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Les mille ans de Neuchâtel entrent au musée

Neuchâtel est mentionné pour la première fois dans l’Acte de donation de Rodolphe III, roi de Bourgogne, à son épouse Irmengarde. Archives départementales de l’Isère, Grenoble.

Le Musée d’art et d’histoire de Neuchâtel accompagne les festivités du millénaire de la petite cité de l’ouest de la Suisse et retrace cette histoire en soulignant les liens de Neuchâtel avec l’extérieur. Regard sur une exception.

Un lac, le plus grand entièrement sur territoire suisse, qui accueille le visiteur sur grand écran. Un lac au fil des saisons, où se reflètent la ville et quelques bâtiments iconiques. Et cette question: Neuchâtel, c’est quoi?

Les scénographes proposent quelques alternatives, histoire de stimuler la réflexion, auxquelles l’exposition fait écho en remontant progressivement l’histoire de cette ville de 32’000 habitants, située au pied du Jura. Un retour thématique dans le temps, ponctué de références au présent, qui use d’une multitude d’objets, de documents, d’œuvres de peintres locaux, d’une touche d’interactivité aussi.

Le musée d’art et d’histoire local a voulu marquer les mille ans de la ville et choisit aussi de réintégrer les «petites gens» à la grande histoire. Il le fait par le biais de récits de vie basés sur des archives, véhiculés par des comédiens filmés.

Une réfugiée huguenote raconte par exemple son périple entre France et Allemagne après la révocation de l’édit de Nantes. Ils furent 20’000 à faire halte à Neuchâtel, ville de moins de 3000 habitants à l’époque.

Neuchâtel, c’est peut-être Xamax, le club de foot local, la capitale de la microtechnique, la pierre jaune, Didier Burkhalter, ministre en poste à Berne, la Fête des vendanges, une ville de bourgeois…

L’exposition le montre, Neuchâtel, c’est aussi le commerce international des tissus appelés indiennes, la participation à la traite négrière, de grands banquiers parfois à l’origine de la Banque de France. Mais aussi le rayonnement du temps des Lumières et, plus tôt, la Réforme en 1530 et la toute première bible protestante publiée en français.

«Rare exception en Europe, nous sommes en présence d’un territoire qui va passer à la Réforme et qui aura, jusqu’en 1707, un souverain catholique – la famille d’Orléans-Longueville, explique Chantal Lafontant Vallotton, conservatrice. On a donc là une cohabitation religieuse forcée qui prépare peut-être la tolérance religieuse actuelle à Neuchâtel.»  

Un trésor national français

Et tout au départ, il y a ce document, classé trésor national français, prêté par l’Hexagone, où Neuchâtel apparaît mentionné pour la première fois. Un acte du roi Rodolphe III de Bourgogne, en latin, daté du 24 avril 1011. Le roi fait là donation à son épouse Irmengarde de nombreux biens situés dans son royaume allant d’Arles à Bâle.

«Soyons clair, il y a eu des habitations à Neuchâtel bien avant l’an mille. Mais la première mention écrite est souvent prise comme référence dans ce type de contexte. Histoire millénaire, le chiffre est magique…», observe Chantal Lafontant Vallotton.  

Plus tard, au 12e siècle, une famille qualifiée d’«ambitieuse» par les concepteurs de l’exposition a agrandi l’ancienne résidence bourguignonne et fait de Neuchâtel le siège et le symbole de son autorité. Les futurs comtes de Neuchâtel.

Très vite, mais surtout depuis le 18e siècle, Neuchâtel s’est connecté avec le monde, notamment sous l’angle très pragmatique du commerce international, alors même qu’elle a longtemps appartenu à des dynastes français ou germaniques.

La Prusse et la Suisse à la fois

Pendant la première moitié du 19e siècle, Neuchâtel est propriété personnelle du Roi de Prusse. Deux camps s’opposent, les royalistes et les républicains, qui souhaitent appartenir à la Suisse uniquement.

«Car, fait assez unique, Neuchâtel entre dans la Confédération suisse comme canton en 1814, mais elle reste principauté, explique Chantal Lafontant Vallotton. La révolution de 1848 verra les républicains triompher et Neuchâtel rompre les liens avec la Prusse.»

Aux yeux de l’historienne, ces «attaches très particulières» d’avant 1848 ont impliqué des contacts avec les cours européennes plus importants que pour nombre d’autres cantons suisses. «Des contacts qui ont, à ce moment-là, des incidences dans la vie sociale et culturelle», caractérisée par une certaine «ouverture».

Aujourd’hui, Neuchâtel est un des cantons suisses les plus europhiles. Alors, la perception actuelle des Neuchâtelois à l’égard des relations entre la Suisse et l’Europe découle-t-elle de ces liens particuliers entre Neuchâtel et ses souverains européens éloignés? L’exposition ne répond pas, mais Chantal Lafontant Vallotton s’y essaie.

«Sur le premier vote sur l’EEE [Espace économique européen], on a eu un record absolu de ‘oui’ à Neuchâtel. Je ne veux pas dire que l’histoire explique tout, il faut rester prudent, d’autant que Neuchâtel est aussi situé à proximité de la frontière. Mais on est très tenté de se poser la question.»

L’exposition Neuchâtel, une histoire millénaire est visible à partir du 3 avril au Musée d’art et d’histoire de la ville. Du mardi au dimanche entre 11h et 18h. Une publication accompagnant l’exposition paraîtra à mi-mai.

Le lancement des festivités du millième anniversaire de la Ville de Neuchâtel est fixé aux 22, 23 et 24 avril. Au programme: performances artistiques, concerts et spectacles sons et lumières.

La cérémonie officielle du Millénaire se déroulera le dimanche 24 avril. Une soirée durant laquelle 100’000 bougies seront allumées dans douze lieux de la ville. Le calendrier des manifestations de ce millénaire se trouve sur le site officiel www.mahn.ch/

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