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Médecins sans frontières interpelle la Suisse

MSF participe à la distribution de médicaments dans des pays comme l'Afghanistan. Keystone

Pour Médecins Sans Frontières (MSF), la question de l'accès aux médicaments dans les pays pauvres est absente des débats politiques en Suisse. Ou presque.

L’ONG a remis jeudi au gouvernement un appel qui demande à la Suisse de se doter d’une réelle politique en la matière.

Jeudi, les dirigeants de MSF Suisse ont fait le déplacement de Berne pour remettre au Gouvernement un appel muni de 9000 signatures.

Ce document demande que l’on prenne des mesures concrètes pour favoriser l’accès aux médicaments dans les pays pauvres.

«Nous avons lancé cette pétition en mai 2001, explique Michel Clerc. Il a fallu pas mal de temps pour récolter les signatures.»

Selon le chargé de communication de MSF Suisse, il a fallu en effet expliquer la problématique en détail à chaque signataire.

«Il ne s’agit pas d’une pétition générique ou idéaliste, souligne Michel Clerc, mais d’un appel documenté.»

Une volonté politique globale

Parallèlement à cette récolte de signatures, MSF a rencontré plusieurs responsables de l’administration fédérale.

En l’occurrence, ceux du Secrétariat d’Etat à l’économie, de l’Office de la santé publique, du Groupement pour la science et la recherche, de la Direction du développement et de la coopération.

«Certes, souligne Michel Clerc, nous avons rencontré des gens très conscients du problème. Mieux qui semblent bien décidés à l’empoigner.»

«Mais, ajoute-t-il, il manque encore une véritable volonté politique globale.»

Raison pour laquelle Médecins Sans Frontières demande la création d’une cellule centrale chargée de la problématique de l’accès aux médicaments.

Thomas Linde estime que «le manque de cohérence et l’absence de mesures concrètes pour favoriser l’accès à la santé et aux médicaments dans les pays en développement est indigne de la Suisse.»

Et le directeur général de MSF Suisse d’insister sur l’urgence de la situation.

En effet, les maladies infectieuses comme le sida, la tuberculose ou le paludisme tuent, chaque année, 14 millions de personnes dans le monde.

Et plus de 95% de ces morts sont enregistrées dans les pays en développement, rappelle MSF.

30% de financement public

Selon les chiffres fournis par MSF, dans le domaine de la santé, au niveau mondial, la recherche et le développement sont financés à 50% par le secteur public.

Le privé prend 42% à sa charge. Les 8% restants sont fournis par des fondations à but non lucratif.

«Pour la Suisse, regrette la responsable du projet ‘Accès aux médicaments’ chez MSF, nous n’avons pas de chiffres par secteur.»

«Ce que nous savons, dit Leïla Kramis c’est que, tous domaines confondus, le financement de la recherche est assuré à 70% par le secteur privé et à 30% seulement par le public.»

Reste à savoir si, dans ces conditions, l’ONG frappe bel et bien à la bonne porte en remettant sa pétition au gouvernement.

«Nous faisons également pression sur l’industrie pharmaceutique, par des actions ponctuelles», rappelle Leïla Kramis.

«Mais, ajoute-t-elle, nous nous heurtons à un tel manque d’intérêt qu’il faut bien essayer de passer également par le secteur public.»

L’engagement de la Suisse

Le chef des négociateurs suisses auprès de l’OMC tient à nuancer l’image d’une Confédération helvéltique qui ne défendrait que les intérêts de son puissant secteur pharmaceutique.

«Certes, admet Luzius Wasecha, l’industrie pharmaceutique est une priorité de notre politique économique extérieure.»

«Mais, rappelle l’ambassadeur, nous avons aussi présenté des propositions à l’Organisation mondiale du commerce sur l’accès des pays pauvres aux médicaments.»

Par exemple, certains pays africains continuent de frapper les médicaments d’une lourde taxe (30%) à l’importation.

Pourtant, dans le même temps, ce mêmes pays doivent faire face à de gros problèmes de santé publique.

Une pratique complètement aberrante contre laquelle la Suisse s’est battue.

«Il n’y a aucun intérêt à tenter de convaincre les producteurs de médicaments de baisser leurs prix, souligne Luzius Wasecha, tant que ces taxes les maintiennent artificiellement hauts.»

Convaincre les pharmaceutiques

«Les pays pauvres ont un urgent besoin de médicaments bon marchés», admet l’ambassadeur.

Et d’ajouter. «Nous devons convaincre l’industrie d’utiliser une partie de ses ressources pour la lutte contre les maladies tropicales».

Et là, Luzius Wasecha se veut optimiste. Plusieurs groupes ont ouvert des centres de recherche à l’étranger, rappelle-t-il, pour se pencher sur des fléaux tels que la malaria notamment.

L’ambassadeur suisse à l’OMC y voit «une volonté incontestable de faire bouger les choses».

swissinfo, Marc-André Miserez

– Les maladies infectieuses comme le sida, la tuberculose ou la malaria tuent chaque année 14 millions de personnes dans le monde, dont 95% dans les pays du Sud.

– En 2001, les compagnies pharmaceutiques suisses ont exporté des médicaments pour 28 milliards de francs.

– Ces exportations partent majoritairement vers les Etats-Unis (50%), vers l’Europe (20%) et vers le Japon (20%).

– 10% seulement de ces médicaments sont vendus dans le reste du monde, pays en voie de développement compris.

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