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Medvedev, une victoire non sans ombres

Critiqué comme étant joué d'avance, le scrutin russe ouvre la voie à un tandem au sommet de l'Etat. swissinfo.ch

Le successeur désigné de Vladimir Poutine, Dmitri Medvedev, a remporté une victoire écrasante à l'élection présidentielle de dimanche en Russie.

Des soupçons de manipulation ont été émis par différents observateurs en Russie et à l’étranger. En Suisse, la presse s’interroge également sur cette élection.

A l’issue du scrutin, Vladimir Poutine a déclaré dimanche soir que la victoire de Dmitri Medvedev garantissait la continuité de sa politique. De son côté, le président élu a promis de maintenir le cap tracé par son prédécesseur.

Critiqué comme étant joué d’avance, le scrutin russe ouvre donc, comme prévu, la voie à un tandem au sommet de l’Etat. Face à la perspective de cette situation politique inédite, Dmitri Medvedev a assuré la presse de son pays qu’elle ne serait pas source de tensions.

Vladimir Poutine, futur Premier Ministre, et Dmitri Medvedev procèderont ensemble au remaniement du gouvernement mais la politique étrangère, a assuré le nouveau président, restera du domaine du chef de l’Etat.

«Nous avons confiance l’un en l’autre, c’est probablement le plus important», a souligné Dmitri Medvedev, qui collabore depuis plus de 17 ans avec Poutine, dont il était le successeur désigné.

Joué d’avance

«C’est seulement la cinquième fois dans l’histoire millénaire de la Russie que le dirigeant du pays est élu démocratiquement. Mais jamais encore le choix du peuple n’avait été autant joué d’avance», commente le journal zurichois Neue Zürcher Zeitung (NZZ), résumant le ton des éditoriaux qu’on trouve lundi dans la presse suisse.

Tous relèvent que la stratégie d’adoubement mise au point par Vladimir Poutine a fonctionné comme prévu. Mais le Bund parle d’une «victoire paradoxale». Pour le journal bernois en effet, le caractère démocratique de cette présidentielle est certes sujet à caution, mais Dmitri Medvedev l’aurait emporté également dans une «course électorale conforme aux règles».

Pour sa part, le quotidien alémanique Tages Anzeiger estime que «la journée électorale d’hier donne une mauvaise image du système Poutine» après une élection présidentielle qui «ressemble plutôt à une intronisation».

Pas un despote

Autre sujet évoqué par les commentateurs helvétiques, les contours futurs du pouvoir à la tête de l’Etat russe.

«Avec sa volonté de rester au pouvoir, Poutine a chamboulé les structures institutionnelles. Certains confient qu’aujourd’hui déjà, les bureaucrates du Kremlin ne savent plus à qui ils devront obéir: au président Medvedev ou au Premier Ministre Poutine», souligne plus loin le Tages Anzeiger.

Grand spécialiste de la Russie, le professeur de littérature Georges Nivat fait néanmoins remarquer dans Le Temps que, contrairement à une idée très répandue en Occident, «Poutine n’est pas le maître absolu».

Il rappelle à cet égard que l’ex-chef du Kremlin a non seulement «refusé le culte de la personnalité», mais qu’il a aussi renoncé à «lever le doigt auprès de sa majorité parlementaire pour modifier la Constitution et revendiquer un troisième mandat présidentiel».

Un geste que relève également la NZZ. «Poutine a certes instauré en Russie une façon de gouverner plus fortement inspirée d’un certain ‘tsarisme’. Mais il faut aussi rappeler en sa faveur qu’il a renoncé à manipuler la Constitution et à se faire élire une 3ème fois comme président.»

La Russie, un empire

Sans compter qu’à son bilan figure la stabilisation du pays, comme le mettent en évidence de nombreux journaux helvétiques. Sous sa présidence, «la Russie est devenue plus stable et plus prospère grâce à une centralisation radicale du pouvoir mais aussi grâce aux prix des matières premières en forte augmentation», écrit à ce propos la NZZ.

De fait, le niveau de vie des Russes s’est amélioré sous la présidence de Poutine. Par ailleurs, les caisses de l’Etat regorgent désormais de 150 milliards de pétrodollars, la dette extérieure a été remboursée et la Russie a retrouvé son statut de grande puissance.

Rappelant la popularité de Vladimir Poutine auprès des Russes, Georges Nivat met donc en garde contre une lecture trop occidentalisée de la réalité russe. «Appliquer la démocratie à la Russie telle qu’elle est appliquée dans les cantons suisses mènerait droit dans le mur», écrit-il dans Le Temps.

«La Russie est faite pour être un empire. Elle ne peut être une nation», insiste le professeur.

swissinfo

Dmitri Medvedev, 42 ans, grandit à Saint-Pétersbourg. Son père est professeur au technicum, sa mère philologue.

Il termine la faculté de droit avec un doctorat en 1990. A cette époque, il fait la connaisance de Poutine, alors adjoint du maire pétersbourgeois Anatoli Sobtchak, et devient leur conseiller juridique.

En 1999, le Premier ministre Poutine l’appelle à Moscou et place Medvedev au poste de vice-directeur de la puissante administration présidentielle puis à la présidence du conseil de Gazprom.

En 2005, Medvedev entre au gouvernement, avance rapidement au poste de vice-premier ministre, aux côtés de Sergueï Ivanov, ministre de la Défense et ancien membre du KGB qui passait lui aussi pour un éventuel dauphin de Poutine.

Medvedev est marié et a un fils de 11 ans.

Dans la Fédération de Russie, le président est responsable de la politique intérieure et extérieure du pays. Les départements clés de la Défense et de la Justice sont également sous sa houlette.

Le chef du Kremlin peut nommer et limoger le Premier Ministre. Au plus tard deux semaines après son entrée en fonction, le président propose le candidat de son choix au Parlement. Celui-ci doit être approuvé dans sa fonction à la majorité absolue.

Le Premier Ministre définit et organise les lignes directrices de l’activité gouvernementale en conformité avec les lois et les décrets présidentiels.

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