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Nouvelle offensive contre l’antisémitisme

Les Israélites ont constaté une recrudescence d'actes dirigés contre leur communauté. Keystone Archive

Victimes d’un sentiment d’insécurité, les juifs de Suisse mettent la pression politique sur le gouvernement pour lutter contre l’antisémitisme.

Mercredi, Micheline Calmy-Rey reçoit une délégation de la Fédération suisse des communautés israélites.

Du côté de la Fédération suisse des communautés israélites (FSCI) – qui représente 80% des 18’000 juifs de Suisse – Dennis Rhein situe cette rencontre «dans le cadre des visites de routine qui se tiennent sur une base régulière avec les ministres responsables de domaines d’activités qui recoupent les préoccupations des communautés israélites».

Mais qu’on ne s’y trompe pas. Ce que le ministère suisse des Affaires étrangères qualifie d’«échange de vues» pourrait bien aller plus loin.

Les inquiétudes d’Alfred Donath

En effet, ces derniers mois, le président de la FSCI, Alfred Donath, s’est fait à plusieurs reprises le porte-parole d’un sentiment croissant d’insécurité au sein des communautés israélites.

Au début du mois de mai, ce professeur de médecine de Genève qui est aussi coprésident du Congrès juif européen, avait demandé à rencontrer Samuel Schmid, ministre de la Défense. Objectif: lui faire part de son inquiétude face à la recrudescence des manifestations antisémites.

Et puis, à nouveau le 28 mai à Berne, dans un discours très remarqué lors de l’assemblée annuelle de la FSCI, Alfred Donath avait sommé le gouvernement fédéral de prendre position, à l’image des gouvernements allemand et français.

«Les juifs ne se sentent plus en sécurité en Suisse, a-t-il notamment déclaré. Les menaces sont devenues directes, même si elles sont souvent cachées derrière un lâche anonymat.»

Agressions, violations de tombes, injures… Ces derniers mois, plusieurs incidents ont été signalés.

En avril, les murs de la synagogue de Lausanne ont été couverts de graffitis injurieux… Ils n’ont pas été effacés, afin de montrer au public ce qu’affrontent les membres des communautés juives.

L’antisémitisme latent sort du bois

«L’antisémitisme latent n’a jamais disparu, commente Dennis Rhein pour swissinfo, mais il augmente depuis quelques années un peu partout en Europe.»

En Suisse, on se souvient qu’il a connu une résurgence après l’affaire des biens en déshérence. Aujourd’hui, cet antisémitisme se double d’un antisionisme provoqué par le conflit israélo-palestinien et du rejet de l’attitude du gouvernement d’Ariel Sharon.

Et, surtout, le débat autour de l’abattage rituel du bétail (égorgement sans étourdissement de l’animal) est sur le point de subir une nouvelle flambée.

Cet interdit vieux de plus de cent ans a été maintenu en 2002 par les autorités. Il pourrait même s’étendre aux importations de viande casher et halal, dans le cadre de la révision de la loi sur la protection des animaux.

C’est en effet ce que demande la Protection suisse des animaux (PSA), qui s’apprête à déposer une initiative populaire pour un meilleur traitement des bêtes le 23 juillet prochain.

La création d’un poste d’observateur

Du point de vue des délits recensés, le rapport 2002 de la police indique que le nombre d’incidents liés à l’extrême droite – qui compte un millier de partisans en Suisse – est resté stable autour de 120 incidents dénoncés.

D’autres organismes, comme la Commission fédérale contre le racisme et l’antisémitisme (CFR), tentent de faire l’inventaire des atteintes à la loi. Mais il est, selon elle, quasiment impossible de «quantifier» les manifestations antisémites. La CFR ne serait-elle pas à la hauteur?

Pas du tout, répond son président, Georg Kreis. «Le problème, c’est que nous ne voyons que la pointe de l’iceberg. Nous sommes confrontés à un phénomène ‘non public’, donc invérifiable et incontrôlable. Au point qu’il est impossible de réagir en invoquant la loi contre le racisme et l’antisémitisme.»

Pour palier à cette impasse, Alfred Donath a annoncé la création d’un poste dans le but de recenser et surtout d’analyser les manifestations antisémites.

A Zurich, son collègue Dennis Rhein estime toutefois que ce n’est pas si simple: «Il faudrait surtout coordonner les efforts des différentes organisations qui travaillent souvent dans leur coin sans contact les unes avec les autres.»

Combativité nouvelle

C’est ce qui explique la combativité nouvelle manifestée par les milieux israélites, toujours selon le professeur bâlois Georg Kreis. «Ils ne veulent plus continuer d’encaisser sans rien dire comme par le passé. Ils sont maintenant prêts à se défendre et à riposter.»

Et apparemment aussi sur le plan politique. La FSCI semble déterminée à contre-attaquer et à placer le gouvernement fédéral «face à ses responsabilités», selon Alfred Donath.

On saura très bientôt si la FSCI, lors de ce premier entretien avec Mme Calmy-Rey, aura su faire vibrer la corde sensible chez la nouvelle ministre des Affaires étrangères.

swissinfo, Isabelle Eichenberger

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