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Lichens et libellules en danger

Outre les pierres, le lichen loge volontiers sur les vieilles souches d'arbres. topcities.com

L'Office fédéral de l'environnement tire la sonnette d'alarme. En Suisse, deux nouvelles familles d'espèces sont menacées: les lichens et les libellules.

Les causes de ce déclin sont multiples. L’activité humaine est particulièrement montrée du doigt.

Pour une espèce animale ou végétale, être inscrit sur les listes rouges de l’Office fédéral de l’environnement, des forêts et du paysage (OFEFP) équivaut à un triste privilège.

Depuis mercredi, les lichens et les libellules font partie des plus de 3000 espèces menacées ou potentiellement menacées recensées par les spécialistes fédéraux.

Sur la base de prélèvements d’échantillons effectués dans tout le pays, l’OFEFP et ses partenaires constatent que 44% des lichens poussant sur l’écorce des arbres et 24% de ceux qui recouvrent les roches, le sol et les toits sont menacés.

Les libellules ne sont guère mieux loties, puisque 36% d’entre elles sont en régression ou en voie d’extinction.

«Et encore, ces chiffres ne disent pas tout, avertit Francis Cordillot, de la division Nature et Paysage de l’OFEFP. En réalité, si nous ne faisons rien, ce sont la moitié des lichens et des libellules de Suisse qui vont disparaître.»

La plante qui pousse avant toutes les autres

Plante primitive s’il en est, le lichen est un curieux mélange d’une algue et d’un champignon vivant en symbiose, capable de pousser à peu près n’importe où.

«C’est une plante qui joue les pionnières pour végétaliser une surface minérale, explique Francis Cordillot. Elles s’incruste sur les rochers ou sur le gravier et prépare le terrain pour que les plantes vivaces puissent y prendre racine.»

Si le lichen aime les climats extrêmes du Grand Nord, il pousse également volontiers en Suisse, sur l’écorce des vieux arbres, sur les rochers, sur les cailloux ou sur les toits.

Outre sa fonction de «préparateur des sols», il sert également de nourriture à certaines espèces animales. Si le renne de la toundra en fait volontiers son ordinaire au plus fort de l’hiver, sous nos latitudes, ce sont essentiellement des insectes qui mangent du lichen.

Des engrais qui tombent du ciel

Hélas, les habitats naturels du lichen tendent de plus en plus à disparaître. C’est le cas des prairies sèches, mais également des arbres morts. Pour enrayer ce déclin, l’OFEFP prône une exploitation forestière et agricole plus respectueuse des milieux naturels.

Le lichen souffre également de l’abondance des engrais utilisés dans l’agriculture. Et ceci même lorsqu’il pousse dans les endroits les plus reculés des Alpes, où il reçoit ces éléments nutritifs directement du ciel.

La pluie contient en effet de plus en plus de composés azotés, issus des champs traités au purin ou aux fumures. Or, non seulement le lichen n’a pas besoin de ces engrais, mais en plus, ils favorisent la croissance d’autres plantes qui lui font concurrence.

De plus, les lichens sont particulièrement sensibles à la pollution atmosphérique. Au point même que l’OFEFP considère leur état de santé comme «un bon indicateur de la qualité de l’environnement.»

La libellule a du plomb dans l’aile

Autre famille d’espèces menacées en Suisse, celle des libellules – bien que son sort ne soit en rien lié à celui des lichens.

Ici, l’OFEFP s’inquiète de voir qu’outre certaines espèces rares, trois espèces communes ont régressé depuis 1994, année de parution de la première liste rouge.

Les causes de ce déclin sont multiples, mais la destruction de l’habitat naturel y joue certainement un rôle central. Ainsi, les larves de certaines espèces ont besoin d’un séjour d’un à trois ans dans une eau propre pour éclore.

Parallèlement à ce recul des libellules indigènes, on assiste à l’arrivée de nouvelles espèces, d’origine méditerranéenne. Et celles-ci semblent goûter particulièrement le climat helvétique, puisqu’elles y prospèrent.

Faut-il y voir un effet du réchauffement climatique? Francis Cordillot ne l’exclut pas. «On voit désormais ici des espèces qui normalement ne vivaient qu’au sud des Alpes, note le spécialiste de l’OFEFP. Et il y a probablement un lien avec le réchauffement de la planète.»

swissinfo/Marc-André Miserez

En Suisse, près de 40% des lichens et des libellules sont menacés d’extinction ou ont déjà disparu
Le phénomène touche surtout les zones alpines, les zones agricoles et les zones bâties
Principaux responsables: l’homme et ses activités industrielles, de transport et de loisirs

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