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Mieux vaut être riche et bien portant que pauvre et malade

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Alors que s'ouvre l'Assemblée mondiale de la santé, des spécialistes publient à Genève les résultats d'une recherche universitaire. Au-delà des questions posées, une certitude: «la mondialisation contribue à l'amélioration de la situation sanitaire des nantis».

Jusqu’au 22 mai, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) tient à Genève ses assises annuelles. Le débat ministériel portera d’abord sur des problèmes de la santé mentale. Mais, en plénière et outre les programmes budgétaires, il sera plutôt question de lutte contre le sida et de lutte anti-tabac, d’alimentation du nourrisson et de renforcement des soins infirmiers.

C’est le moment que l’Institut universitaire d’études du développement (IUED), à Genève, choisit pour présenter le dernier de ses cahiers de recherche. Sous le titre «La santé au risque du marché, incertitudes à l’aube du 21e siècle», une trentaine de spécialistes de la santé publique disent leurs interrogations et, surtout, leurs inquiétudes.

L’hypothèse majeure qui ressort de leurs réflexions, c’est que la mondialisation favoriserait l’augmentation des inégalités de santé entre riches et pauvres. Le monde s’est globalement enrichi, certes. Mais il n’y a jamais eu autant de pauvres et les écarts de santé avec les nantis atteignent désormais une ampleur jamais inégalée. Autre constat: cette tendance n’est pas propre aux pays en développement, le Nord est lui aussi touché.

Explication de Jean-Daniel Rainhorn, qui a co-dirigé cette nouvelle publication de l’IUED: «l’esprit néo-libéral a conduit à casser des systèmes de protection sociale, amené la privatisation d’un certain nombre de structures, détérioré l’environnement, modifié les conditions de vie des populations et accru leur vulnérabilité.»

C’est alors qu’on a découvert que la santé ne dépend pas uniquement de la médecine, mais aussi de beaucoup d’autres facteurs comme la protection sociale, le développement économique, les liens sociaux ou encore la liberté individuelle. «Cela n’a l’air de rien, poursuit Jean-Daniel Rainhorn, mais tout cela joue un très grand rôle sur notre bien-être physique, mental et social.»

Des utopies se sont effondrées, dont le plus bel exemple est sans doute le fameux slogan lancé jadis par l’OMS annonçant «la santé pour tous en l’an 2000». Le mythe selon lequel la croissance relèverait le niveau de santé semble du même acabit. Est-ce à dire que la pression du marché est en train de jouer contre le sens de la solidarité?

Pour Mary-Josée Burnier, l’autre co-directrice de cette recherche, cela ne fait aucun doute: «le marché ne prend pas en compte ceux qui n’ont pas les moyens de payer, il veut des gens solvables; donc, plus on remettra en question la garantie de redistribution des bienfaits de la croissance, plus on verra les problèmes de santé s’aggraver et plus on verra les écarts de santé augmenter entre nantis et défavorisés».

L’ambition de cette étude n’est pas de répéter les constats déjà posés ailleurs. Mais, disent ses auteurs, de mettre le doigt sur les mécanismes d’un système qui fait que la maladie peut faire basculer dans la pauvreté des millions de personnes vivant dans des conditions précaires. Il est urgent d’en débattre et de trouver des solutions à des situations qui ne sont pas des fatalités.

Bernard Weissbrodt

«La santé au risque du marché. Incertitudes à l’aube du 21e siècle». Nouveaux cahiers de l’IUED. Collection Enjeux. Numéro 11.

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