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Les réfugiés ne mangent pas le pain des Suisses

En décembre 2000, deux tiers des demandeurs d'asile n'avaient pas de travail. Keystone Archive

Une étude donne un coup de pied aux idées reçues. Elle montre que les réfugiés ne prennent pas le travail des Suisses. Bien au contraire...

Cette étude, présentée jeudi à Berne, a été réalisée par le Forum suisse pour l’étude des migrations et de la population, sur mandat de l’Office fédéral des réfugiés (ODR).

Elle a porté sur 200 910 personnes ayant séjourné en Suisse dans le cadre de l’asile entre 1996 et 2000. Des questions ont aussi été soumises à 1300 employeurs alémaniques, romands et tessinois.

Un rôle très modeste

Il en ressort que les requérants d’asile ne pèsent pas très lourd dans l’économie suisse prise dans son ensemble. En décembre 2000, seul un tiers d’entre eux (15 415) avaient un travail. Une goutte d’eau lorsque l’on sait que la Suisse compte une population active de 3,8 millions de personnes.

Toutefois, la situation doit être nuancée selon les secteurs d’activité. La majorité des requérants est active dans la restauration et l’hôtellerie. En décembre, on dénombrait 7881 d’entre eux affectés à ces tâches, soit près de 7% des employés cette branche.

Deux autres secteurs d’activité ont largement recours aux réfugiés. En décembre, 1154 étaient présents dans le nettoyage et l’hygiène et 1703 dans l’industrie et le bâtiment.

Des activités dont les Suisses ne veulent pas

Cette répartition selon les branches ne doit rien au hasard. Les réfugiés sont surtout présents dans des activités dont les Suisses ne veulent pas. En clair, requérants d’asile et Helvètes se trouvent rarement en concurrence à la plonge du restaurant ou dans un champ de tabac.

Les chiffres parlent d’ailleurs d’eux-mêmes. Sur les 15 415 réfugiés occupés en décembre, il n’y avait que cinq directeurs, neuf employés supérieurs et 172 travailleurs qualifiés. Le reste se contentait de tâches exigeant peu de qualification.

Les réfugiés représentent par ailleurs une main-d’œuvre très flexible. Chaque trimestre, entre 7 et 15% d’entre eux quittent leur emploi, tandis qu’un effectif équivalent fait son entrée sur le marché du travail. Cette situation s’explique principalement par le statut de séjour précaire des demandeurs d’asile.

L’interdiction, une mesure inefficace

Etant donné ces conditions, le marché du travail n’explique en aucun cas l’attractivité de la Suisse sur les réfugiés. L’expérience l’a d’ailleurs montré.

En septembre 1999, suite à la crise du Kosovo, est entrée en vigueur une interdiction temporaire de travail d’une durée d’un an pour les requérants arrivés après août 1999. Cette mesure, levée un an plus tard, n’a eu que des effets très limités.

En effet, le taux d’occupation au cours de leur première année en Suisse n’est de toute façon que de 4%. Pas encore adaptés à l’environnement helvétique, les réfugiés peinent en effet à trouver un emploi.

Leur taux d’occupation progresse ensuite au fil de leur intégration. Il grimpe à 23% entre un et deux ans de séjours, à 38% après quatre ans et se fixe à 83% pour les personnes présentes depuis plus de cinq ans.

Du coup, interdire aux réfugiés de travailler durant leur première année de présence constitue une mesure presque totalement inefficace.

Un travail profitable à tous

Même si elle est modeste, la présence des réfugiés dans le monde du travail est utile à tout le monde. Aux réfugiés d’abord, qui peuvent ainsi bénéficier d’une meilleure intégration sociale et linguistique.

Ensuite, aux secteurs économiques qui manquent de bras pour les tâches peu qualifiées et peu rémunérées. Un tiers des entreprises interrogées considère d’ailleurs cette main-d’œuvre comme irremplaçable.

Enfin, les autorités auraient tout à perdre avec une interdiction totale de travail. Selon l’étude, les quelque 15 000 emplois ainsi supprimés grèveraient fortement les budgets d’assistance de la Confédération et des cantons. La facture pourrait atteindre 400 millions par an.

Finalement, cette étude lève pour la première fois le voile sur la problématique du travail des personnes réfugiées en Suisse. En livrant des affirmations objectives, «cette analyse va sans doute contribuer à réduire l’émotion attachée aux discussions dans ce domaine», conclut Jörg Frieden, sous-directeur de l’ODR.

Olivier Pauchard

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