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Les Musulmans vivent en harmonie en Suisse

Keystone

Un vaste état des lieux mené dans le canton de Zurich montre que les musulmans ne subissent pas de discriminations systématiques. A l'échelle suisse, les relations sont également plus harmonieuses qu'on pourrait le croire. Mais tout n'est pas rose pour autant.

Voile, minarets, dispenses pour les cours de natation…: les sujets controversés liés à la place des musulmans en Suisse ne manquent pas. A force de lire les gros titres, l’impression naît que les tensions sont nombreuses.

Or il n’en est rien. Les chercheurs et spécialistes le rappellent souvent: les relations entre musulmans et non musulmans sont globalement harmonieuses. Un rapport zurichois de 200 pages vient encore étayer cette conclusion.

Confié à l’Institut de science politique de l’Université de Zurich, le rapport a cherché à analyser des situations concrètes mettant en lumière les relations entre les musulmans et des institutions de l’Etat.

Manque de chiffres

Une des premières conclusions des chercheurs est que la Suisse manque cruellement de statistiques sur la communauté musulmane. Les dernières données utilisables datant du recensement de 2000.

«Oui, cela est problématique», confirme à swissinfo Mallory Schneuwly Purdie, chercheuse à l’Observatoire des religions en Suisse de l’Université de Lausanne, auteure de plusieurs publications sur les musulmans en Suisse.

«Nous n’avons pas d’informations sur l’immigration qui a suivi le 11 septembre 2001 ni sur les retours dans les Balkans.» Intuitivement, la chercheuse prévoit qu’il y a eu une augmentation du nombre de musulmans en Suisse.

Communauté hétérogène

Le rapport zurichois et Mallory Schneuwly Purdie insistent sur le fait qu’il n’y a pas «une» communauté musulmane. Celle-ci est hétérogène, «comme les chrétiens», dit la chercheuse.

Le 11 septembre 2001 a aussi changé les perceptions. «Avant, j’étais un étranger, maintenant je suis un musulman: c’est une phrase que j’ai beaucoup entendue», ajoute Mallory Schneuwly Purdie.

Reste que, selon le rapport zurichois, les musulmans ne subissent aucune discrimination systématique dans le canton. Ce qui ne veut pas dire qu’il n’y a aucun problème.

Les difficultés relèvent «davantage d’une sous-estimation du rôle de l’appartenance religieuse pour certaines personnes que d’un problème spécifique entre l’Etat et la population musulmane», selon le rapport.

«Des progrès, mais il faut se battre»

Hussein Kharbouch, délégué auprès de l’Association des organisations musulmanes de Zurich (VIOZ), n’est de loin pas aussi positif. «Il est clair qu’il y a de grands progrès par rapport à la situation qui prévalait il y a dix ans, mais nous devons quand même nous battre pour beaucoup de choses», explique-t-il.

Le voile vient en première liste des difficultés et, dans la bouche de Hussein Kharbouch, le mot «se battre pour se faire accepter» revient régulièrement. Idem avec les lieux de prière: «Nous ne trouvons que des locaux mal placés, dans des zones industrielles, ou alors à des tarifs prohibitifs.»

Hussein Kharbouch souligne encore que le succès de certaines revendications dépend du bon vouloir des autorités – un directeur d’hôpital qui accepte un imam ici, un maire qui trouve une salle de classe pour des cours de culture musulmane là – mais que ce bon vouloir est aléatoire. «Quand ces personnes partent, il faut parfois tout recommencer», soupire le délégué.

Ecoles: les directives fonctionnent

A l’école justement, le rapport zurichois ne dénote aucun problème particulier. Le canton a élaboré des directives sur les relations avec les familles musulmanes en 1989. Cela «fonctionne plutôt bien».

Les difficultés sporadiques concernent les activités physiques des jeunes filles, mais le Tribunal fédéral a, dans un verdict de fin octobre, montré la voie d’une pratique très restrictive en matière de dispenses.

Un tiers de prisonniers musulmans

Enfin, le rapport a étudié la population carcérale de la plus grande prison de Suisse, Pöschwies, qui compte 436 places. Près d’un tiers (32%) des prisonniers sont musulmans. Le fait que les communautés étrangères musulmanes comptent beaucoup de jeunes gens, non formés, sans emploi, explique cette surreprésentation.

Les auteurs pensent que la présence plus marquée d’imams (qui se monte actuellement à 13 heures par semaine, contre 76 assurées par des prêtres s’adressant aux 56% de prisonniers chrétiens) pourrait atténuer les difficultés.

Pour Mallory Schneuwly Purdie, le principal domaine où il est urgent d’agir est celui des cimetières. «Des solutions devraient être possibles sans forcément créer des carrés confessionnels partout, dit-elle. Pour les musulmans, c’est très dur de ne pas pouvoir rester proches de leurs morts, puisqu’ils doivent rapatrier les corps dans leur pays d’origine. En leur permettant d’enterrer leurs morts là où ils ont vécu et selon leurs rites, on donnerait aussi suite à leur désir d’intégration.»

swissinfo, Ariane Gigon à Zurich

Les statistiques à disposition se basent sur le recensement fédéral de 2000.

Sur 340’000 personnes musulmanes vivant en Suisse en 2000, 66’520 étaient enregistrées dans le canton de Zurich, soit 5,3% de la population (1% de plus que la moyenne nationale), contre 0,6% en 1970 et 2,6% en 1990. Dans le canton de Zurich:

56% de ces personnes viennent d’ex-YougoslavIe et d’Albanie
19% viennent de Turquie
14% ont un passeport suisse
5% viennent d’Afrique
5% viennent d’Asie
1% viennent d’autres pays.

La communauté musulmane n’est pas homogène. Sur le plan suisse, 100 nationalités sont présentes au sein de cette communauté, dont les membres se différencient aussi par de grandes différences socio-économiques. Il y a en outre très peu de chiites en Suisse.

D’après les chiffres fournis par 29 communes zurichoises, la proportion musulmane était de 7,9% dans ces communes, contre 6,3% en 2001. La communauté musulmane estime qu’elle représente aujourd’hui quelque 10% de la population suisse.

Le rapport est le fruit d’un postulat déposé par des députés radicaux au Grand conseil (Parlement) de Zurich et demandant une étude précise sur la place des musulmans dans le canton.

Confiée à l’Institut universitaire de science politique de Zurich, l’étude s’est penchée sur quatre domaines: école/formation, santé, aide sociale et application des peines et mesures.

D’autres domaines ont été abordés de façon plus superficielle: la manière de prendre congé des morts, les lieux de prière, la vieillesse, et les musulmans dans les administrations.

La Suisse ne compte que deux mosquées avec coupole typique et minaret, au Petit-Saconnex à Genève et la mosquée Mahmud à Zurich. La plupart des lieux de prière ne sont pas reconnaissables en tant que tels.

Dans le canton de Zurich, il y a 42 centres de prières actuellement – la plupart existant depuis 20 ou 30 ans. Un seul cas de réclamation connu était causé par un excès de trafic autour du centre.

En revanche, les organisations disent avoir le plus grand mal à louer des lieux lors d’occasions religieuses spéciales, en raison du scepticisme de loueurs potentiels.

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