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Fidel Castro et la Suisse

Quel que soit le jugement de l'Histoire, la figure de Fidel Castro restera indissociable de Cuba. Keystone

Le leader historique de Cuba est décédé vendredi soir à La Havane à l'âge de 90 ans, a annoncé son frère Raul, qui lui a succédé au pouvoir en 2006. Sous l’ère Castro, la Suisse officielle et intellectuelle a toujours entretenu des liens étroits avec l’île des Caraïbes. 

«Bonnes et empreintes de constance»: c’est ainsi que le Département fédéral des affaires étrangères (DFAE) qualifie sur son site les relations bilatérales entre la Suisse et Cuba. Berne a représenté les intérêts des Etats-Unis à Cuba après la rupture des relations entre Washington et La Havane, en 1961, et également les intérêts de Cuba aux Etats-Unis depuis 1991. La normalisation des relations entre les deux pays a mis fin au mandat suisse en juillet 2015.

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La Suisse ne fera plus l’intermédiaire entre Washington et La Havane

Ce contenu a été publié sur «Grâce à sa position historique et à son expérience, la Suisse est idéalement positionnée pour accompagner le processus de transition actuellement en cours à Cuba», souligne le Département fédéral des affaires étrangères (DFAE). En 1961, en sa qualité de pays neutre et digne de crédit, la Confédération se vit attribuer le mandat de représenter les…

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Durant ces 54 années de mandat de puissance protectrice exercé par la Confédération, les diplomates suisses ont eu des contacts directs avec le gouvernement cubain et avec Fidel Castro lui-même, qui n’a jamais caché son estime pour la Suisse et ses représentants. 

L’exemple le plus marquant de ces rapports de confiance entre le Lider Maximo et les émissaires suisses est probablement la demande de Washington – attestée par les Documents diplomatiques suisses dodis.chLien externe – de faire intervenir l’ambassadeur suisse à Cuba Emil Stadelhofer en tant que médiateur dans le cadre de la grave crise d’octobre 1962.

Celle-ci avait éclaté suite à l’installation sur l’île par les Soviétiques de missiles capables d’atteindre le territoire américain. Ce fut alors le moment le plus chaud de la Guerre froide; le monde craignait le déclenchement de la 3e Guerre mondiale. 

En fin de compte, la crise fut résolue directement entre Washington et Moscou. Emil Stadelhofer eut toutefois de longues conversations avec Fidel Castro, qui le félicita publiquement à plusieurs reprises.

L’ambassadeur suisse put ainsi organiser le rapatriement du corps du pilote de l’US Air Force abattu lors d’une mission de reconnaissance au-dessus des rampes de missiles. 

L’intensité des bons offices de la Suisse a considérablement varié au cours des ans, en fonction de l’évolution des relations entre Washington et la Havane. Berne représente alors les intérêts réciproques des deux Etats, en attendant une normalisation de leurs rapports. 

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Parmi les moments forts de ces bonnes relations entre la Suisse et Cuba figure ensuite la visite officielle de travail de Fidel Castro à Berne, le 20 mai 1998, à l’invitation du Conseil fédéral, à l’occasion d’un séjour d’une semaine en Suisse du président cubain dédié principalement au 50e anniversaire de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) à Genève. Reçu par le président de la Confédération de l’époque – Flavio Cotti – et par d’autres conseillers fédéraux, le Lider Maximo avait qualifié cette rencontre de «réunion pleine d’amitié, presque comme en famille» et avait déclaré s’attendre à ce que la Suisse soit «un symbole de paix, un exemple de ce que devrait être le rapport entre les Etats-Unis et Cuba». 

Flavio Cotti lui avait fait écho en parlant d’une «rencontre franche, sincère et directe», y compris lorsqu’il était question de droits de l’homme, de liberté d’expression ou de détenus. En effet en Suisse, les dénonciations des violations des droits de l’homme de la part du régime cubain n’ont jamais manqué et à l’occasion de la visite présidentielle à Berne, Amnesty International avait rappelé qu’il y avait au moins 300 prisonniers politiques à Cuba. 

Intellectuels séduits 

Pendant plus d’un demi-siècle, Fidel Castro aura incarné – avec Che Guevara – l’espoir d’un monde plus juste, un monde débarrassé de la faim, des guerres et de l’analphabétisme. En Suisse aussi, de nombreux intellectuels, des artistes, des écrivains se sont laissé impressionner par la révolution cubaine et le «Commandante» Castro. Dans les années 1960, ils sont partis constater de leurs propres yeux la ferveur révolutionnaire en marche à La Havane, aux côtés de figures comme Jean-Paul Sartre, Simone de Beauvoir ou Régis Debray. 

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Fidel Castro par René Burri

Ce contenu a été publié sur Castro et Guevara incarnaient l’espoir en un monde plus juste, un monde sans faim, sans guerre, sans maladie et sans analphabétisme. La magie révolutionnaire, le climat régnant à La Havane a aussi inspiré des photographes et des cinéastes suisses. Parmi eux, René Burri. Le Zurichois, décédé en octobre 2014, avait été invité en 1963 à…

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Les rapports sur Castro du sociologue genevois Jean Ziegler ou de l’écrivain zurichois Hugo Lötscher sont de vrais morceaux d’anthologie. Ziegler met en avant dès le début de la révolution la figure de Che Guevara, plus forte que celle de Castro lui-même, puisque l’homme ne rêve pas d’une seule révolution, mais de plusieurs.

Les révolutionnaires de La Havane connaissent très bien le pouvoir et la magie des images. Et Fidel Castro le premier, qui a su se poser en icône de la révolution, même si son discours se faisait de moins en moins crédible au fil des décennies.

Au début, la force de l’imagerie révolutionnaire a séduit des cinéastes et des photographes suisses, parmi lesquels René Burri et Luc Chessex. Les photos du Che que René Burri fut le premier à faire en 1963 ont fait le tour du monde et tournent encore aujourd’hui. Fidel Castro, c’était la rhétorique de la révolution. Che Guevara, l’image.

Quant à Luc Chessex, il est resté neuf ans à Cuba, photographiant notamment pour le ministère de la Culture du régime. Mais en 1975, c’est la rupture: sans explication, il est embarqué dans un avion et expédié en Suisse en tant que «personne indésirable». Le silence radio durera près de trente ans, avant un retour à La Havane pour l’exposition de 40 de ses images d’Amérique Latine et de Cuba, à la Photothèque nationale, sur une initiative de l’historien de la Ville. 

Le cinéaste Richard Dindo s’est également beaucoup occupé de Cuba. Mais avec son documentaire “Journal de Bolivie”, c’est le Che qu’il immortalise, pas Fidel. 

Aide humanitaire 

Les liens entre la Suisse et Cuba sont aussi marqué par un important engagement humanitaire. La DDCLien externe, l’agence suisse de coopération au développement, a ouvert un bureau à La Havane en 2000. La Suisse soutient la société civile cubaine, en cofinançant des projets d’éducation, de formation ou de santé. Des domaines dont le régime tirait autrefois sa fierté, et où se lit aujourd’hui son échec. 

Les deux organisations non gouvernementales CamaquitoLien externe et mediCubaLien externe sont actives sur le terrain à Cuba. Camaquito soutient depuis 2001 des programmes de formation et des programmes culturels pour les enfants et les jeunes. MediCuba soutient la Ligue cubaine contre le cancer avec de l’argent, de l’équipement médical et des médicaments.

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