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Montreux face aux crocs du showbiz

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Le Montreux Jazz Festival a dévoilé son programme ce jeudi au Centre Paul Klee à Berne. «Seize jours, 1000 musiciens, plus de 1000 heures de musique»... malgré un business musical de plus en plus âpre et concurrentiel.

Le programme de Montreux, du 3 au 18 juillet, est riche et copieux, est-il besoin de le préciser? Qui, d’ailleurs, s’attendrait à autre chose de la part de cet événement à la célébrité planétaire, qui s’apprête à vivre, cette année, sa 43e édition?

Quelques noms en vrac? Seal, Steely Dan, Black Eyed Peas, Alice Cooper, Status Quo, Grace Jones, David Sanborn et Steve Winwood, Monty Alexander, Jeff Beck, George Benson, Rachelle Ferrell, Jamie Cullum, George Duke et Lee Ritenour, Solomon Burke, sans oublier le retour de BB King, et plusieurs soirées spéciales…

Showbiz, bigbiz

Du beau monde assurément, mais peut-être pas «le» nom qui fera frémir les foules à la lecture du programme. «Il y a un côté cyclique. C’est vrai qu’on a eu Prince en 2007, ou Cohen en 2008», répond Mathieu Jaton, secrétaire général du festival.

«Mais cette année, quel serait «le nom» à avoir? Michael Jackson est à Londres. Mais ce n’est pas le même type de personnalité que Prince, prêt à donner un concert sur une scène vierge, sans production gigantesque. Parmi les grandes stars, il n’en existe pas beaucoup aujourd’hui qui sont capables de faire cela, ou de décider de se faire plaisir en faisant un spectacle particulier».

Pas de Michael Jackson. Ni de U2 ou de Bruce Springsteen. Cela notamment pour des questions de taille de production. «Les poids lourds font des ‘stadium tours’ qui ne passent même pas par les festivals. Springsteen fait une exception avec ‘Les Vieilles Charrues’, en Bretagne… mais à quel prix! Il semble que le montant soit assez extraterrestre. Sinon, AC/DC ou U2, ce sont des tournées auxquelles on n’a pas accès: leurs shows ne rentrent pas dans la salle de l’Auditorium Stravinsky!», explique Mathieu Jaton.

Money, money, money

Shows monumentaux. Et prétentions financières de plus en plus délirantes. «Ils ont pété les plombs», admet-on du côté de la programmation. Certaines prétentions sont «le double de l’année dernière», ajoute-t-on.

Et si Montreux est l’un des premiers festivals du genre que la Suisse a connu, la donne a depuis largement changé. Ceux qui s’étaient annoncés à l’origine comme «petits» festivals – Caribana près de Nyon, ou Festi Neuch’ à Neuchâtel – n’hésitent plus aujourd’hui à viser dans le haut de gamme également.

Une concurrence qui ne se limite pas à la Suisse romande: pendant la durée du Montreux Jazz Festival, Locarno («Moon & Stars Festival») accueillera Laura Pausini, Deep Purple, Tracy Chapman, Gloria Estefan, Placebo. Et Zurich («Live at Sunset»), toujours sur la même période, recevra UB40, Simply Red, Cyndy Lauper, pour ne citer qu’eux. Quant à Katie Melua, elle sera à Locarno comme à Zurich.

Un vrai bonheur pour les tourneurs, qui peuvent donc miser sur une solide concurrence intérieure à la Suisse pour faire exploser les cachets.

Encore que le business n’a même pas besoin de ça: «On ne va pas vers une diminution des cachets, au contraire! C’est la hausse depuis plusieurs années, un mouvement amplifié par ces grandes sociétés qu’on appelle ‘les sociétés à 360°’, les ‘Live Nation’, AEG, qui possèdent toute la chaîne musicale, y compris les artistes, constate Mathieu Jaton.

Qui ajoute: «On a souvent reproché ses prix au Jazz Festival de Montreux, mais là, on n’est plus du tout hors-normes». En effet: il n’y a qu’à voir ceux pratiqués par Springsteen (108 à 178 frs. le 30 juin au Stade de Suisse à Berne ) ou les Eagles (le 12 juin à Zurich, entre 120 et 350 frs!) pour réaliser que c’est l’ensemble d’un système qui est devenu fou.

On en vient alors à rêver d’un showbiz qui, à l’instar du système bancaire, exploserait en plein vol.

Rencontres

Le MJF, lui, a sa parade personnelle: «A Montreux, on a toujours essayé de garder la même cohérence et de ne pas se laisser embarquer dans la course aux giga-stars, mais plutôt de garder notre identité avec un programme qui tient la route. Et notamment des programmes spéciaux. La patte de Claude Nobs, l’expérience qu’il a dans le métier et ses relations nous sont très utiles. Tout comme celle de Lori Immi, qui est là depuis plus de 20 ans», explique Mathieu Jaton.

«80% des groupes programmés cette année à Montreux y jouent en exclusivité suisse», se réjouit Claude Nobs, qui table donc sur l’originalité. Et sur les rencontres d’artistes dont Montreux a le secret.

Ainsi le producteur Chris Blackwell (fondateur du label Island, découvreur de Bob Marley, U2 ou Tom Waits) sera-t-il honoré comme l’a été l’année dernière Quincy Jones. Monty Alexander, Angélique Kidjo (10), mais aussi Bill Laswell (12) ou Marianne Faithfull (13) lui rendront hommage.

Autres plateau étonnant: le mélange de Steely Dan, Dave Matthews et Chickenfoot (Joe Satriani avec des musiciens de Van Halen et Red Hot Chili Peppers) le 4 juillet.

Ou la collaboration de Stephan Eicher avec un jeune songwriter allemand, finn, qui échangeront leurs répertoires le 5 juillet. Pourquoi cette rencontre? Nous sommes des «frères d’âme», répond Finn, heureux de se frotter à cet événement particulier qu’est le Montreux Jazz Festival. Il est toujours bon de rappeler qu’au-delà des gros sous, la musique est aussi une histoire d’âme…

Bernard Léchot, Berne, swissinfo.ch

Le 3 juillet 2006, le géant du blues BB King faisait ses adieux à Montreux, swissinfo s’en était fait l’écho.

12 juillet 2009: BB King sera de retour. Par quel miracle?

«BB King a fait ses adieux. Depuis, il a changé de manager, et au lieu de faire 200 dates par année, il n’en fait plus que 50. Et il a souhaité revenir à Montreux», explique Claude Nobs.

Le chanteur canadien faisait parie des solides rumeurs à propos de la programmation 2009. Mais il ne sera pas à l’affiche.

«Sa tournée en Europe se termine le 30 juin à Hyde Park. Toute la suite a été annulée. Si vous avez le numéro de téléphone de Neil Young, demandez-lui pourquoi» répond Claude Nobs apparemment échaudé.

Les organisateurs disposent d’un budget de 18 millions de francs. L’édition 2008 a bouclé sur des comptes équilibrés.

Les prix des billets s’échelonnent entre 80 et 300 francs pour les concerts de l’auditorium Stravinski, de 65 à 180 francs pour ceux du Miles Davis Hall.

Une fourchette similaire à celle de l’édition 2008.

Maintes animations complètent ce menu, dont les croisières musicales sur le Léman, les multiples concerts gratuits, les workshops instrumentaux, les concours.

A noter cette une extension au château de Chillon, avec notamment une soirée lecture & musique par Philippe Djian et Stephan Eicher (3) et des sonnets de Shakespeare dits par Marianne Faithfull(14)!

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