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Lutte contre le nazisme: le courage des protestants de Suisse

Sous le titre «Impossible de se taire», Paul-Émile Dentan publie ces jours-ci de brefs portraits de treize personnalités protestantes de Suisse qui pendant la Seconde Guerre mondiale n´ont pas craint d´afficher leur résistance morale au pouvoir nazi.

Paul-Émile Dentan, un journaliste dont on a pu longtemps lire la signature dans l’ex-Journal de Genève, n’a pas compris pourquoi le rapport de la Commission Bergier sur «La Suisse et les réfugiés à l’époque du national-socialisme» avait si peu fait mention de l’engagement des chrétiens de ce pays. «Je n’y ai trouvé, dit-il, qu’une ligne et demie concernant l’attitude des protestants face au nazisme».

D’où sa décision d’aller lui aussi mettre le nez dans les archives fédérales, cantonales et ecclésiastiques. Et de partir à la recherche de ceux et celles auprès de qui il pouvait recueillir des témoignages – à tous points de vue dignes de foi – sur l’attitude de quelques-unes des grandes figures de la résistance protestante.

Le combat de pionniers tel celui que mena le théologien Karl Barth fut spirituel, dit Paul-Émile Dentan: «Il suscita en Suisse alémanique des vocations, des engagements de chrétiens qui, à l’heure où les autorités fédérales flanchaient, surent protester avec intelligence et pugnacité». En Suisse romande, où la résistance française avait des appuis, les voix protestantes furent toutefois moins nombreuses.

Le livre de Paul-Emile Dentan brosse en fait le portrait de quelques acteurs de la résistance religieuse au nazisme. Il s’ouvre sur une sorte d’hommage justement à Karl Barth, «le premier qui a compris» ce qui se passait et qui très tôt mit en garde les chrétiens contre toute attitude neutre et pacifiste. Il fut notamment le principal rédacteur de la Déclaration de Barmen qui servit de fondement à l’action des protestants allemands engagés contre le pouvoir hitlérien.

«Impossible de se taire», oui, mais impossible aussi de rester les bras croisés. Des protestants suisses ont ainsi choisi diverses formes d’engagement, à l’image de la Genevoise Odette Micheli qui s’investit totalement et bénévolement dans des initiatives humanitaires. Pendant la première partie de la guerre, quelque 60 000 enfants français ont pu grâce à elle faire un séjour de trois mois en Suisse.

Le pasteur Alfons Koechlin, alors président de la Fédération des Eglises protestantes de Suisse, facilita quant à lui une rencontre de son homologue français Marc Boegner avec le conseiller fédéral Eduard von Steiger, lequel, le 22 août 1942, avait ordonné la fermeture de la frontière franco-suisse.

La décision fut prise que les demandeurs d’asile français ne seraient pas refoulés s’ils présentaient un document personnel signé des plus hautes autorités religieuses de France et attestant qu’ils étaient particulièrement menacés. Quelque 800 personnes ont ainsi bénéficié d’un sauf-conduit et ont eu la vie sauve.

De ces treize portraits, Paul-Émile Dentan a retiré la certitude que lorsque quelques personnes décident de s’engager à fond dans un combat aussi important, elles peuvent y arriver: «ce sont des gens qui n’étaient pas du tout préparés à des tâches aussi courageuses, aujourd’hui nous pouvons être fiers de ce qu’ils ont réalisé».

Bernard Weissbrodt

Paul-Émile Dentan, «Impossible de se taire, Des protestants suisses face au nazisme» Editions Labor et Fides.

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