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Les Suisses gardent un œil sur la tragédie grecque

Les Grecs protestent contre leur gouvernement. Reuters

La Suisse est peu exposée dans la crise grecque, mais la perspective d’un «crash» économique complet au pays de l’Olympe inquiète plus d’un observateur. Une nouvelle appréciation du franc suisse est le principal risque.

S’il a obtenu un vote de confiance cette semaine, le premier ministre grec George Papandreou doit faire face à un scrutin encore plus délicat. La semaine prochaine, le Parlement grec devra dire s’il accepte un plan d’austérité de 28 milliards d’euros (34 milliards de francs suisses) sur cinq ans.

Le gouvernement prévoit notamment de couper dans les dépenses, d’augmenter les impôts et de privatiser certains biens. Si ces mesures sont rejetées, l’Union européenne (UE) menace de ne pas verser la prochaine tranche de son plan d’aide, fixé à 110 milliards d’euros au total (133 milliards de francs suisses). La Grèce devrait alors trouver elle-même 12 milliards d’euros pour rembourser des dettes à court terme jusqu’à mi-juillet.

En cas de débâcle, la Suisse ne serait que faiblement touchée. La Grèce n’est en effet que le 26e pays d’exportation de l’industrie helvète, pour un montant total de 1,3 milliard de francs, tandis que les importations se limitent à un montant de 222 millions de francs (2010).

Répercussions

Les instituts financiers suisses sont aussi peu exposés dans la dette grecque. Les banques ont déjà diminué leurs parts dans les dettes grecques, irlandaises, espagnoles, portugaises et italiennes d’un total de 60 milliards de francs en 2009 à 46 milliards en 2010. Il ne reste que deux milliards dans la dette grecque.

L’année dernière, la Suisse a décidé d’augmenter son engagement dans les plans de renflouement accordés par le Fonds monétaire international de 2,5 milliards de francs à 18 milliards. Mais la principale crainte de la Suisse – comme de tous les autres pays – concerne les possibles répercussions d’une banqueroute grecque sur l’économie européenne et globale.

L’économie d’exportation suisse s’en trouverait assurément affectée puisque le franc suisse, valeur refuge, continuerait à s’apprécier, explique Alessandro Bee, économiste de la Banque Sarasin, interrogé par swissinfo.ch. «Le plus grand risque dans la dette grecque consiste en un gonflement du franc suisse, empêchant les exportateurs de rester compétitifs. Le pire serait qu’il atteigne la parité avec l’euro. Dans ce cas, l’industrie d’exportation pourrait s’effondrer», ajoute-t-il.

Autres marchés touchés

La récente reprise des ventes suisses à l’étranger est fortement liée au regain de l’économie allemande, l’Allemagne étant le plus important partenaire économique de la Suisse. Si la participation – massive – allemande dans le plan de remboursement de la dette grecque se révélait perdue, «l’économie suisse en subirait les conséquences de plein fouet», précise Alessandro Bee.

Une faillite de l’Etat grec bouleverserait aussi le système bancaire européen. Les Grecs ont retiré 30 milliards d’euros (36 milliards de francs suisses) de leurs comptes bancaires en 2010. Le mouvement de retrait se poursuit au rythme de 1,5 milliard à 2 milliards d’euros par mois.

Craintes de la BNS

Si l’UE ne verse pas sa prochaine tranche d’aide, les épargnants risquent de se ruer dans leurs banques pour retirer leurs biens. La Banque nationale suisse (BNS) a déclaré la semaine dernière être inquiète des possibles répercussions d’une faillite grecque sur les participations indirectes des deux grandes banques suisses, UBS et Credit Suisse.

La BNS reconnaît que les deux banques ont commencé à renforcer leurs protections, mais elle considère avec crainte l’augmentation des investissements risqués qu’elles ont lancés. «Le risque du crédit et du marché, amplifié par de potentiels effets de contagion de la crise de la dette étatique, à des régions européennes périphériques, constituerait le plus important danger», lit-on dans le rapport sur la stabilité financière de la BNS.

«Dans ce cas de figure, les pertes pourraient être substantielles», ajoute le rapport. En d’autres termes, une débâcle grecque se propageant à d’autres pays luttant pour leur survie financière déclasserait probablement le crédit dans d’autres zones géographiques.

Selon la BNS, UBS et CS manquent actuellement de capitaux à notation supérieure susceptibles d’absorber de fortes pertes. Du côté des banques, outre le fait de n’être que faiblement exposées dans la dette grecque, on insiste sur les efforts fournis pour améliorer leur bilan ces derniers mois.

Selon UBS, la légère progression des fonds considérés comme risqués dans sa comptabilité est à mettre sur le compte de la reprise sur le marché des crédits depuis le début de l’année. La banque dit continuer à envisager de nombreux scénarios à risques, y compris une faillite étatique.

Indépendance

La BNS ne sortirait pas non plus indemne d’une dépréciation de l’euro par une faillite grecque. La banque centrale suisse a massivement augmenté ses parts en euros ces deux dernières années pour tenter de stopper l’appréciation du franc suisse.

Ses interventions ont provoqué une perte de 26 milliards d’euros (31 milliards de francs suisses) en 2010 sur ses positions en monnaies étrangères. Si l’euro continue à se déprécier, cette perte augmentera.

Sous pression, la BNS et Philipp Hildebrand, président de la Direction générale, ont réaffirmé leur stratégie mardi à Zurich: la Banque nationale «continuera à l’avenir, à utiliser les instruments qu’elle juge les plus appropriés et nécessaires pour remplir son mandat au service de tout le pays, du mieux qu’elle peut», a déclaré le président. Et d’ajouter, que la BNS doit pouvoir continuer à  exercer son indépendance sans que celle-ci soit remise en question.

L’économie grecque a commencé à chanceler avec la crise financière de 2008. Très vite, c’est toute la structure étatique qui s’est mise à trembler.

Les problèmes grecs ont – pour la majorité des spécialistes – été provoqués par un manque de gouvernance et par un système fiscal grossièrement inefficace. De plus, une comptabilité erronée faisait apparaître un meilleur bilan financier qu’il n’était en réalité.

Incapable de faire face à ses obligations, la Grèce s’est, à contrecœur, tournée vers l’Union européenne. Au printemps 2010, l’UE a accepté un plan d’aide de 110 milliards d’euros (133 milliards de francs) pour renflouer la Grèce.

En 2010, l’UE et le Fonds monétaire international (FMI) ont encore injecté 750 milliards d’euros (908 milliards de francs) dans un fonds de stabilité destiné à aider plusieurs pays, dont la Grèce, l’Irlande, le Portugal, l’Espagne et l’Italie.

Le chef du gouvernement grec George Papandreou a été obligé de signer un plan d’austérité portant sur un montant de 28 milliards de francs, en échange de l’aide européenne. Le Parlement grec doit se prononcer la semaine prochaine.

La Grèce a impérativement besoin de l’aide européenne pour payer des dettes à court terme le mois prochain. Le plan d’austérité est également la condition à l’octroi d’un prêt supplémentaire de l’UE, décidé dimanche dernier, d’un montant de 120 milliards d’euros. Il est censé garder la Grèce «à flots» jusqu’en 2014.

Traduction de l’anglais: Ariane Gigon

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