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Les nouvelles pousses de la presse romande

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Aucun des nouveaux médias lancés depuis 2017 n'atteint encore plus de 3% des utilisateurs en ligne, selon le Digital News Report 2018 du Reuters Institute. Eugenio Marongiu

Heidi.news, Micro, Geneva Global Insider: swissinfo.ch est parti à la rencontre des nouveaux médias nés sur les ruines du paysage médiatique romand.

En Suisse comme ailleurs, les médias privés ont subi de fortes pressionsLien externe, entraînant une concentration continue du secteur, avec à la clé des réductions de coûts et d’effectifs. Une tendance particulièrement vive en Suisse romande. Pour combler le vide, plusieurs projets sont en train de voir le jour.

«Nous avons d’énormes ambitions, tout en démarrant très modestement», résume Serge Michel, cofondateur et rédacteur en chef de Heidi.news, un site d’information en ligne qui devrait être lancé fin mars.

«Les titres de la presse romande souffrent d’être dirigés de Zurich ou Berlin par de grands groupes coupés des réalités romandes.»

Après trois ans de gestation, la start-up basée à Genève compte affirmer son ancrage romand «pour raconter en profondeur et en toute indépendance la région et le reste du monde (…) explorer et expliquer le XXIe siècle», annonce le siteLien externe. Car les titres de la presse romande «souffrent d’être dirigés de Zurich ou Berlin par de grands groupes coupés des réalités romandes», estime Heidi News.

«Il est important en effet d’avoir des racines», explique Serge Michel, qui revendique pour le journalisme la même exigence de qualité des autres produits de pointe du pays destinés à l’exportation. Heidi.newsLien externe espère trouver son lectorat, y compris hors des frontières du pays.

Serge Michel, co-founder and chief editor of Heidi News
Serge Michel, co-fondateur et rédacteur-en-chef de Heidi. news ©2018 Nicolas.lieber@nicolaslieber.ch

Un flux après l’autre

Heidi.news se concentrera initialement sur la santé et les sciences, en s’appuyant sur l’expertise académique et pratique de la région, que ce soient les hôpitaux universitaires, le monde académique ou les centres de recherches. Un contenu qui sera également nourri par des journalistes indépendants basés à Hong Kong, Tel Aviv ou Boston.

Tous les six mois, le site déploiera une nouvelle thématique (un flux, selon la terminologie maison) telle que la finance, la culture ou l’éducation. Heidi.news publiera aussi chaque mois un reportage au long court, décliné en épisodes sur le site, imprimé sous la forme d’un magazine et conclu par une conférence publique sur le sujet.

«Nous sommes un média évolutif et modulaire. Nous voulons lancer six flux en trois ans, chacun apportant de nouveaux membres et de nouvelles communautés», précise Serge Michel.

Le casse-tête du financement

Heidi.news rejoint plusieurs autres médias en ligne lancés ces derniers temps en Suisse, dont Sept.InfoLien externe , Watson et plus récemment Republik, Bon pour la têteLien externe et l’AntipresseLien externe. Mais la question du financementLien externe reste un casse-tête.

Chercheur à l’université de Zurich, Linards UdrisLien externe relève que les jeunes médias en ligne investissent des niches en pensant qu’elles ont de meilleures chances de succès que les médias traditionnels. Mais elles «ne doivent pas sous-estimer les coûts de démarrage, que ce soit dans l’informatique ou le marketing».

Le site Republik a été lancé le 1er janvier 2018 à Zurich, grâce à une levée de fonds de 3 millions de francs suisses par financement participatif. Un an après, le site compte 22’000 abonnés, alors que 27’000 seraient nécessaires pour couvrir un budget de 6,5 millions de francs. L’objectif du moment est, lui, d’assurer le renouvellement des abonnements.

Lancé à la suite de la fermeture du magazine L’Hebdo, le site Bon pour la tête tourne avec un budget serré et plusieurs bénévoles.

Quant à Heidi.news, il a levé un million de francs de fonds de démarrage auprès d’investisseurs privés. Il espère convaincre 2000 personnes à s’abonner d’ici fin mars, 900 ayant déjà franchi le pas.

Serge Michel admet que la collecte de fonds au cours des 18 derniers mois a été difficile: «En Suisse, les entrepreneurs à succès rêvent rarement de posséder un média.»

Nouvelles locales autour d’un café

Un défi que compte aussi relever une équipe de journalistes du journal Le Matin qui a abandonné sa parution quotidienne l’été dernier. Ils viennent d’annoncer le lancement d’un nouveau titre, MicroLien externe, dédié à l’actualité locale et distribué trois fois par semaine dans des cafés et restaurants en Suisse romande. Micro sera aussi disponible en ligne et par abonnement.

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L’idée d’un titre «populaire, indépendant et participatif» est venue après avoir parlé à des propriétaires de café et à des lecteurs qui veulent toujours lire des informations locales bien documentées sous forme imprimée et autour du café matinal. L’équipe de Micro veut développer une communauté, en organisant par exemple des séances de rédaction dans les bistrots de Suisse romande.

Micro annonce disposer de 90’000 francs par financement participatif, l’objectif étant d’atteindre les 250’000 pour garantir son édition jusqu’à la fin de l’année. Le premier numéro est prévu pour le mois de mai.

Micro se veut complémentaire de ce qui existe déjà pour l’information locale, selon Fabien Feissli, l’un des deux journalistes du média constitué en association et qui compte aussi 15 membres fondateurs et un graphiste.

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A la hauteur de la Genève internationale

Si tout se passe bien, une autre plate-forme d’informations en ligne pourrait voir le jour dans les prochains mois. Geneva Global InsiderLien externe veut offrir une couverture indépendante et percutante de la Genève internationale.

«Genève a un rôle et une influence dans le monde entier, mais ne dispose pas d’un média qui couvre spécifiquement ce champ d’activité. Notre ambition est d’être un média local ayant une portée internationale.»

Ancien directeur de l’information de la Télévision suisse romande (aujourd’hui RTS), Philippe Mottaz est convaincu de la nécessité d’un média financé par son lectorat pour donner la pleine mesure des activités diplomatiques et internationales qui se déroulent à Genève.

«Nous essayons fondamentalement d’offrir à la Genève internationale – diplomatique et privée – la visibilité qui lui fait encore défaut, plaide Philippe Mottaz. C’est un phénomène étrange. Genève a un rôle et une influence dans le monde entier, mais ne dispose pas d’un média qui couvre spécifiquement ce champ d’activité. Notre ambition est d’être un média local ayant une portée internationale.»

Pour l’heure, le projet est encore en gestation. Philippe Mottaz et sa petite équipe testent la viabilité du projet via des groupes de discussions. Une décision sera prise à la fin du mois de mai. Si le projet va de l’avant, une «ambitieuse campagne de financement participatif» et de recrutement sera lancée afin d’être opérationnel à la fin de 2019 ou au début de 2020.

«Le financement est un défi énorme lorsque vous essayez de réinventer ou redéfinir le modèle d’affaire des médias détruits par la disruption numérique», souligne Philippe Mottaz.

Ce dernier est bien conscient de se lancer dans une entreprise risquée: «Elle ne verra peut-être pas le jour, mais l’inaction n’est pas de mise. Car le journalisme n’est pas en déclin, mais en mutation. Et nous voulons faire partie de cette transformation.»

Adapté de l’anglais par Frédéric Burnand

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