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Mayam, terre de religion et de haine

Antal Nya, «une bête implacable tueuse des cartels de la galaxie». Dargaud

«Les ruines de Dieu», c'est le titre du 3ème tome de «Mayam», signé Koller et Desberg, qui bouclent ainsi le premier cycle de cette série BD.

Une série qui mêle habilement science-fiction, heroic fantasy, aventure et satire religieuse. Le dessinateur romand Daniel Koller répond à swissinfo.

Le Terrien June Lenny est en poste sur la planète Mayam. Bel homme, cynique, passionné par l’argent et les femmes, il a décidé de faire fortune sur cette planète folle, déchirée par les multiples religions, aussi étranges qu’extrémistes, qui la dominent. Un thème, pour le moins, d’actualité.

Un monde tellement avide de religiosité et d’irrationnel que Lenny, bien involontairement d’ailleurs, se voit considéré comme un dieu vivant par un certain nombre de disciples. Ce qui ne l’empêche pas de poursuivre sa quête aux «larmes divines du Dieu Eïam».

En fait, il s’agit d’une vraie chasse au trésor plutôt que d’une quête spirituelle. Une chasse dans laquelle interfère une diabolique et très sexy créature du nom d’Antal Nya.

Le Belge Stephen Desberg est une pointure du scénario. On lui doit par exemple «Le Scorpion» ou «L’Etoile du désert», avec le dessinateur italo-suisse Marini. Pour la série «Mayam», c’est au Romand Daniel Koller qu’il a fait appel.

Daniel Koller qui a brillamment relevé le défi en inventant un univers extraordinaire, fait de rochers vertigineux, de vallées profondes et de déserts, de palais orientaux, de casbahs mystérieuses et de ruines gothiques, le tout habité par des créatures dont la violence est à la hauteur de leurs délires mystiques.

swissinfo: «Les ruines de Dieu» marquent la fin d’un premier cycle. Y en aura-t-il un deuxième?

Daniel Koller: Je suis déjà sur la suite. Un autre cycle de deux tomes, qui sortira sans doute l’année prochaine, ou à la fin de l’année.

swissinfo: Les trois tomes de ce premier cycle ont-ils été conçus dès le départ en un bloc par Desberg, ou l’a-t-il écrit au fil des publications?

D.K.: Desberg a son idée en tête dès le départ. Mais il me donne les scénarios les uns après les autres. Moi, je ne connaissais pas la fin du cycle. Je connaissais les grandes lignes de l’histoire, mais pas le détail.

Ce qui est d’ailleurs plus agréable pour moi: comme ça, je découvre la suite de l’histoire d’une fois à l’autre, comme un lecteur. Je suis le premier lecteur, un an avant les autres. Car dessiner un album me prend un an.

swissinfo: En trois volumes, votre approche graphique des personnages et des décors a-t-elle évolué?

D.K.: Ce qui évolue beaucoup, c’est la qualité du dessin. Sa justesse. L’anatomie des personnages, leurs expressions. Le personnage central se ‘stabilise’. C’est en forgeant qu’on devient forgeron!

swissinfo: Avant le premier album d’une série, idéalement, il faudrait donc faire un numéro zéro!

D.K.: Ce serait l’idéal, oui. Travailler ‘à vide’, et commencer la série quand les personnages sont complètement stables. Mais malheureusement, il y a la contrainte du temps et de l’argent.

swissinfo: La satire religieuse, très présente dans les tomes 1 et 2, tend à se faire discrète dans le tome 3, qui glisse vers la stricte ‘aventure’… Une démarche délibérée?

D.K.: C’est une question qu’il faudrait plutôt poser à Desberg. Dans la mesure où c’est surtout son univers à lui, ses histoires et ses fantasmes. D’ailleurs, on n’en a pas parlé: il me livre ses scénarios de façon assez définitive. Je n’ai pas tellement mon mot à dire.

Mais je crois qu’il y a une volonté d’aller vers la comédie, aussi, qui s’affirme. Pour la suite, ce sera d’ailleurs davantage la comédie que l’aventure même. On y retrouvera donc la satire religieuse.

swissinfo: Les événements contemporains poussent à cette approche, non?

D.K.: Oui, Mayam et la Terre se rapprochent. Avec des courants qui vont dans tous les sens et des gens qui, derrière, tirent les ficelles.

Là, le 3e tome qui boucle la série est une espèce de chasse au trésor, c’est la résolution de l’intrigue, avec une dimension un peu ‘Indiana Jones’. Mais la comédie satirique sera de retour dans le prochain cycle, dans une ambiance plus urbaine.

Il faut dire que Desberg a un rapport particulier à la religion, qu’on retrouve aussi dans la série ‘Le Scorpion’… C’est un élément qui l’intéresse beaucoup.

swissinfo: Vous disiez qu’il vous faut une année pour dessiner un album. Donc pas de possibilité de travailler à autre chose?

D.K .: Non, cela me prend tout mon temps. Et même, j’aimerais pouvoir prendre un an et demi par album pour pouvoir soigner tous les détails. Un an, c’est court.

En fait, pour moi, c’est neuf mois de travail (puisqu’après il y a la fabrication, etc.). Mais à dix heures par jour et sept jours sur sept!

swissinfo: Et dire qu’il y a des gens qui rêvent de devenir dessinateurs…

D.K.: Oui, au départ, je ne pensais pas que cela me prendrait tant de temps. Mais cela dit, j’ai du plaisir à le faire, quand je vois que les choses évoluent, quand le dessin se met vraiment en place. Là, ce n’est pas une contrainte…

Je me rends compte que j’ai un rapport passionnel au dessin. Même plus que ce que je croyais.

Interview swissinfo, Bernard Léchot

– Daniel Koller né en 1963, à Genève. Il est autodidacte dans le domaine du dessin.

– Première publication dans le magazine «A Suivre» vers l’âge de vingt ans, sous le pseudonyme de Bader K. Puis, toujours dans «A Suivre», plusieurs publications sous son nom.

– En 2000, il publie «Honduras» (Les Tribulations de Luc Lafontaine) chez Casterman.

– En 2003 sort «La délégation terrienne», le 1er tome de «Mayam» suivi par «Les larmes du désert» en 2004.

«Les ruines de Dieu» est le 3e et dernier tome de la série «Mayam», publiée chez Dargaud.
Les dessins sont signés par le Genevois Daniel Koller, et le scénario par le Belge Stephen Desberg.
Aventure et critique de la religiosité caractérisent la série.

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