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Nouvelle tension turco-suisse

Affiche géante où figurent les visages de 90 survivants du génocide arménien. Keystone Archive

Ankara s'offusque d'une enquête ouverte par un procureur de Winterthour contre un historien turc de renom pour négation du génocide arménien.

Par le passé, cette question avait déjà contribué à tendre les relations entre la Suisse et la Turquie. Notamment à cause de la reconnaissance du génocide en 2003 par le Conseil national.

Au niveau cantonal, le génocide a également été reconnu par les autorités genevoises (Conseil d’Etat et parlement) et par le Grand Conseil vaudois. Des démarches qui ont suscité le courroux de la Turquie.

Une visite de la ministre suisse des affaires étrangères prévue en septembre 2003 avait même été annulée par Ankara. Et il avait même fallu attendre le mois de mars de cette année pour que ce déplacement puisse avoir lieu.

A peine deux mois après la rencontre entre Micheline Calmy-Rey et son homologue turc (cf encadré), c’est une enquête ouverte par la justice suisse à l’encontre d’un historien turc de renom pour négation du génocide arménien qui ravive les tensions entre les deux pays.

Une «grave erreur»

Cité lundi par le journal «Hürriyet», Abdullah Gül a condamné la procédure ouverte à l’encontre de Yusuf Halacoglu – président de l’Institut d’histoire turque (TTK) – en estimant que les autorités suisses commettaient une «grave erreur».

Le ministre turc des affaires étrangères a d’ailleurs admis avoir convoqué la semaine dernière l’ambassadeur suisse à Ankara, Walter Gyger, à ce sujet. L’ambassade turque à Berne a également protesté auprès du gouvernement suisse.

Les autorités turques se sont cependant dites rassurées du fait que l’affaire n’en est qu’au stade de l’enquête préliminaire et qu’aucun mandat d’arrêt n’a été délivré contre le professeur turc, contrairement à ce qu’a affirmé la presse turque.

«Il n’y a pas de mandat d’arrêt», a confirmé le porte-parole de l’Office fédéral de la justice (OFJ) Folco Galli. Berne et Ankara ont décidé de «collaborer étroitement» sur cette affaire. «La Suisse s’est montrée particulièrement coopérative», a reconnu un porte-parole du ministère turc des affaires étrangères.

Un délit poursuivi d’office

De son côté, le procureur de Winterthour Andrej Gnehm a expliqué avoir ouvert une enquête pénale à la suite d’un discours tenu par Yusuf Halacoglu le 2 mai 2004. Ce dernier s’était exprimé à l’invitation de la communauté turque de Winterthour.

La négation du génocide est un délit poursuivi d’office, a souligné le magistrat. Via interpol, il a demandé aux autorités turques de lui fournir des informations sur le professeur d’histoire, l’un des principaux défenseurs des thèses turques sur les massacres commis entre 1915 et 1917 par le pouvoir ottoman.

Le procureur suisse souhaite pouvoir interroger l’historien afin que celui-ci puisse prendre position sur les reproches qui lui sont adressés. Andrej Gnehm n’exclut pas que l’historien puisse s’expliquer par écrit. Le procureur pourra alors décider s’il poursuit ou non la procédure.

Selon les Arméniens, 1,5 million des leurs ont été tués au cours des massacres, qui ont été officiellement reconnus comme génocide par plusieurs pays.

La Turquie rejette de son côté catégoriquement la thèse d’un génocide, estimant qu’il s’agissait d’une répression dans un contexte de guerre civile. Ankara évalue à 300 000 le nombre d’Arméniens massacrés et affirme qu’au moins autant de Turcs ont été tués.

swissinfo avec les agences

800’000 des 1,8 millions d’Arméniens de l’Empire ottoman ont été massacrés entre 1915 et 1918.
Toujours nié par la Turquie, ce génocide a été reconnu ces dernières années par une quinzaine de parlements dont ceux de France, de Russie et d’Italie.
Le 24 juillet 1923, c’est à Lausanne qu’est signé le traité qui marque la naissance de la Turquie moderne.
La Chambre basse du Parlement suisse a reconnu le génocide arménien le 16 décembre 2003.

– Plus de 80’000 citoyens turcs et environ 6000 personnes d’origine arménienne vivent en Suisse. Près de 1500 Suisses vivent en Turquie.

En 2004, les exportations suisses vers la Turquie ont atteint 1,9 milliard de francs, en hausse de 17% par rapport à l’année précédente.

– La Suisse se situe au 6e rang des investisseurs étrangers en Turquie. A fin 2003, les investissements helvétiques atteignaient 1,1 milliard de francs, en hausse de 84 millions par rapport à l’année précédente.

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