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Les problèmes migratoires divisent le Parlement

Les étrangers suscitent des critiques mais aussi des manifestations de solidarité, comme ici à Lausanne en 2008, contre le rapatriement de travailleurs clandestins. Keystone

La session parlementaire extraordinaire consacrée à la migration a rouvert un traditionnel fossé au sein de la Chambre basse. Alors que la droite veut suspendre l’accord sur la libre circulation des personnes et limiter les flux migratoires, la gauche demande une nouvelle loi sur l’intégration des étrangers.

Les votes portant sur des thèmes liés aux étrangers se sont multipliés au cours de la dernière décennie en Suisse. Depuis 2000, le peuple s’est en effet prononcé une douzaine de fois sur la politique d’asile, sur le frein à l’immigration, sur les procédures de naturalisation ou encore sur la libre circulation des personnes.

L’Union démocratique du centre (UDC / droite conservatrice), qui se bat souvent seule contre tous sur ces thématiques, a dans la plupart des cas enregistré une défaite. Les campagnes anti-étrangers lui ont cependant permis de recueillir un large soutien populaire et ont contribué dans une large mesure à renforcer sa base électorale au cours des quatre dernières élections fédérales.

Ainsi, après la victoire obtenue lors de la votation de novembre dernier sur l’interdiction de construire des minarets, l’UDC a décidé de relancer immédiatement son cheval de bataille préféré et a demandé la tenue d’une session parlementaire extraordinaire sur la question de la migration. Selon l’UDC, le vote sur les minarets a démontré que la politique du gouvernement en matière de migration ne jouit plus de la confiance des Suisses et qu’il existe un malaise évident au sein de la population en ce qui concerne les étrangers.

Propos démagogiques

Durant le débat à la Chambre basse, le plus grand parti de suisse a donc rafraîchi son traditionnel arsenal de propositions: durcir encore les normes sur l’asile, combattre la criminalité des étrangers, suspendre l’accord de libre-circulation des personnes conclu avec l’Union européenne et limiter l’accès des étrangers aux emplois publics importants, comme les chaires universitaires.

«Chaque année, le nombre d’immigrés augmente de 80’000 à 100’000 personnes, a dénoncé le député UDC Hans Fehr. Ce sont en partie des étrangers que nous apprécions, mais il en arrive également d’autres. Les conséquences sont des salaires plus bas, le chômage et la récession. Il existe par ailleurs une énorme importation de criminalité, de violence et d’intolérance.»

Plusieurs représentants de la droite conservatrice n’ont pas hésité à avancer des arguments hautement démagogiques. «Toute une partie des jeunes immigrés gangrènent notre société, a déclaré le député UDC André Reymond. Vols, viols et bagarres sont désormais monnaie courante. Et que dire des adultes qui battent leurs femmes et leurs filles au nom de leur tradition culturelle?»

L’UDC a également obtenu l’appui de quelques députés du centre, parmi lesquels le PDC (Parti démocrate-chrétien / centre-droit). «La population en a assez d’être terrorisée dans les écoles et les quartiers par des groupes de jeunes émigrés, d’être volée par des bandes de criminels provenant d’Europe de l’Est, d’accueillir des personnes qui font une demande d’asile uniquement pour faire du commerce de drogue en Suisse», a-t-il déclaré.

Meilleure intégration

Les étrangers ne sont pas la cause de tous les maux de la Suisse ont répliqué plusieurs représentants de la gauche. «Il faut être pragmatique et arrêter de lancer des slogans, comme Monsieur Fehr, qui a même osé admettre apprécier certains étrangers, s’est indigné la député socialiste Ada Marra. Oui, il apprécie les étrangers qui sont riches, mais pas les pauvres. Et il n’est pas le seul dans cette salle.»

«Il ne sert à rien d’avoir un débat de bas niveau sur les émigrés allemands ou kosovars», a affirmé Andy Tschumperlin. Pour le socialiste, le problème des étrangers sera résolu en misant sur leur intégration et non sur leur exclusion. Dans ce but, divers représentants du Parti socialiste et du Parti libéral-radical (PLR / droite) ont soutenu la nécessité d’introduire une loi-cadre sur l’intégration des étrangers.

«Nous avons besoin de travailleurs qualifiés de l’UE pour maintenir notre économie et faire fonctionner notre pays», a estimé la députée écologiste Marlies Bänziger. Pour elle, la Confédération doit mettre en place une véritable offensive sur le front de la formation professionnelle. «Plus nous négligeons notre système d’éducation, plus nous serons contraints de faire venir des personnes qualifiées de l’étranger», a-t-elle ajouté.

30 propositions acceptées

Au terme de ce débat fleuve, la Chambre du peuple a approuvé une trentaine de propositions parmi les cent motions et postulats proposés. Parmi ces propositions figure celle de la droite demandant de revoir l’accord sur la libre-circulation des personnes et de réaliser une étude sur son impact. Les députés veulent par ailleurs assouplir les normes sur les permis de travail accordés aux étrangers extra-européens diplômés de hautes écoles suisses.

Deux propositions de l’UDC ont également recueilli une majorité. L’une demande de lier l’octroi d’un permis d’établissement à la connaissance d’une langue nationale et l’autre exige un meilleur contrôle des imams actifs en Suisse.

A la surprise générale, la Chambre du peuple a aussi accepté une motion du PDC proposant d’autoriser une formation professionnelle aux fils d’émigrés clandestins qui ont fréquenté l’école obligatoire en Suisse.

Armando Mombelli, swissinfo.ch
(Traduction de l’italien: Olivier Pauchard)

21 mai 2000: 67,2% des citoyens acceptent la conclusion de sept accords bilatéraux avec l’Union européenne, parmi lesquels celui sur la libre-circulation des personnes.

24 septembre 2000: une initiative visant à limiter l’immigration est refusée à 67%.

24 novembre 2002: un tout petit non (50,1%) à une initiative populaire demandant de durcir les normes sur le droit d’asile.

26 septembre 2004: refus à 56,8% de faciliter la naturalisation des jeunes étrangers de seconde génération et refus (51,6%) d’octroyer automatiquement la nationalité aux jeunes étrangers de troisième génération.

5 juin 2005: oui à 54,6% à l’adhésion de la Suisse aux traités européens de Schengen (police et justice) et de Dublin (asile).

25 septembre 2005: oui (56%) à l’extension de l’accord sur la libre-circulation des personnes aux 19 nouveaux membres de l’UE.

24 septembre 2006: oui à 68% à un projet de révision de la Loi fédéral sur les étrangers et oui à 67% à une série de propositions destinées à durcir la Loi fédérale sur l’asile.

1er juin 2008: non à 63,8% à une initiative de l’UDC qui propose de soumettre les demandes de naturalisation au vote des citoyens d’une commune.

8 février 2009: oui à 59,6% à la reconduite de l’accord sur la libre-circulation des personnes entre la Suisse et l’UE et à son extension à la Roumanie et à la Bulgarie.

29 novembre 2009: oui à 57,5% à une initiative populaire de l’UDC qui demande l’interdiction de la construction de nouveaux minarets.

A fin 2008, la Suisse comptait 7,7 millions d’habitants.

Avec 1,6 million de personnes, les citoyens étrangers constituaient les 21,7% de la population. Ce pourcentage a plus que doublé au cours des 50 dernières années. En 1960, il n’était encore que de 10%.

86,5% des étrangers résidant en Suisse proviennent de pays européens et plus ou moins deux tiers (61,1%) proviennent d’un Etat de l’Union européenne ou de l’Association européenne de libre-échange.

La population étrangère la plus importante reste celle des Italiens (17,5%), suivie par les Allemands (14,1%), les Portugais (11,8%) et les Serbo-Monténégrins (11,1%).

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