population.

«Les gares sont le poumon de la cité et le lieu de rendez-vous ou de transit de toutes sortes de populations, Il est inévitable que ces centres névralgiques soient parfois le théâtre d’actes plus ou moins violents», confirme André Kuhn, criminologue à l’Université de Lausanne.

«L’architecture des lieux – faite de souterrains et de zones parfois peu éclairées – peut également augmenter le sentiment d’insécurité de certaines personnes et en encourager d’autres à commettre des délits», ajoute le criminologue.

Pour lui, la lutte contre l’insécurité passe nécessairement par une amélioration des infrastructures et une intensification des mesures préventives.

«L’une des bonnes méthodes consiste à augmenter la visibilité des policiers en uniforme », souligne André Kuhn. Ce rôle dissuasif des forces de l’ordre n’entraîne pas de façon systématique une politique de répression à l’encontre de tous les marginaux du coin.

Il s’agit, en effet, d’éviter des actions contre-productives, poursuit l’intéressé. «Les forces de l’ordre ont tendance à se disperser et à ne plus être disponible pour intervenir lorsque c’est vraiment nécessaire.»

Le poids de l’uniforme

Justement, Genève a payé son manque de perspicacité dans le domaine de la prévention.

«En 2001, la ville a fermé le poste de police de la gare de Cornavin. Mais, Il a été rouvert six mois plus tard. Après la constatation d’une recrudescence de la délinquance dans le secteur», explique Jacques Volery, porte-parole de la police genevoise.

Depuis, Genève a su tirer les leçons de cette expérience. Aujourd’hui, la ville prévoit même d’aménager un nouveau centre de police plus conséquent et surtout plus visible au cœur des bâtiments des Chemins de fer fédéraux.

Une filiale chargée de la sécurité

De leur côté, Les CFF ne restent pas les bras croisés. Pour améliorer le sentiment de sécurité de leur personnel et de leur clientèle, ils ont développé leur propre système de sécurité.

En 1994 déjà, la régie fédérale s’est assurée les services d’une police ferroviaire chargée de veiller à la sécurité de la gare de Zurich. Trois ans plus tard, le champ d’action de cette force spéciale sera élargi à Berne, Genève et Olten.

En collaboration avec l’entreprise de sécurité privée Sécuritas, les CFF ont finalement crée Sécuritrans, une filiale chargée veiller à la protection de leurs intérêts

Aujourd’hui, l’entreprise compte 140 agents de police ferroviaire chargés de patrouiller dans les trains et dans les gares suisses. Ainsi que 70 agents de sécurité mandatés pour la surveillance des gares.

«Depuis la création de ce service, les effectifs n’ont cessé d’augmenter. Cette année encore, nous avons engagé 25 nouveaux policiers ferroviaires et 17 agents de sécurité», souligne Pascal Delessert, chef de la police ferroviaire pour la Suisse Romande.

Des caméras dans les gares

Et d’ajouter, «Nous travaillons volontiers en collaboration avec les polices cantonales et municipales. Et il n’est pas rare, en outre, que les CFF ou les commerçants mandatent des sociétés de surveillance privées pour assurer la sécurité de certains secteurs.»

C’est ainsi que pas moins de six patrouilles en uniforme sont chargées d’assurer la sécurité de la gare de Berne. Police municipale, police ferroviaire, brigade Krokus, Agents Sécuritrans, Securitas et Protectas organisent des rondes conformément à leurs compétences et à leurs secteurs d’activité.

Mais pour les CFF, ce dispositif n’est toujours pas suffisant. Un groupe de travail planche d’ailleurs sur les nouvelles mesures à mettre en œuvre pour améliorer la sécurité des bâtiments et du réseau ferroviaire.

L’utilisation des caméras de surveillance fait parti de projets actuellement testés sur un certain nombre de lignes.

«Toutefois, rappelle Jacques Zulauff, porte-parole des CFF, la sécurité n’est pas la vocation première des CFF. C’est à la police d’assurer cette tâche. Et aux politique de prendre des décisions adéquates.»

swissinfo, Vanda Janka

Sécuritrans SA:
2002: 140 agents de police ferroviaire et 70 agents de sécurité.
En 2003: 175 agents de police ferroviaire et 87 agents de sécurité.

– Pour favoriser le climat de sécurité dans les gares, les CFF modifient la conception de leurs bâtiments.

– Un programme de rénovation lancé en 2002 vise notamment à améliorer l’éclairage.

– Il propose également de repeindre tous les passages souterrains en blanc.

– Quant aux salles d’attentes, elles seront désormais vitrées.

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