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Neuchâtel se pose en champion suisse de l’Europe

Le ministre neuchâtelois Bernard Soguel reste plus que jamais un partisan de l'adhésion de la Suisse à l'UE. Keystone

Une forte délégation du Conseil d'Etat (gouvernement) et du Parlement du canton de Neuchâtel s'est rendue cette semaine à Bruxelles. Histoire de marquer son attachement à l'Europe.

swissinfo a recueilli les commentaires de trois des participants.

Décidément, Neuchâtel fait les yeux doux à l’Union européenne (UE). C’est en effet la seconde fois en seulement trois ans qu’une délégation des plus hautes autorités politiques du canton prend le chemin de Bruxelles.

Mais pourquoi Neuchâtel affiche-t-il une telle europhilie alors que l’idée européenne séduit de moins en moins dans une Suisse romande pourtant largement favorable à une adhésion à l’UE il y a quelques années encore?

Réponses dans l’interview croisées de trois des participants: Bernard Soguel, conseiller d’Etat (ministre) socialiste et chef du département de l’Economie, la socialiste Marianne Guillaume-Gentil, vice-présidente de la commission parlementaire et Walter Zwahlen du Réseau urbain neuchâtelois (RUN).

swissinfo: Est-il vrai qu’à chaque réunion intercantonale, Neuchâtel rappelle haut et fort qu’il est faveur de l’adhésion de la Suisse à l’Union européenne (UE)?

Bernard Soguel: Nous aimons bien souligner cela en effet. La voie des accords bilatéraux a donné plus de résultats que prévu, mais sa complexité nous fait dire qu’à un moment donné, on devra se rendre compte qu’il vaut mieux faire partie intégrante de l’UE.

swissinfo: Pourquoi?

Bernard Soguel: L’adhésion a des avantages; elle nous permettrait de faire des propositions, de donner notre avis, de voter. Aujourd’hui, le seul droit que nous avons, c’est celui de ne rien dire.

On doit appliquer des décisions, découlant d’accords, qui sont prises par les institutions européennes. D’un point de vue économique, l’adhésion nous aiderait également à résoudre le problème suisse des cartels, qui a un effet sur les prix.

swissinfo: Le canton de Neuchâtel ne se sent-il pas un peu seul à livrer ce combat?

Bernard Soguel: Seul à parler aussi clairement de cette situation, surtout. De manière générale, les autres cantons de Suisse occidentale et certains cantons alémaniques, comme celui de Bâle, sont ouverts à l’adhésion, même s’ils ne l’affirment pas aussi précisément que Neuchâtel.

A un colloque des Conseils d’Etat qui s’est tenu en janvier à Interlaken, plusieurs de mes collègues ont souligné que nous arrivons au bout du processus bilatéral et qu’il faudrait à nouveau préparer l’adhésion.

swissinfo: N’est-ce pas risqué, vu l’atmosphère qui règne en Suisse depuis que la droite nationaliste (Union démocratique du centre / UDC) est passée dans l’opposition?

Bernard Soguel: A mon avis, il ne faut pas remettre la question de l’adhésion sur le tapis maintenant. Il faut surtout se concentrer sur les deux référendums concernant la libre circulation des personnes qui pourraient avoir lieu en 2009.

swissinfo: Mais vous restez fidèles à votre conviction?

Bernard Soguel: Oui, même si nous nous sommes rendus compte, à Bruxelles, que les bilatérales resteront pour très longtemps la voie qui sera suivie.

Walter Zwahlen: On vit bien, avec ce système des accords bilatéraux. Mais il faut faire attention à ne pas avoir l’impression que la Suisse n’a qu’à demander pour recevoir et qu’elle ne doit rien donner en échange.

Marianne Guillaume-Gentil: Nous avons rencontré des gens (ndlr: des hauts fonctionnaires de la Commission européenne, des eurodéputés, l’ambassadeur de Suisse auprès de l’UE, etc.) qui ne manient pas la langue de bois. La Suisse fait des caprices, nous ont-ils dit. Mais attention: l’Union n’a pas besoin de la Suisse! Elle peut la contourner. Nous, en revanche, on ne peut pas vivre sans l’Union. Nous l’utilisons pour tous les actes de notre vie quotidienne.

swissinfo: Des caprices dans le domaine de la fiscalité des entreprises par exemple?

Marianne Guillaume-Gentil: Nous nous attendions à ce que l’ombre du différend sur la fiscalité cantonale plane sur tous nos entretiens, mais cela n’a pas été le cas.

Bernard Soguel: Tout le monde s’est appliqué à nous dire: «n’en faites pas une montagne; il ne faut pas exagérer l’ampleur du problème».

swissinfo: Ne vous a-t-on pas dit, tout de même, que Bruxelles pourrait adopter des mesures de rétorsion au cas où Berne refuserait de lâcher du lest?

Bernard Soguel: La question doit être réglée. Soit la Suisse ne bouge pas et provoque une rupture, qui conduira peut-être l’Union à bloquer certains dossiers. Soit elle dit non à des négociations, mais modifie quand même sa fiscalité, de façon autonome…

Walter Zwahlen: A la Commission, on nous a notamment parlé de l’exemple irlandais, dont la Suisse pourrait s’inspirer pour modifier sa législation. L’Union tolérerait une baisse des taux d’imposition, pour peu qu’ils soient les mêmes pour toutes les entreprises.

swissinfo: Ce problème concerne-t-il canton de Neuchâtel?

Bernard Soguel: Evidemment! Mais de toute manière, il faut chercher de nouveaux instruments de promotion économique, car les allègements fiscaux sont également remis en cause en Suisse. La Suisse occidentale a des atouts fantastiques, en matière de concentration d’instituts de recherche et de têtes pensantes, que nous devrions mieux mettre en valeur.

swissinfo, Tanguy Verhoosel, Bruxelles

Les Neuchâtelois ont souvent prouvé leur europhilie au travers de votes nationaux sur des thèmes concernant les relations entre la Suisse et l’Union européenne. Quelques exemples:

6 décembre 1992: les Suisses refusent l’entrée du pays dans l’Espace Economique Européen (EEE) à 50,3%. Les Neuchâtelois acceptent à 80%.

21 mai 2000: les Suisses acceptent à 67,2% la conclusion d’un premier paquet d’accords bilatéraux avec l’UE. A Neuchâtel, le taux d’acceptation est de 79,4%.

4 mars 2001: 76,85 des Suisses refusent une initiative populaire nommée «Oui à l’Europe!». A Neuchâtel, le taux de refus n’est que de 55,8%.

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