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Les négociations climatiques marquent le pas

Une négociations climatiques a toujours droit à ses activistes, à Bangkok comme ailleurs. Keystone

Quatre mois après Cancún, les négociateurs ont repris le chemin des tractations climatiques cette semaine à Bangkok. Dans leur mire: la Conférence de Durban en fin d’année. Mais la dynamique de Cancún semble avoir fait long feu, selon Franz Perrez, l’ambassadeur suisse pour l’environnement.

L’objectif de Bangkok est de planifier le processus jusqu’à la conférence de Durban, explique le chef de la division Affaires internationales de l’Office fédéral de l’environnement (OFEV).

L’essentiel est, selon lui, de «se mettre d’accord sur l’agenda et les priorités. Que veut-on absolument obtenir à Durban et quelles sont les priorités pour cette année?» Une matière éminemment «politique et très compliquée».

«Si le temps le permet, nous aurions aussi voulu tenir une première ronde de discussions sur les sujets retenus», précise Franz Perrez.

swissinfo.ch: Quel état d’esprit observez-vous actuellement?

Franz Perrez: L’état d’esprit, en ce moment, n’est pas le meilleur, je dois dire. La discussion se déroule selon deux logiques. Selon la première, il est envisagé de consacrer cette année à la mise en œuvre des résultats de Cancún 2010. Nous avons décidé à Cancún de poursuivre deux voies.

D’abord, les pays industrialisés ayant ratifié le Protocole de Kyoto devront travailler en vue d’une deuxième période d’engagement, avec des engagements contraignants. La seconde voie prévoit que tous les pays – industrialisés comme en développement – déposeraient des offres et des engagements volontaires de réduction de leurs émissions de gaz à effet de serre. L’idée est de compléter le dispositif avec un système de vérification-contrôle-rapport.

Il reste beaucoup de travail sur ce volet. Mais le groupe des 77 [coalition de pays en développement] ne semble pas prêt à se concentrer sur la mise en œuvre des tâches que nous nous sommes données à Cancún. Ce qui rend la situation difficile.

Selon l’autre logique, les efforts doivent se concentrer sur la continuation des travaux initiés en 2007 à Bali, sans donner de priorité spécifique à la mise en œuvre des décisions prises à Cancún.

S’ajoute à cela le fait que Tuvalu exige que les pays industrialisés s’engagent dès maintenant, formellement, avant la finalisation des négociations en cours, pour une deuxième période de Kyoto. Cette proposition est surprenante puisqu’à Cancún, un accord a été obtenu autour de la volonté de tous d’œuvrer dans la perspective d’une deuxième période d’engagements.

Pour obtenir un nouveau texte, il s’agit maintenant d’avancer. Mais les pays en développement ne montrent aucune motivation à s’engager sur des règles techniques comme la manière de prendre en compte les forêts avant qu’on se mette d’accord sur les objectifs de réduction des émissions. Or, tout un ensemble de questions doivent être résolues avant de pouvoir fixer des chiffres de réduction des émissions.

swissinfo.ch: Autrement dit, on n’est plus dans la dynamique de Cancún?

F.P.: En ce moment, clairement non. On a plutôt l’impression que plusieurs pays souhaitent un retour à l’avant-Cancún, afin de rediriger le processus dans une autre direction.

Il a été décidé à Cancún d’avancer avec un système d’engagements volontaires et de vérification-contrôle-rapport et j’ai l’impression que certains pays ne sont pas heureux d’avoir donné leur aval. Notamment sur le contrôle des engagements, même s’il s’agit d’engagements volontaires.

Un autre problème est la crainte que les négociations aboutissent à un régime perfectionné d’engagements et de contrôle sans, en parallèle, une deuxième période d’engagements sur le Protocole de Kyoto [légalement contraignant]. Il n’y aurait plus ainsi de règles plus restrictives pour les pays industrialisés.

 

swissinfo.ch: Etes-vous inquiet dans la perspective de Durban?

F.P.: Vu l’ambition de ces négociations, nous sommes constamment inquiets. Nous aimerions conclure sur un si grand nombre de points, souvent techniques mais aussi politiques, qu’il est nécessaire de faire preuve d’humilité face à la perspective de la conférence de Durban.

La situation actuelle est peut-être, en ce moment, un peu démotivante, mais cela fait partie aussi du processus. L’important, c’est de repartir de Bangkok avec un agenda soutenu par tous. Et je crois que nous y parviendrons, même s’il n’est pas encore certain que cet agenda sera suffisamment clair pour permettre aux négociations de progresser sur les points qui pourraient aboutir à Durban. 

swissinfo.ch: L’accident nucléaire de Fukushima a-t-il un impact sur les négociations?

F.P.: Le seul changement visible, à Bangkok, c’est l’approche plus défensive adoptée par le Japon. Nos collègues japonais sont très affectés par l’événement. Le premier jour, ils ont tenu à dire combien ils ont apprécié les signes de solidarité à l’égard de leur pays. La négociation semblait pour eux passer au second plan, ce qui est bien compréhensible.

Fukushima aura sans doute un impact dans les têtes, mais on ne le ressent pas encore à Bangkok. Un impact à court et moyen termes. Mais à long terme, cet accident ne remettra pas en question la motivation à réduire les émissions de gaz à effet de serre. Tout le monde est d’accord ici: nous devons réduire les émissions et éviter que les températures n’augmentent de plus de 2 degrés. Ce que nous ne ferons pas ces prochaines années en raison de Fukushima, nous devrons le faire encore plus rapidement par la suite.

La réunion de Bangkok, en prévision de la Conférence de Durban du 28 novembre au 9 décembre prochains, s’achève vendredi. Les négociateurs de 200 pays ont obtenu en décembre dernier à Cancún un accord à portée limitée, qui a permis de sauver le processus de négociations climatiques onusiennes, après la déprime de Copenhague.

Les mesures décidées à Cancún incluent la création d’un fonds vert pour le climat afin d’aider les pays pauvres à s’adapter au changement climatique, ainsi que des mesures pour la protection des forêts tropicales et le partage des technologies vertes.

Dans le même temps, les négociateurs ont décidé de repousser à cette année les négociations sur l’avenir du protocole de Kyoto, le seul accord légalement contraignant en matière climatique. Kyoto arrive à son terme à la fin de l’an prochain.

Kyoto est un ajout à la CCNUCC – le traité international destiné à encadrer les avancées à réaliser à l’échelle mondiale pour réduire le réchauffement climatique et faire face aux augmentations de la température mondiale.

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