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Les horlogers veulent mettre les femmes en valeur

Vous avez dit «féminité»? «Chris 47 Steel» Dior Girly, de Christian Dior. dior.com

A l’heure des salons horlogers de Bâle et de Genève nous revient la phrase d’Aragon: «La femme est l'avenir de l'homme». Sera-t-elle celui de l'horlogerie?

Ce qui est certain c’est que, désormais, les créateurs de garde-temps laissent parler leur féminité… et c’est tant mieux!

«De toute façon, elles n’y comprennent rien en technique. Ce n’est pas la peine de nous casser la tête, il suffit de faire les montres plus petites et d’y ajouter quelques pierres précieuses». Ce genre de propos stupide a fleuri durant près des deux siècles chez les horlogers car, au pays de la science du décompte du temps, on vivait au masculin.

A l’époque, jamais un homme n’aurait imaginé que les problèmes d’engrenage, de réglage d’une phase de lune, de construction d’un tourbillon, pourraient susciter le moindre intérêt parmi la gent féminine. Naturellement donc, on est resté «entre bonshommes».

Ce détestable état d’esprit n’a heureusement plus cours ou presque. C’est en effet faire preuve d’un total mépris et d’une méconnaissance du rôle historique que les femmes ont joué dans le développement de l’horlogerie que de tenir de telles théories.

De la gestion au doigté

Jusqu’à la fin du 19ème siècle, le plus souvent, elles ont tenu les rennes des entreprises familiales, assurant la gestion, menant les affaires financières, tandis que les hommes construisaient les montres.

Ensuite, durant la Première guerre mondiale, lorsque s’est développée la mode des montres bracelets, ce sont bel et bien les femmes qui ont remplacé, dans les usines, les hommes appelés sous les drapeaux.

Enfin, des années trente jusqu’au début de 1960, est venu le temps des fameuses régleuses que l’on appelait les «baronnes de l’horlogerie». Le doigté féminin est en effet incomparable pour poser l’organe réglant de la montre mécanique, le fameux échappement spiral.

Des dizaines de milliers de femmes, à l’établi, à domicile notamment, ont donc permis à l’horlogerie suisse de devenir leader mondial incontesté de la maîtrise de la fuite du temps.

Opération séduction

Mais, depuis le début des années 2000, les horlogers ont changé leur fusil d’épaule. Leur mot d’ordre est désormais: séduction de la gent féminine! Car les femmes sont un marché extrêmement intéressant et porteur.

Pour s’implanter sur ce terrain, rien n’est assez beau, rien n’est assez sensuel. Les créateurs, notamment les designers, ont pour consigne de laisser s’exprimer la part de féminité qu’il y a en chacun d’entre eux. Et les résultats sont intéressants.

L’horlogerie «tendance»

On distingue deux approches. La première, très «marchande» voit l’émergence d’une horlogerie indissociable du monde de la mode. Avec des montres très colorées, des matériaux qui font la part belle à l’acier, au plastic, voire même au tissu pour les bracelets.

Et pour que la connivence soit parfaite avec le prêt-à-porter, les designers ont tenté d’intégrer les formes. Souvent donc, les boîtes des montres sont habilement noyées dans les bracelets pour créer l’illusion d’un tour de bras résultant d’un seul ensemble.

D’ailleurs, et ce n’est pas un hasard, ces produits portent souvent la griffe de grands noms de la couture. Ces garde-temps de formes imaginatives sont fort plaisants mais, comme le monde de la mode dont ils se réclament, ils ne dureront guère.

C’est en tous cas le défi que se lance l’une des marques du groupe LVMH, avec la griffe Dior horlogerie. Chaque saison, la collection évolue, et même si la boîte reste la même ou presque, cette politique fait un véritable tabac car elle permet de changer de montre à des prix intéressants.

L’horlogerie de prestige



L’autre démarche, plus construite, a été pensée par les horlogers de prestige. S’ils n’avaient jusqu’ici, pour la plupart d’entre eux, qu’empierré des produits tout à fait banals, ils ont changé d’approche.

Alliées à des mécanismes sophistiqués, des formes qui font la part belle à la géométrie, des complications techniques utiles, les montres féminines sont non seulement fort belles mais elles font désormais aussi tourner la tête des hommes.

C’est peut-être le meilleur signe que l’opération de féminisation de la plus machiste des industries suisses est un succès.

swissinfo, Eric Othenin-Girard

Le salon «Baselworld» se tient à Bâle du 15 au 22 avril.
Le Salon International de la Haute Horlogerie se tient à Genève du 19 au 25 avril.

– Le salon de Bâle («Baselworld») est la plus grande manifestation mondiale dédiée à la montre. Une gigantesque vitrine qui réunit chaque année 90.000 visiteurs environ.

– Le Salon International de la Haute Horlogerie, à Genève, accueille 16 marques seulement et est réservée aux professionnels, agents, détaillants et médias. Il est exclusivement consacré à l’horlogerie du luxe.

– En Suisse, le secteur horloger connaît un coup de frein: diminution des ventes de 4,4 % à 9,292 milliards de francs et baisse spectaculaire du nombre de pièces produites en Suisse de 8,4 %, soit 2,2 millions de pièces perdues (chiffres publiés par la Fédération de l’industrie horlogère suisse).

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