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Une alliance suisse contre les géants américains du web

Face à l'emprise toujours plus importante de Google et Facebook sur la publicité en ligne, trois entreprises suisses lancent la contre-offensive. RDB

Le deuxième groupe de presse du pays (Ringier), le service audiovisuel public (SSR) et le numéro un des télécommunications (Swisscom) ont décidé de regrouper leurs forces dans le domaine de la publicité. Objectif annoncé: contrer la puissance de Google et Facebook, qui se partagent à eux deux près de la moitié du marché des annonces en ligne en Suisse.

La commercialisation des offres de médias et des plateformes publicitaires de RingierLien externe, de la SSRLien externe, maison-mère de swissinfo.ch, et de SwisscomLien externe sera regroupée au sein d’une nouvelle société commune, ont annoncé lundi les entreprises concernées dans un communiqué commun.Lien externe Cette fusion donnera naissance à la plus grande régie publicitaire de Suisse.

«A travers ce partenariat, nous voulons proposer aux entreprises opérant sur le plan global une alternative suisse puissante, développer de nouvelles formes de publicité innovantes, renforcer le marché publicitaire suisse et ainsi préserver la création de valeur en Suisse», a indiqué Marc Walder, directeur de l’entreprise de médias Ringier. «N’oublions pas qu’à eux seuls, Google et Facebook ont concentré l’an dernier près de 50% des parts du marché du secteur de la publicité numérique en Suisse», a-t-il ajouté.

Face au virage numérique et à la montée en puissance des géants du web américain, «il est indispensable que des acteurs suisses disposant des compétences technologiques et d’un accès exclusif aux contenus médias collaborent plus étroitement», a quant à lui indiqué Martin Schneider, directeur de publisuisse, la régie publicitaire de la SSR.

L’union fait la force

Ce regroupement vise à créer une organisation de commercialisation «puissante et évolutive» qu’aucun des trois partenaires ne pourraient offrir en solitaire. C’est la place médiatique suisse dans son ensemble qui devrait en sortir renforcée, estiment les trois partenaires, «puisque les annonceurs pourront toucher aisément, rapidement, efficacement et de manière mesurable n’importe quel groupe cible en Suisse».

L’accès au très convoité marché de la publicité en ligne restera toutefois exclusivement réservé aux acteurs du privé. Les sites de la SSR resteront vierges de toute annonce commerciale. «La création de cette nouvelle régie publicitaire ne change rien aux conditions en vigueur», souligne Martin Schneider.

Les trois entreprises participeront à parts égales à la nouvelle société anonyme. Les détails financiers de l’opération n’ont pas été révélés, mais aucune suppression d’emploi n’est prévue à ce jour. Le nom de la joint-venture, qui comptera 290 collaborateurs, n’a pas encore été défini. Elle sera dirigée par Martin Schneider, l’actuel directeur général de publisuisse. Marc Walder, directeur de Ringier, prend quant à lui la tête du conseil d’administration.

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Rapprochement salué

Les services de l’entreprise seront ouverts à tous les annonceurs, agences et autres prestataires de l’inventaire publicitaire. «Nous ne sommes pas un club fermé», a déclaré Marc Walder lors d’une conférence téléphonique. Les autres éditeurs ont réagi positivement à cette nouvelle offre, a-t-il affirmé. Ils ont montré de la compréhension pour cette alliance.

Dans le même temps, ils ont manifesté leur intérêt quant à une éventuelle collaboration, a ajouté le directeur général de Ringier. Pour l’association des éditeurs alémaniques Schweizer Medien, l’interdiction de la publicité en ligne pour la SSR doit absolument être maintenue. «Ce point reste central», a indiqué à l’ats son président Hanspeter Lebrument.

Tamedia se montre en revanche moins intéressé. «Nous poursuivons notre propre système de commercialisation dans le domaine numérique. Cette collaboration n’a pas d’incidence directe sur notre stratégie», a indiqué le porte-parole du premier groupe de médias helvétique Christoph Zimmer.

Un exemple à suivre

Le syndicat suisse des mass media (SSM)Lien externe a également salué dans un communiqué le rapprochement entre Swisscom, Ringier et la SSR. Ce partenariat constitue une chance de ralentir voire de stopper l’hémorragie des dépenses publicitaires vers l’étranger, ce qui sera bénéfique à l’économie et au journalisme suisse.

D’un point de médiatique, le syndicat note que la SSR et Ringier, jusqu’ici adversaires irréconciliables, sont parvenus à trouver un terrain d’entente. Cette approche coopérative entre le secteur public et le privé pourrait très bien être suivie par d’autres éditeurs, estime le SSM.

SyndicomLien externe se montre pour sa part plus sceptique. Le syndicat de la branche des médias et de la communication doute que ce projet puisse endiguer la progression des moteurs de recherche et des médias sociaux. Le danger existe en outre que les petits médias suisses éprouvent encore plus de difficultés à générer des recettes publicitaires, estime Syndicom.

L’Action liberté de la presse, marquée à droite, est encore plus critique. Elle juge la participation de la SSR et de Swisscom particulièrement problématique. Entreprises contrôlées par l’Etat, ces dernières remplissent un mandat public et il n’est dès lors pas admissible qu’elles investissent des secteurs déjà aux mains de privés. Avant toute chose, il faudrait une définition claire du service public, a indiqué dans un communiqué cette organisation présidée par Natalie Rickli, membre de la direction de Goldbach Media, agence elle-même active dans la vente d’espaces publicitaires pour des radios et TV privées.

L’Office fédéral de la communication (OFCOM) et la Commission de la concurrence (COMCO) doivent encore donner leur feu vert à la création de la société, dont les activités devraient démarrer au premier trimestre 2016. 

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