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Modification en vue de la norme pénale antiracisme

«Aucune chance pour le racisme», la loi antiraciste a été introduite il y a dix ans. Keystone Archive

Pour Michaël Leupold, directeur de l'Office fédéral de la justice (OFJ), le volet de la norme antiracisme concernant la négation de génocide est formulé de façon trop ouverte.

En interview à la «SonntagsZeitung», le haut-fonctionnaire esquisse des modifications possibles mais exclut toute suppression de la loi elle-même.

A l’heure actuelle, ce sont les juges qui doivent décider si un événement dont la réalité est niée doit être considéré comme un génocide. Or cela relève de la recherche historique et dépasse un juge.

C’est ce qu’a relevé dimanche Michaeël Leupold, entré en fonction en juillet et été chargé par le ministre de la Justice Christoph Blocher d’examiner la pertinence de l’article 261bis du code pénal.

Un sujet controversé

Le même Christoph Blocher avait provoqué la controverse sur ce sujet délicat lors de sa visite en Turquie au début octobre. Visite au cours de laquelle il avait déclaré face à la presse turque que cette norme antiraciste lui «faisait mal au ventre». Le ministre suisse de la défense faisait allusion aux suites pénales subies par un historien turc en Suisse, pour avoir nié le génocide arménien.

Et d’annoncer dans la foulée que son département avait formé un groupe de travail qui planchait sur une modification de la norme pénale, entrée en vigueur en 1995.

Ces déclarations avaient fait couler beaucoup d’encre le mois dernier. Les membres du Conseil fédéral avaient blâmé leur collègue pour ces déclarations, émises de plus à l’étranger.

Mais le gouvernement a ensuite indiqué que, s’il n’était pas question de supprimer la norme antiracisme, une réflexion sur sa révision était légitime.

Les limites de la liberté d’expression

D’autre part, Michaël Leupold estime qu’avec cet article 261bis, on ne sait pas très bien où la liberté d’expression commence et où elle finit. Il estime qu’une solution consisterait à se baser sur une instance de référence internationale, laquelle définirait quels événements sont des génocides.

Il serait également envisageable de renoncer à réglementer la négation de génocide dans la norme antiracisme. Rien n’a encore été décidé, a assuré le directeur de l’OFJ. Mais l’article du code pénal réprimant la discrimination raciale ne sera pas supprimé.

Pour sa part, Boëlle Sambuc, vice-présidente de la Commission fédérale contre le racisme, s’est dite «stupéfaite» de ces déclarations.

Elle a rappelé dimanche sur les ondes de la Radio suisse romande que la Suisse a ratifié en 2000 la Convention de l’ONU pour la prévention contre le crime de génocide, convention «qui contient tous les critères nécessaires pour lutter contre le racisme», y compris en Suisse.

Collaboration à concrétiser

Pour ce qui est du groupe de travail à l’étude d’une modification de la norme, il s’agit pour l’essentiel d’un collaborateur spécialisé sur le sujet depuis longtemps. «Naturellement, ses supérieurs s’en occupent aussi intensivement», a précisé Michaël Leupold.

De son côté, le président de la Commission fédérale contre le racisme, Georg Kreis, qui devrait intégrer le groupe à la demande du gouvernement, ne l’a manifestement pas encore rejoint. «Je n’ai pas reçu d’instructions en ce sens pour l’instant», a indiqué M. Leupold.

De son côté, le professeur de l’Université de Bâle avait indiqué en octobre être disposé à accepter la proposition du ministre de l’Intérieur Pascal Couchepin, particulièrement scandalisé par l’attitude du ministre de la Justice en Turquie.

A cette occasion, Georg Kreis avait du reste précisé dans la presse que les affirmations de Christoph Blocher étaient «fausses» et que ce groupe de travail n’existait pas avant le fatidique voyage à Ankara.

Pour le juriste bâlois, l’attitude de M. Blocher s’expliquait dans la perspective de la campagne de son parti, l’Union démocratique du centre (UDC, droite dure), en vue des élections fédérales de 2007.

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Financement de Champ-Dollon

Toujours dans la «SonntagsZeitung», Michael Leupold a également annoncé dimanche que la Confédération était prête à verser 35% du financement de l’agrandissement de la prison genevoise de Champ-Dollon.

Selon le haut fonctionnaire, Christoph Blocher aurait écrit au conseiller d’Etat (ministre cantonal) Laurent Moutinot pour l’inviter à déposer une demande. Il a précisé qu’«une telle dépense est déjà prévue dans notre budget».

Avec plus de 500 détenus, le taux de surpopulation de la prison genevoise atteint 184%, ce qui provoque des problèmes et des drames à la chaîne.

En 2005, le gouvernement genevois a élaboré un ambitieux projet d’agrandissement, devisé à 68 millions de francs. Projet qui doit être approuvé par le parlement cantonal avant l’ouverture du chantier, en principe en automne 2007.

swissinfo et les agences

La norme pénale antiraciste a été acceptée par 54,7% des citoyens
lors de la votation du 25 septembre 1994.

Son but est surtout la prévention des actes de révisionnisme.

La loi punit d’une amende ou de la prison celui qui minimise ou cherche à justifier un génocide.

En 2005, les autorités suisses ont ouvert deux enquêtes contre l’historien turc Yusuf Halacoglu et le politologue Dogu Perinçek, accusés de négation du génocide arménien de 1915-1919.

En voyage au début octobre à Ankara, Christoph Blocher avait publiquement regretté que la norme antiraciste ait conduit à une enquête contre l’historien turc.

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