Des perspectives suisses en 10 langues

Moto: ces Suisses qui roulent vite

Thomas Lüthi va vivre une saison décisive pour la suite de sa carrière. Keystone

Quatre motards suisses seront ce week-end au départ du Grand Prix du Qatar, qui marque le début du Championnat du monde 2009. Une première historique pour le sport mécanique suisse, qui vit l'une des périodes les plus fastes de son histoire. Explications du spécialiste Bernard Jonzier.

En 2005, Thomas Lüthi devenait le premier motard suisse à remporter un titre de champion du monde depuis plus de 20 ans. Ces dernières années, le pilote bernois a connu un parcours en dents de scie, notamment en raison de blessures à répétition. Cette saison, il devra à tout prix rivaliser avec les meilleurs pilotes pour espérer évoluer un jour en MotoGP, la catégorie-reine.

Dans le sillage de Thomas Lüthi, deux autres pilotes suisses, Randy Krummenacher et Dominique Aegerter, veulent briller sur les circuits en 2009. Quant à Bastien Cheseaux, jeune coureur de 17 ans qui s’alignera déjà dans la même catégorie que Thomas Lüthi, ses performances seront suivies très attentivement.

Quatre pilotes suisses en Grand Prix: de quoi satisfaire Bernard Jonzier, commentateur passionné de la Télévision Suisse romande depuis de nombreuses années. Monsieur «chaud bouillant», comme le surnomment les téléspectateurs suisses en référence à ses commentaires enflammés, nous fait part de ses attentes pour la saison à venir.

swissinfo: La saison de moto débute ce week-end avec quatre pilotes suisses au départ. Est-ce un signe de la bonne santé de ce sport en Suisse?

Bernard Jonzier: C’est historique. Dans les annales des sports mécaniques, il n’y a jamais eu trois Suisses avec le statut de pilote officiel au départ de Grand Prix (ndlr: Lüthi, Krummenacher et Aegerter). Pilote officiel, ça signifie avoir la meilleure moto du constructeur et donc être avantagé au niveau du matériel. Pour un petit pays comme la Suisse, c’est tout simplement incroyable.

swissinfo: Thomas Lüthi sera le plus attendu des quatre Suisses. Pour sa 3e saison dans la catégorie des 250 cc, on attend beaucoup de lui. Sera-t-il à la hauteur des attentes?

B.J.: J’ai quelques craintes pour lui. Cette année, il doit absolument confirmer. Il doit au minimum remporter une victoire et monter 3 ou 4 fois sur le podium. Il sait qu’il jouera peut-être sa carrière. Je pense que les premiers Grand Prix seront déterminants. Si ça marche bien au début, il pourra ensuite monter en puissance. Dans le cas contraire, il va se mettre de la pression et «surpiloter». Là, je crains que ça devienne difficile.

swissinfo: Sa terrible chute à Indianapolis en septembre de l’année passée l’a-t-il perturbé dans sa préparation?

B.J.: Oui, totalement. Quand un pilote se fait mal et remonte directement sur sa moto, il oublie vite les séquelles. Mais Thomas, lui, a manqué trois Grand Prix. Il est tombé violemment sur la tête et est resté inconscient durant une demi-heure. Et de voir tous les jours les cicatrices sur sa main et son bras (ndlr: dans sa chute, le nerf et le tendon de sa main ont été arrachés), ça doit le perturber. Il doit retrouver la confiance pour effacer les séquelles psychologiques. Le seul moyen d’y arriver, c’est de faire de bons résultats.

swissinfo: Un autre Suisse, Bastien Chesaux, évoluera cette saison en 250 cc. A 17 ans, c’est le plus jeune pilote à évoluer dans cette catégorie. Est-ce à dire que l’on tient là le champion suisse de demain?

B.J.: C’est un peu tôt pour le dire. Avec sa grande taille, il ne pouvait plus évoluer en 125 cc. Il a donc fait un saut très précoce dans la catégorie supérieure. Ce sera le seul des quatre Suisses à ne pas avoir le statut de pilote officiel et à ne pas courir avec une machine d’usine. Son expérience se résume à trois saisons de compétition et à 8 Grand Prix.

Tout arrive très vite pour lui, mais il a raison de saisir sa chance. Il est conscient que ce sera difficile et il faudra qu’il se montre patient, ce qui n’est en général pas la qualité principale des motards.

swissinfo: Dans la catégorie des 125 cc, que peut-on attendre de Randy Krummenacher et de Dominique Aegerter?

B.J.: Des podiums et peut-être même des victoires. Ces deux pilotes possèdent un talent fou et ont déjà démontré la saison dernière qu’ils pouvaient rivaliser avec les meilleurs. Ils devront trouver les bons réglages durant les premiers Grand Prix et je pense qu’à la mi-saison ils seront prêts à se battre pour des podiums.

swissinfo: Plus généralement et si l’on ajoute les débuts de Sébastien Buemi en F1, on constate que le sport mécanique tient une place étonnante en Suisse.

B.J.: Oui. Thomas Lüthi sacré champion du monde, c’est un peu comme si une équipe de foot d’un pays qui ne possède pas le moindre terrain de football remportait la Coupe du monde. Si on veut rouler sur un circuit, il faut partir à l’étranger et ça exige d’énormes sacrifices de la part des pilotes.

Pour un pays qui a peu d’exposition sur la scène internationale, peu de sponsors et qui ne représente pas un gros marché, posséder un pilote de Formule 1 et trois pilotes officiels sur les circuits de moto, ça tient quasiment du miracle.

swissinfo: La télévision suisse diffuse tous les Grand Prix de Formule 1 et de moto. Le public suisse est-il friand de sport automobile?

B.J.: Le public est toujours un peu chauvin et est donc très intéressé par les bonnes performances des pilotes helvétiques. En Suisse, il existe une longue tradition du sport mécanique. C’est difficile à expliquer, car en Autriche, par exemple, un pays de taille comparable et qui possède également beaucoup de routes sinueuses, il n’y a pratiquement jamais eu de grands pilotes.

La Suisse produit des champions depuis plus de 40 ans. Jo Siffert et Clay Regazzoni ont déchaîné les passions les plus folles en Formule 1. En moto, Luigi Taveri a été un champion du monde mythique et a remporté un nombre invraisemblable de victoires. Et il y a toujours eu des Suisses, à l’image de Philippe Coulon ou Jacques Cornu, aux avant-postes des Grand Prix.

Interview swissinfo: Samuel Jaberg

Grand Prix. Le Championnat du monde de motocyclisme 2009 débute le 12 avril au Qatar et se termine le 8 novembre à Valences. Dix-huit courses sont agendées dans les catégories MotoGP, 250 cc et 125 cc.

Nouveauté. Cette saison, les pilotes ne disposeront plus que d’une seule séance qualificative avant les courses, le samedi après-midi, au lieu de deux comme jusqu’ici. Deux séances d’essais libres, donc sans incidence sur la ligne de départ, auront lieu le vendredi après-midi et le samedi matin.

Suisse. Quatre pilotes suisses seront au départ des Grand Prix cette saison. Le Bernois Thomas Lüthi et le Vaudois Bastien Chesaux dans la catégorie des 250cc, le Zurichois Randy Krummenacher et le Bernois Dominique Aegerter dans la catégorie des 125 cc.

Journaliste. A bientôt 60 ans, Bernard Jonzier est l’un des meilleurs connaisseurs du monde de la moto. Durant sa carrière de journaliste, qui a débuté en 1976, il a collaboré pour de nombreux journaux et revues spécialisées. Il a également écrit deux livres, Tout sur le trial et le motocross (Editions Favre, 1976) ainsi que Le sport et la moto (1979).

Télévision. Entré à la Télévision Suisse romande en 1981, il y est vite devenu le commentateur principal des Grand Prix de motocyclisme. Il avoue volontiers également une passion pour les sports d’hiver, le basketball, la Formule 1 et le rallye, des sports qu’il a lui-même pratiqué en compétition, sauf la… Formule 1.

Motard. Sa passion pour la moto (il ne se déplace pratiquement qu’en deux-roues), son enthousiasme débordant ainsi que ses connaissances pointues de ce sport en font l’un des commentateurs les plus appréciés du public romand.

En conformité avec les normes du JTI

Plus: SWI swissinfo.ch certifiée par la Journalism Trust Initiative

Vous pouvez trouver un aperçu des conversations en cours avec nos journalistes ici. Rejoignez-nous !

Si vous souhaitez entamer une conversation sur un sujet abordé dans cet article ou si vous voulez signaler des erreurs factuelles, envoyez-nous un courriel à french@swissinfo.ch.

SWI swissinfo.ch - succursale de la Société suisse de radiodiffusion et télévision

SWI swissinfo.ch - succursale de la Société suisse de radiodiffusion et télévision