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Les Suisses sévères face aux délinquants étrangers

La mort de Damiano, battu à mort à Locarno, a suscité beaucoup d'émotion. Keystone

Les jeunes étrangers coupables de graves violences doivent être expulsés, estiment 69% des personnes sondées pour une enquête publiée dans trois journaux suisses du dimanche.

Le sondage a été effectué après la mort d’un Tessinois de 22 ans, tabassé le week-end dernier au carnaval de Locarno par trois jeunes d’origine croate.

Publiée dimanche dans Le Matin Dimanche, le SonntagsBlick et Il Caffe, l’enquête de l’institut Demoscope a été réalisée auprès de 913 personnes par téléphone mercredi et jeudi.

Soit quelques jours après le meurtre d’un étudiant tessinois par trois jeunes originaires des Balkans, dont deux ont le passeport suisse, dans la nuit du 1er au 2 février au carnaval de Locarno.

Agés de 19 à 21 ans, les agresseurs sont majeurs mais, dans ce débat très émotionnel, seul prime l’impact d’un fait divers violent impliquant une fois de plus des jeunes balkaniques.

Suisses Allemands plus sévères

Une majorité de plus de deux tiers des sondés se montre donc très sévère à l’endroit des jeunes étrangers commettant des délits graves et se prononce pour leur expulsion.

Seuls 26% des sondés s’opposent à l’expulsion et 5% sont indécis sur la question. A noter que la Suisse allemande est plus acquise au renvoi (72%) que la Suisse romande (60%).

Au Tessin, la mesure compte 67% de partisans. Aucune différence n’apparaît en revanche entre sondés d’origine étrangère et sondés d’origine suisse.

La punition ne suffit pas à elle seule: 50% des personnes interrogées plaident pour l’éducation des jeunes alors qu’elles ne sont que 23% à réclamer des peines plus sévères. Une sur cinq (21%) voudrait que les parents soient également punis.

Pas de paranoïa

«Je suis surpris par la dureté des réponses et l’image plutôt négative que se font les sondés de la jeunesse étrangère en Suisse», indique Werner Reinmann, responsable de l’Institut Démoscope qui a réalisé le sondage.

Mais la population ne cède pas pour autant à la paranoïa: 22% des sondés se sentent très en sécurité quand ils sortent le soir et 51% moyennement. Seuls 3% ne se sentent pas du tout en sécurité. Hommes et femmes ne sont pas égaux sur le sujet: 34% des femmes se sentent plutôt ou pas du tout en sécurité, ce qui n’est le cas que de 13% d’hommes.

Le sentiment de sécurité reste par ailleurs stable. La crainte de se faire agresser n’a progressé ces cinq dernières années que chez 36% des gens, le plus au Tessin (46%).

La confiance dans la police est modérée. 59% des personnes interrogées estiment que la police est en mesure d’assurer l’ordre public, 30% jugent que non et 11% ne savent pas.

La marge d’erreur du sondage se situe à plus ou moins 3,3%.

Soutien aux mesures éducatives

Dans l’ensemble, le sondage fait apparaître une forte exigence vers plus de sévérité à l’égard des jeunes délinquants étrangers, avec toutefois un fort soutien aux mesures éducatives.

Pour sa part, l’évêque de Lugano, Pier Giacomo Grampa, interviewé par la «SonntagsZeitung» suite au meurtre du week-end dernier, estime que l’Eglise, elle aussi, a démissionné par le fait qu’elle ne fait plus que gérer la foi et les cultes.

Il faut, selon l’évêque, que l’Eglise aille à nouveau à la rencontre des gens, en particulier des jeunes. Dans le cas des trois meurtriers de Locarno, l’évêque demande une punition exemplaire. Il leur rendra visite pendant leur détention pour leur faire prendre conscience de leur acte.

Nouvelles mesures

Les nationalistes de l’Union démocratique du centre (UDC) s’apprêtent à déposer une initiative populaire, dite du «mouton noir», proposant le renvoi des criminels étrangers. Un renvoi qui deviendrait automatique pour plusieurs délits qu’il faudrait inscrire dans la Constitution fédérale.

Et pourtant, l’Office fédéral des migrations a pris récemment des mesures systématisant le renvoi des criminels étrangers, une fois leur peine purgée en Suisse. En vertu de la nouvelle loi sur les étrangers, les cantons sont poussés par Berne à appliquer ces directives.

De son côté, le monde politique en général soutient les expulsions. Mais il se montre plus divisé en ce qui concerne les délinquants mineurs, difficiles à renvoyer sans leurs parents.

Enfin l’UDC propose de retirer le passeport suisse aux jeunes naturalisés coupables d’actes graves. Actuellement, le droit suisse le prévoit uniquement pour quiconque a caché de graves délits pendant la procédure de naturalisation.

D’après la statistique des jugements pénaux des mineurs, environ 13’000 mineurs (sur 945’000 7-17 ans) ont été enregistrés en 2004, dont 4000 ressortissants étrangers titulaires d’une autorisation de séjour.

4% des jugements ont été rendus pour des actes de violence, 45% pour des délits contre le patrimoine et 36% pour infractions à la loi sur les stupéfiants.

Le pourcentage de jugements contre des mineurs étrangers est presque deux fois plus élevé que celui relatif aux mineurs suisses (2 contre 1%).

Jeudi, le Tribunal fédéral a confirmé une décision de la justice lucernoise sur l’expulsion d’un homme originaire de Bosnie-Herzégovine qui avait poignardé et grièvement blessé deux personnes en 2001.

En mai 2005, la Cour suprême du canton de Lucerne l’a condamné à trois ans et demi de réclusion ainsi qu’à l’expulsion du pays durant huit ans.

En mai 2006, l’Office des migrations lucernois a ordonné une expulsion à durée indéterminée, verdict ainsi confirmé par les juges de Mon-Repos.

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