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Max Bill continue à diviser le public

«Horizontal-vertikal-diagonal-rhythmus», signé Max Bill, 1943. max, binia + jakob bill stiftung, adligenswil

Le Zurichois Max Bill, théoricien de l'art concret, est à l'honneur dans deux musées de Winterthour, sa ville natale.

En soixante ans d’une création foisonnante dans tous les domaines, il a marqué l’art, mais sans vraiment fasciner.

Le Musée des beaux-arts de Winterthour a-t-il pris un risque en programmant une grande exposition Max Bill pour le 100e anniversaire de la naissance de l’artiste? En 1990, quatre ans avant sa mort, celui-ci avait refusé une proposition identique du directeur du musée, Dieter Schwarz, qui venait de prendre ses fonctions.

La dernière grande exposition suisse du théoricien radical de l’art concret date de 1983, à Zurich. Depuis, c’est à l’étranger qu’il a fallu aller pour voir Max Bill, par exemple à Stuttgart en 2005.

«J’espère avoir choisi le bon moment», a déclaré, confiant, Dieter Schwarz, toujours à la tête du Kunstmuseum, lors du vernissage. Si, en Suisse romande, Max Bill est largement oublié, il l’est moins en Suisse alémanique, de par la présence de ses sculptures dans l’espace public.

Mais, même outre-Sarine, comme le rappelait le critique de la «NZZ am Sonntag», il a traumatisé des générations d’écoliers à qui les profs de dessin imposaient… des lignes, des courbes et des surfaces à colorer!

Designer et conseiller national

Pourtant, ce touche-à-tout brillant, prolifique et, dit-on, autoritaire, a vraisemblablement influencé plus d’artistes et plus de domaines artistiques que n’importe quel autre créateur de son époque. Alors qu’il n’avait aucun diplôme en poche, il a tout fait, véritable homo universalis comme le 20e siècle pouvait encore en produire.

Outre les arts visuels, Max Bill a en effet été architecte, designer et graphiste, ce volet étant traité dans une deuxième exposition au Gewerbemuseum de Winterthour.

Sans compter la politique: membre de l’Alliance des Indépendants, le Zurichois a été élu à la Chambre basse du Parlement fédéral (1967-1971).

Un art «concret»

Sur le plan artistique, l’art concret a fait date, même si, aujourd’hui, il «date». Rupture logique et vraisemblablement nécessaire dans l’histoire de l’art, il en représente un moment-clé de par son intransigeance, sa superposition avec des grandes dates de l’histoire et de l’histoire industrielle (techniciens et artistes côte à côte au Bauhaus).

Selon la célèbre définition de Max Bill (1936), «la composition concrète est celle qui se développe de ses propres moyens et de ses propres règles sans avoir besoin de s’appuyer sur des apparitions naturelles ou sur leur transformation, c’est-à-dire sur l’abstraction».

«La création optique, poursuivait-il, se base donc sur la couleur, la forme, l’espace, la lumière, le mouvement.» L’exposition du Musée des beaux-arts de Winterthour permet d’appréhender toutes les époques d’une recherche qui se veut systématique.

Elle permet aussi, comme le soulignait Dieter Schwarz, de voir que cet extrême rationalisme n’échappe pas toujours à une certaine «extravagance». La couleur ne suit pas toujours les formes, «organisant de façon raffinée l’harmonie et la disharmonie», dit le directeur du musée.

«Bonne forme»

Dans l’autre exposition que Winterthour consacre à Max Bill, au Gewerbemuseum, l’artiste est présenté sous un autre jour: le Zurichois est ici créateur de «bonne forme», titre donné à un ouvrage et une exposition qu’il a conçue à Bâle en 1949.

Max Bill, qui plaidait pour «l’intégration des arts dans la vie quotidienne» a – entre autres – dessiné des prises électriques, une machine à écrire, des montres, des meubles (le fameux tabouret d’Ulm, «Ulmer hocker»), de la vaisselle, etc.

Il a aussi imaginé des affiches, conçu des publicités – notamment pour un magasin de meubles – et des livres d’art, construit un cinéma, un théâtre (Vidy) et d’innombrables habitations. A découvrir au Gewerbemuseum sous forme de prototypes, d’illustrations ou de maquettes.

swissinfo, Ariane Gigon

Expositions au Kunstmuseum et au Gewerbemuseum de Winterthour, jusqu’au 12 mai 2008.

Prochainement: du 20 novembre 2008 au 1er février 2009, la «Haus Konstruktiv» de Zurich présentera une reconstruction d’une exposition conçue par Max Bill à Sao Paulo en 1955.

1908: naissance de Max Bill à Winterthour.

1927: suit les cours du Bauhaus à Dessau, côtoie Kandinsky, Klee et Moholy-Nagy.

1930: lit les théories de Theo van Doesburg sur l’Art concret. Premiers tableaux.

1932: adhère au mouvement Abstraction-Création.

1936: premier prix pour le pavillon suisse à la Triennale de Milan (à nouveau en 1951). Première version du texte «Art concret» dans le catalogue de l’exposition «Problèmes actuels de la peinture et de la sculpture suissse» au Kunsthaus de Zurich.

1944: crée la revue «abstrakt/konkret» à Zurich et se lance dans le design d’objets de la vie courante. Enseigne à l’Ecole d’arts appliqués de Zurich.

1949: publie un ouvrage sur l’architecte et pionnier du béton armé Robert Maillart. Dessine une chaise et une table à trois pieds (toujours produites aujourd’hui).

1961: est élu au parlement municipal de Zurich pour l’Alliance des Indépendants (1967-1971: chambre basse du Parlement fédéral).

1964: architecte, responsable de l’aménagement, de l’Exposition nationale de Lausanne (Théâtre de Vidy).

Jusqu’en 1994: expositions, commandes et prix honorifiques. Il meurt en 1994.

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