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Les régionalismes français réunis sur le Net

Un site qui vous embarque de Genève à Paris en passant par La Réunion ou Bruxelles… swissinfo.ch

Une base de données internationale regroupant les particularismes de la langue française d’ici et d’ailleurs est accessible au public dès jeudi.

Fruit de la collaboration de chercheurs de toute la francophonie, dont la Suisse, elle est patronnée par l’Agence universitaire de la francophonie.

Il est de ces mots, gymnase (lycée) ou automate à billets (distributeur bancaire), que nous – les Suisses francophones – utilisons sans l’ombre d’un doute à propos de leur appartenance au ‘bon français’.

Mais allez donc parler d’un natel (téléphone portable) à un Français, un Belge ou un Camerounais et vous comprendrez très vite que vous venez de commettre un helvétisme flagrant.

Ces mots, bien qu’issus d’un coin de pays, n’en enrichissent pas moins la langue française dans son ensemble.

Documenter ces particularismes, les comparer de manière simple grâce à un outil informatique pratique sont justement les buts que remplit la Base de données lexicographiques panfrancophones (BDLP).

Sous l’égide de l’Agence universitaire de la francophonie (AUF), le Québec, la Suisse, la Belgique, le Maroc, le Burundi, la Réunion, l’Algérie, le Cameroun, l’Acadie et la Louisiane contribuent à ce gigantesque lexique informatisé.

Pratique et illustré

Dès ce jeudi (18 heures), vous pourrez donc apprendre sur le site Internet de la BDLP qu’un natel est une «innovation panhelvétique très récente; création de la langue des PTT suisses. Mot-valise formé des premières lettres des mots allemands national et telefon.»

Cette définition est suivie d’une série d’explications, notamment sur les autres appellations du téléphone portable, dans le reste de la francophonie, mais aussi en allemand ou en italien.

Selon l’avancement des travaux de chaque lexique national, les données sont plus ou moins complètes. Et surtout facilement accessibles.

«Nous avons par exemple illustré le mot youtser [ou yodler ou encore jodler] avec des exemples de youtses», explique Dorothée Aquino, coréalisatrice avec Christel Nissille du projet pour la Suisse, sous la direction du professeur Andres Kristol.

Des photos de mets typiques par exemple viennent aussi alimenter la BDLP, poursuit l’assistante du Centre de dialectologie de l’université de Neuchâtel, mandaté par l’administration fédérale pour ce projet.

Légitimer les mots

En Suisse, comme au Québec et en Belgique, ces travaux linguistiques ont commencé dans les années 70.

Actuellement, le centre de Neuchâtel recense plus de 120’000 fiches sur les particularismes helvétiques.

En 1997, le centre a publié le Dictionnaire suisse romand (éd. Zoé), qui réunit ces données lexicologiques sous la direction de Pierre Knecht. C’est d’ailleurs sur cette base que les deux collaboratrices du centre remplissent la BDLP qui ne sera complète que dans un an.

Mais comment légitimer un mot? En Suisse, on ne dispose d’aucune autorité centralisée – comme en France l’Académie française – pour décider si un mot est correct ou pas.

Un avantage, paradoxalement, car un terme d’usage courant entrera ainsi plus facilement dans la littérature. Contrairement aux néologismes créés en France, qui mettront beaucoup plus de temps à être acceptés par un dictionnaire.

«C’est ce qui est intéressant dans notre travail. Nous pouvons apporter une certaine légitimité à ces helvétismes», commente Dorothée Aquino.

Le Dictionnaire suisse romand et donc la BDLP suisse regorgent en effet d’exemples écrits ou oraux qui attestent de l’utilisation du mot.

Travail évolutif

Concrètement, l’idée de créer un Trésor des vocabulaires francophones (TVF) a été lancée par le professeur Bernard Quemada au début des années 80. La pièce maîtresse de ce TVF est justement la base de données informatisée.

Les Québécois de l’université de Laval ont ensuite, dans les années 90 élaboré les outils informatiques de la BDLP. Et depuis 2001, toutes les équipes des pays du Nord comme du Sud qui travaillent sur ce lexique peuvent recevoir de l’aide de l’Agence universitaire de la francophonie.

Le Québec a été le premier à élaborer sa base de données. La Suisse a suivi dès 2001. Leurs bases de données sont donc les plus avancées.

En comparaison, «la BDLP du Burundi ne compte que 200 mots, celle du Maroc, un millier. L’Acadie vient pour sa part de rejoindre le projet», selon Dorothée Aquino.

Pour l’instant, la BDLP est centralisée à l’université de Laval au Québec, pour des raisons techniques. Mais d’ici quelque temps, chaque pays va récupérer sa propre base de données.

swissinfo, Anne Rubin

Depuis 1994, des chercheurs travaillent dans les pays du Sud et dans quatre pays du Nord à l’élaboration de lexiques régionaux.
Depuis, ces différents projets se sont regroupés et collaborent sous l’égide de l’Agence universitaire de la francophonie (AUF).
Le premier pays à avoir constitué sa base de données est le Québec (université de Laval).
La Suisse a été le deuxième pays à se joindre au projet (2001).
En Suisse, l’Office fédéral de l’éducation et des sciences (OFES) a attribué au Centre de dialectologie de l’université de Neuchâtel une somme de 260’000 francs pour mener à bien la BDLP.
Les pays du Sud reçoivent une aide financière de l’Agence universitaire de la francophonie, alors que les pays du Nord doivent financer eux-mêmes le projet.

– Depuis les années 1970, le Centre de dialectologie a développé une documentation considérable sur le français régional de Suisse romande.

– Il héberge l’antenne suisse du Trésor des vocabulaires français (TVF) qui recense et analyse le vocabulaire français sous l’angle de la variation géographique.

– Leur fichier comprend actuellement plus de 120’000 fiches qui attestent des particularités du suisse romand, agrémenté de beaucoup d’exemples.

– C’est ce fichier qui a permis d’alimenter les listes d’helvétismes dans les dictionnaires de référence du français moderne

-A titre d’exemple, le mot «gymnasial» est entré dans le Grand Robert en 1985.

– En 1997, sortait sous la direction de P. Knecht Le Dictionnaire Suisse romand aux Editions Zoé, suivi d’un CD-ROM.

– Une version simplifiée est sortie en 2000 et une édition revue et augmentée du Dictionnaire Suisse romand est prévue pour le Salon du livre de Genève, fin avril.

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