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Moritz Leuenberger déçoit les milieux anti-racisme

Moritz Leuenberger est dans la ligne de mire des anti-racistes. Keystone Archive

Mercredi, le Conseil fédéral doit en principe décider qui dirigera la délégation suisse à la Conférence mondiale contre le racisme à Durban. D'abord annoncé partant, Moritz Leuenberger s'est ensuite désisté. Les militants anti-racisme lui font savoir leur sérieux désaccord.

C’est dans dix jours que s’ouvre à Durban, en Afrique du Sud, la Conférence mondiale contre le racisme. On sait que sa préparation ne s’est pas déroulée selon le meilleur scénario. La récente et ultime session de négociations menée à Genève n’a pas permis d’y voir plus clair.

Les deux textes fondamentaux – une déclaration et un programme d’action – sont encore en chantier et leur adoption butte sur deux dossiers controversés, celui de la reconnaissance et de la réparation des crimes commis du temps de l’esclavagisme et du colonialisme, et celui du sionisme dont certains voudraient qu’il soit assimilé au racisme.

Une présence hautement symbolique

Ce climat de controverses et de tensions, qui de plus est alourdi par la menace des États-Unis de boycotter purement et simplement la Conférence, explique sans doute pourquoi la plupart des chefs d’État occidentaux – dont Moritz Leuenberger, président de la Confédération suisse – n’ont pas envie de se rendre à Durban.

Le GRAN, Groupe de réflexion et d’action contre le racisme anti-Noir, estime pourtant que la Suisse aurait de très bonnes raisons d’y envoyer une délégation de haut niveau. Car, écrit-il, ce pays «qui a été étroitement et activement lié à l’ancien régime honni de l’apartheid a une dette morale envers le peuple sud-africain».

Non seulement la visibilité du président de la Confédération constituerait alors «un message politique clair de rupture avec le passé et de réconciliation», mais aussi «une chance historique (pour la Suisse) de marquer sa différence et de redynamiser sa neutralité».

Ces arguments, le GRAN les développe dans une lettre qu’il a adressée à Moritz Leuenberger en début de semaine. Mais, entre les lignes du résumé qui nous en a été transmis, on sent bien que ses auteurs ne se font plus guère d’illusions.

Une occasion ratée

Pour le GRAN, c’est donc que la Suisse a choisi de s’aligner sur les positions américaines et sur le «monde Blanc». Ce faisant, elle paraît faire peu de cas des «questions qui émergent déjà de manière cruciale en son sein», à savoir le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l’intolérance.

De plus, elle semble «n’accorder aucune importance à ce symbole fort que représente l’invitation du chef d’État d’un pays jadis banni du concert des nations civilisées… et qui renaît à l’universalité et à l’humanité».

Le Forum contre le racisme – dont le GRAN est une émanation désormais indépendante – a lui aussi écrit à Moritz Leuenberger pour l’appeler à reconsidérer sa position. Mais le contenu de sa lettre ne sera rendu public que mercredi, après l’annonce que fera le Conseil fédéral quant à la composition de la délégation suisse à Durban et aux positions qu’elle défendra.

En l’absence du président de la Confédération, on pouvait imaginer qu’un autre conseiller fédéral -ministre de l’Intérieur ou des Affaires étrangères – soit du voyage en Afrique du Sud. Cette éventualité, selon nos informations, aurait été elle aussi écartée. Dans ce cas, ce n’est plus leur déception qu’afficheraient les milieux anti-racisme de Suisse, mais leur amertume.

Bernard Weissbrodt

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