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Ces nouveaux Suisses qui s’engagent pour l’UDC

Chris Iseli/ AZ

En se naturalisant suisse, un citoyen peut pleinement participer à la démocratie directe helvétique. Ce qui pousse certains à adhérer à l’UDC, un parti pourtant réputé anti-étranger. Rencontre avec quelques-uns de ces nouveaux suisses attirés par les discours et les valeurs du premier parti du pays.

C’est la première semaine de la session de printemps du Parlement fédéral. La porte du Conseil national (chambre du peuple) s’ouvre. En sort Toni Brunner, président de l’Union démocratique du centre (UDC / droite conservatrice).

L’UDC est l’auteur d’initiatives (référendum d’initiative populaire) visant à expulser les criminels étrangers, interdire la construction de minarets et – une proposition acceptée le 9 février dernier – réduire l’immigration par des mesures de contingentement. Baptisé Parti du peuple suisse en Suisse germanophone, l’UDC est-elle une formation anti-étranger?

«Non, pas du tout!, assure Toni Brunner. Les étrangers sont les bienvenus dans le parti. En devenant membres, les immigrants ont l’occasion de se faire une idée de la démocratie et de contribuer à son développement.»

Selon Toni Brunner, son parti reçoit beaucoup de soutien des étrangers vivant en Suisse, en particulier des jeunes de la deuxième génération. Bien qu’il n’existe pas de statistiques nationales au siège du parti, Toni Brunner affirme: «Je sais que c’est vrai parce que je participe à beaucoup d’assemblées du parti.»

Appel aux immigrants

Parlementaire UDC au Conseil national, Yvette Estermann a débarqué en Suisse en 1993 de sa Tchécoslovaquie natale, alors communiste et partie de l’URSS.

Yvette Estermann dirige le Neue Heimat Schweiz (Nouvelle Patrie Suisse), un groupe politique créé en 2010 pour séduire les étrangers, naturalisés ou non, «qui veulent montrer leur attachement à la Suisse.»

Bien que le groupe se considère comme non-partisan, les valeurs affichées reflètent la ligne de l’UDC. Environ 140 personnes ont assisté au premier symposium du groupe en juin 2011, avec comme invité Roger Köppel, rédacteur en chef de la Weltwoche, un hebdomadaire proche du parti conservateur.

Pourquoi un étranger en Suisse peut-il soutenir l’UDC et ses initiatives qui pointent régulièrement les étrangers? Le politologue Gianni D’Amato, de l’Université de Neuchâtel, met en avant le besoin de se sentir reconnu et accepté.

Selon Gianni D’Amato, l’UDC offre une image forte de l’identité suisse. «Mais c’est aussi une image datée. Fondamentalement, c’est la Suisse des années 50 et 60, quand tout allait bien.»

Et le politologue d’ajouter que l’UDC a besoin de membres issus de l’immigration. «Cela permet au parti de dire qu’il ne fait pas de discrimination à l’égard des étrangers.»

Provoquer le changement

Croate et Suisse, Niko Trlin a participé à la fondation de la Neue Heimat Zoug, première branche cantonale du groupe Neue Heimat Schweiz. Il soutient l’UDC parce que, selon lui, c’est l’un des seuls partis qui porte les «valeurs suisses». « Je voulais contribuer à la conservation de la vie privilégiée que nous avons en Suisse», explique-t-il.

Il comprend que sa position puisse surprendre, vu son origine croate: «Mais si je veux changer les choses concernant les étrangers, il n’est pas bon de crier depuis l’autre rive de la rivière. Je dois être au milieu de l’action.»

Yvette Estermann siège au Conseil national depuis 2007. Elle est l’une des personnes naturalisées au Parlement à l’heure actuelle avec la socialiste Ada Marra, d’origine italienne.

Yvette Estermann a obtenu la nationalité suisse en 1999, avant d’adhérer l’année suivante à l’UDC à Kriens, dans le canton de Lucerne. Elle assure n’avoir eu aucune difficulté à choisir un parti auquel adhérer. En regardant les débats politiques à la télévision, elle a été impressionnée par Christoph Blocher, la figure de proue du parti: «Il fait des déclarations claires. Il est authentique. En étudiant le programme de l’UDC, ça m’a confirmé que c’était la bonne direction.»

Plus suisse que les Suisses

Le programme du parti pour la législature 2011-2015 tient dans un document de plus de 100 pages rempli de statistiques, de citations et de photos sur papier glacé. Les arguments du parti sont décrits en détail. «Quand les gens votent pour l’UDC, nous voulons qu’ils sachent exactement ce qu’ils vont obtenir, dit le texte d’introduction. L’UDC parle d’une voix claire et suit une direction claire et fiable.»

Certaines de ces valeurs – comme la souveraineté, la démocratie directe et la responsabilité personnelle – sont revendiquées par la plupart des partis politiques suisses. D’autres thèmes – comme le rejet de l’adhésion à l’UE et la réduction de la criminalité par l’expulsion des criminels étrangers – ne le sont pas.

Alors, y a-t-il de bons et de mauvais étrangers? Non, répond le président du parti Toni Brunner, mais «comme partout, il y a de bonnes et de mauvaises personnes, tant parmi les étrangers que les Suisses. Des criminels qui ne respectent pas la loi ou mettent leur propre culture au-dessus de la législation du pays.» Toute personne qui vit en Suisse doit respecter la Constitution suisse, insiste Toni Brunner.

Se mobiliser pour l’identité suisse ne pose pas de problème pour Yvette Estermann. En 2008, elle a présenté une motion au parlement exigeant des parlementaires qu’ils chantent l’hymne national avant le début de chaque nouvelle session. « Beaucoup ont apprécié et dit: vous nous enseignez comment être suisse.»

Quant à Toni Brunner, il me sert chaleureusement la main en apprenant ma récente naturalisation : «Félicitations! Bienvenue. Il ne doit pas être facile de devenir suisse. Mais quand vous le devenez, c’est un privilège qui signifie que la citoyenneté permet de contribuer aux décisions. La lutte pour ce droit vaut la peine, même si cela prend cinq ou dix ans.»

Traduit de l’anglais par Frédéric Burnand

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