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Mondiaux de Are: «Il faut garder les pieds sur terre»

Keystone

L'équipe suisse de ski n'avait plus récolté autant de lauriers depuis les Mondiaux de Sallbach, en 1991. Faut-il y voir une renaissance? swissinfo l'a demandé à une légende du ski suisse.

Selon Pirmin Zurbriggen, les résultats des Mondiaux de Are ne doivent pas faire illusion: le travail de reconstruction ne fait que commencer.

Son grand rival Marc Girardelli disait de Pirmin Zurgriggen qu’il était le Suisse le plus fameux depuis Guillaume Tell. En tout cas, son nom évoque immédiatement les années d’or du ski suisse, ces années 80 au cours desquelles les skieurs habillés de la célèbre combinaison rouge et jaune montaient sur le podium avec la régularité d’une horloge.

Lors des Championnats du monde de Crans-Montana (Valais) de 1987, la Suisse avait remporté 14 médailles, le deuxième meilleur résultat de tous les temps derrière la France. A cette occasion, Pirmin Zurbriggen s’était taillé la part du lion avec deux médailles d’or (super G et géant) et deux d’argent (descente et combiné).

Une période faste donc qui, à la veille des Mondiaux de Are (Suède), semblait à des années-lumière. Surtout après le fiasco des Mondiaux de Bormio (Italie), il y a deux ans, où la Suisse n’avait remporté aucune médaille. Le ski suisse semblait alors cliniquement mort.

Mais le patient s’est rétabli sur les pentes suédoises. Daniel Albrecht, Didier Cuche, Marc Berthod et Bruno Kernen ont démontré que la Suisse avait encore des champions.

swissinfo: Un jeune – Daniel Albrecht – qui triomphe dans le combiné et s’adjuge l’argent en slalom. Didier Cuche en pleurs après le bronze en géant. Que vous ont inspiré ces images?

Pirmin Zurbriggen: C’était très émouvant, surtout en sachant tous les efforts qui sont nécessaires pour gagner une médaille. Une médaille aux Championnats du monde représente une récompense pour des années d’un dur travail.

swissinfo: La Suisse retourne à la maison avec six médailles. Est-ce que vous vous y attendiez après les mauvais résultats des années précédentes?

P.Z. : A la veille de ces Mondiaux, on savait que la Suisse pouvait nourrir de plus grandes ambitions que les années précédentes.

Des athlètes comme Didier Cuche, Marc Berthod ou Silvan Zurbriggen, qui avaient eu de bons résultats en Coupe du monde cette année, ont tiré l’équipe en avant. Mais personne ne s’attendait à six médailles.

swissinfo: Les Mondiaux de Are resteront-ils une exception ou peut-on parler d’une renaissance du ski suisse?

P.Z. : Il faut garder les pieds sur terre. Il y a deux jeunes athlètes, Albrecht et Berthod, mais derrière eux, il n’y a pas grand monde.

L’an dernier, nous avons débuté un gros travail de formation, beaucoup plus important que les années précédentes. Mais il faudra encore avoir de la patience avant d’en récolter les fruits.

swissinfo: En matière de formation, justement, la Suisse est en retard par rapport à d’autres nations. Est-ce que des progrès ont été réalisés?

P.Z. : Certes, nous sommes en retard. Mais nous avons créé des structures – comme l’académie de Briga, active depuis l’année dernière (Pirmin Zurbriggen fait partie des promoteurs, NDLR) – afin que les jeunes puissent à la fois s’entraîner et suivre l’école.

Je ne pense toutefois pas que nous puissions rattraper notre retard en l’espace d’un ou deux ans. D’autres pays, comme l’Autriche, travaillent dans cette direction depuis de nombreuses années.

swissinfo: Au niveau masculin, tout a fonctionné pour le mieux à Are. En revanche, aucune femme n’a réussi à monter sur le podium. Peut-on parler de bilan négatif?

P.Z. : C’était prévisible. Certes, il est possible de réaliser des exploits lors d’un Championnat du monde. Mais il faut rester réaliste, surtout à la lumière des résultats enregistrés en Coupe du monde. Nous avons des problèmes en géant et en slalom. Seule une médaille en descente était peut-être possible.

swissinfo: Les disciplines techniques manquent d’athlètes de pointe. On a donc lancé des jeunes qui ne répondaient pas aux critères de sélection, mais avec des résultats somme toute positifs. Pensez-vous qu’il était bon pour ces jeunes femmes d’être confrontées aussi rapidement à un tel défi?

P.Z. : C’est exactement ce qu’il fallait faire. C’est dans ces occasions qu’un jeune emmagasine une énorme expérience pour l’avenir.

Ces dernières années, les entraîneurs préféraient sélectionner uniquement des athlètes qui avaient des chances de faire une médaille. A mon avis, c’était une grande erreur, un grand manque de vision.

swissinfo: Parmi les vainqueurs de Are, il y a un certain… Pirmin Zurbriggen. Quel effet cela vous a-t-il fait de participer à cette «course des légendes» qui se disputait devant 20’000 spectateurs?

P.Z. : C’était fantastique. Cela m’a fait un grand plaisir de pouvoir participer à une course avec tous ces grands athlètes. A Are, l’ambiance était géniale. C’est certainement un souvenir inoubliable.

Interview swissinfo, Daniele Mariani
(Traduction de l’italien: Olivier Pauchard)

Daniel Albrecht (1983): or dans le combiné et argent en géant
Marc Berthod (1983): bronze en combiné
Didier Cuche (1974): bronze en géant
Bruno Kernen (1972): bronze en super-G
La Suisse a par ailleurs remporté le bronze dans l’épreuve par équipe

Né en 1963 et originaire de Saas Almagell, en Valais, Pirmin Zurbriggen a remporté sa première course de Coupe du monde en 1982 à Wengen (combiné).

Durant sa carrière, il a gagné à quatre reprises la Coupe du monde (1984, 1987, 1988 et 1990), est monté sur la plus haute marche du podium lors de 40 épreuves de Coupe du monde et a réussi à triompher dans cinq disciplines.

Aux Jeux olympiques de Calgary (Canada) en 1988, il a remporté l’or en descente et le bronze en géant.

Pirmin Zurbriggen s’est aussi adjugé neuf médailles en Championnats du monde. Quatre d’or (descente et combiné en 1985, géant et super-G en 1987), quatre d’argent (géant en 1985, géant et combiné en 1987, super-G en 1989) et une de bronze (géant en 1989).

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